Toulon financièrement dans le vert mais sous pression du résultat ?

Toulon financièrement dans le vert mais sous pression du résultat ?

18 avril 2015 - 10:10

8 Commentaires

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DEVANT-LA-MAIRIE-DE-TOULON-7Avant les demi-finales de Coupe d’Europe, Clermont – Saracens, samedi à Saint-Etienne (16h15), et Toulon – Leinster, dimanche à Marseille (16h15), sous avons demandé à deux experts économiques de passer au banc d’essai les deux clubs français, l’Anglais et l’Irlandais.

Fin connaisseur de l’Ovalie version business, Philippe Spanghero, directeur de l’agence TeamOne, observe dans les chocs du week-end «un reflet assez exact de la diversité des modèles économiques en vigueur dans l’élite du rugby européen». Si l’on excepte l’absence des clubs portés par des mécènes, à l’image du Racing-Métro, éliminé en quarts de finale,«la photo de famille est quasi complète», confirme François Hilbrandt, consultant pour le cabinet Kurt Salmon. Les deux experts auscultent pour nous les forces et faiblesses de chacun des demi-finalistes.

TOULON DANS LE VERT MAIS SOUS PRESSION DU RÉSULTAT

Le RC Toulon est le seul club du Top 14 (avec Brive) à s’afficher en vert dans le rapport annuel de la Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DNACG), qui a révélé en début de semaine un déficit cumulé record de 33 millions d’euros. «Le modéle économique du RCT est rationnel, mais le risque est le même que pour Toulouse, analyse Philippe Spanghero. Lorsque s’enchaînent quelques saisons sans titre ou au minimum sans une phase finale à domicile, avec les recettes supplémentaires de billetterie que cela génère, la situation peut vite se compliquer.»

Explication: «Toulon se donne les moyens de ses ambitions avec un recrutement haut de gamme. Mais quand on voit que le club déclare des résultats positifs de « seulement » 700.000 €, alors qu’il a reçu un quart et une demi-finale européenne la saison dernière, que se passerait-il en cas de saison moins faste? La vérité, c’est qu’il perdrait sans doute pas mal d’argent. J’ai beaucoup de respect pour tous ces clubs constamment sous la pression du résultat.»

«Toulon dans une logique assez vertueuse, mais très dépendante du « génie » de son principal actionnaire, Mourad Boudjellal»

«Toulon et les Saracens ont un peu la même philosophie, enchaîne François Hilbrandt. Ces clubs sont charpentés autour des fortes personnalités de leurs actionnaires principaux, Boudjellal à Toulon, le duo Rupert-Wray pour le club anglais.» Il s’agit bien plus d’investisseurs et d’entrepreneurs que de mécènes, c’est une grande différence avec un Serge Kampf à Grenoble ou un Jacky Lorenzetti au Racing-Métro, même si dans ce dernier cas, il y a aussi une vraie logique de développement, structurée autour de l’Arena 92 à horizon fin 2016.

LES SARACENS AIMENT JOUER AU LARGE

Ce qui distingue le plus Toulon des Saracens, c’est l’ancrage local du RCT, beaucoup plus fort que celui des Saracens, confrontés à Londres à une très forte concurrence sportive. «Il y a une véritable osmose à Toulon entre le club et les collectivités. Il bénéficie du plus fort taux de subventions locales du Top 14. Les Saracens, comme d’autres clubs anglais, cherchent plutôt à se développer à l’international, même si c’est une réflexion balbutiante et encore peu monétisée.» «Ces nouveaux marchés ont de quoi en effet tenter des clubs en quête de relais de croissance, appuie Philippe Spanghero, alors que la charge salariale augmente constamment et que les recettes ne suivent pas en proportion, notamment en raison de la stagnation du sponsoring en Europe.»

«Les endroits du monde où il y a beaucoup d’argent à aller chercher, c’est l’Asie avec notamment Hong Kong et Singapour, les Emirats arabes, les Etats-Unis, autant de territoires où vivent de fortes colonies d’expatriés britanniques. C’est donc un terreau hyper fertile pour les clubs anglais et notamment les Saracens qui ont été les premiers au monde à organiser une tournée à Hong Kong. C’est un relais de croissance qui peut être très important pour certains clubs européens, y compris dans le Top 14.»

«Pour les clubs français, il y a des opportunités extérieures pour ceux qui disposent à la fois d’une marque puissante et de sponsors à fort rayonnement international. C’est l’évidence pour le Racing-Métro et son partenaire Natixis sur le marché asiatique, idem pour Toulouse avec Peugeot et Airbus. Et sans doute aussi pour Toulon grâce à ses joueurs « mondialisés » qui « parlent » à de nombreuses communautés, de l’Australie à l’Afrique du Sud.»

CLERMONT, LA CULTURE D’ENTREPRISE D’UN GÉANT

«Le modèle de Clermont est assez proche de celui d’un club comme Toulouse, décrypte François Hilbrandt. Il vise l’autofinancement en se donnant les moyens de développer au maximum ses recettes. Historiquement, le club s’est appuyé sur le groupe Michelin et le stade qui porte son nom en est un héritage très précieux. Plus encore qu’un financement qui est mineur aujourd’hui, il bénéficie surtout de la culture d’entreprise de ce grand groupe, de la sagesse managériale des cadres de haut niveau issus d’une société à la réussite mondiale assez rare.» Comme à Toulon, il y a une forte adéquation entre le club et la ville, la région, mais les subventions territoriales sont moins élevées qu’au RCT ou à Montpellier, par exemple.

«Sans résultats pendant un an ou deux, Clermont serait sans doute moins en danger que Toulon et pourrait continuer une stratégie de développement à moyen et long terme»
«Dans l’esprit, Clermont reste un club d’entreprise possédant une forte dimension sociétale comme peut l’être le Castres Olympique, soutenu par les Laboratoires Pierre Fabre et très impliqué aussi dans son environnement, prolonge Philippe Spanghero. Sans résultats pendant un an ou deux, il serait sans doute moins en danger que Toulon et pourrait continuer une stratégie de développement à moyen et long terme, contrairement au RCT qui devrait changer de braquet dans l’urgence comme le fait Toulouse.»

François Hilbrandt: «Le risque pour le Top 14 est comparable à ce qui s’est passé lorsque les droits TV ont déferlé sur la L1. Dans le football, cette manne financière a pu faire oublier les principes de bonne gestion, avant que des correctifs soient apportés.» C’est un peu ce que la DNACG a constaté l’an dernier: la perspective d’un contrat TV fortement revalorisé (71 millions d’euros cette saison, 74 millions d’euros à partir de la saison prochaine) a ouvert les portefeuilles dans une logique de «course à l’armement», au détriment d’une réflexion en termes d’infrastructures et de projets de développement pérennes. Il y a d’ailleurs une réflexion actuellement à la Ligue nationale de rugby consistant à indexer le versement de la part variable des droits TV aux efforts des clubs pour se structurer et réduire la sensibilité à l’aléa sportif.

LES CONCLUSIONS DE NOS EXPERTS

François Hilbrandt: «On peut se poser des questions sur la pérénnité de certains de ces modèles économiques, en particulier celui des Saracens en raison de leur dette (40 M€ selon la presse britannique). Toulon me semble en revanche dans une logique assez vertueuse, mais très dépendante du « génie » de son principal actionnaire, Mourad Boudjellal. Des quatre demi-finalistes, sachant qu’il est plus difficile d’analyser la situation irlandaise, faute de données fiables, le modèle de Clermont me paraît le plus robuste, le plus sage et pas le moins performant.»

Philippe Spanghero: «En France, on s’est pris au jeu, peut-être trop. Les sponsors sont là, il y a une forte médiatisation avec Canal qui a revalorisé les droits et qui veut vraiment appuyer sur le Top 14, on a les plus grands joueurs du monde qui jouent chez nous, donc ce n’est pas facile de faire le constat qu’on est peut-être arrivé au bout d’un modèle qui n’arrive plus à trouver les relais de croissance pour augmenter les recettes et compenser l’augmentation de la rémunération des joueurs. En comparaison, le modèle anglais est intéressant parce que confronté à la même situation il y a quelques années, il a su faire marche arrière et maintenant il redevient sexy et compétitif en dépensant moins. Il y a sûrement des idées à prendre là-bas pour les transposer de ce côté-ci de la Manche.»

Source: lequipe.fr

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8 Commentaires

  1. marcociti 18 avril 2015 à 10h- Répondre

    Bref, le RCT fonctionne comme une entreprise, et comme toute entreprise, si ça merde, c’est la merde. Clermont est comme une entreprise soutenue par une maison-mère, si ça merde, maman vient pour payer le loyer. Le Racing est comme un sale gosse qui vit sur le dos de maman pour mieux picoler à Saint-Tropez.

    Par contre, le ridicule de cet article, c’est que « Le modéle économique du RCT est rationnel, mais le risque est le même que pour Toulouse » pour ensuite « Le modèle de Clermont est assez proche de celui d’un club comme Toulouse ». Alors si je comprends bien, Toulon et Clermont ont des modèles différents, Clermont a un modèle proche de celui du ST, mais c’est Toulon qui est exposé aux mêmes risques que Toulouse. Okay….

    En attendant, le RCT est parti de rien, alors que l’ASM est parti du soutien de Michelin. Si demain Toulon se plante, alors il suffira de réduire la voilure, de recruter plus intelligemment, pour repartir sur une croissance telle que connue ces dernières années. Si en partant d’en bas, le RCT est tout en haut, alors MB devrait être capable de redresser la barre en cas de légère baisse passagère.

  2. ron 18 avril 2015 à 10h- Répondre

    Bien vu, comme le dit MB les résultats de l’année en cours conditionnent le budget de l’année suivante et il prévoit toujours un budget avec participation aux phases finales et un budget moindre en cas de non participation, ce qui était envisageable la saison dernière avec la défaite à domicile contre Grenoble.
    Le RCT a une capacité d’adaptation bien supérieure aux autres clubs.
    En plus, pourquoi déclarer un résultat fortement positif, pour payer plus d’impôts?
    Le plus intelligent est de les réinvestir sans les sortir de la société. Du coup, il faudrait pour comparer les situations indiquer le taux de réinvestissement des clubs.

  3. lolo1963 18 avril 2015 à 11h- Répondre

    MOURAD fait le spectacle pour attirer vers lui les medias et tenter de supprimer la pression aux joueurs, en plus il aime ça 😀
    Plus personne n’aura rien à redire si on fini premier des deux compétitions ..
    SUPPORTONS TOULON EPICETOU

    GO TOULON…

  4. billkm 18 avril 2015 à 11h- Répondre

    Philippe Spanghero devrait plutôt contrôler la qualité de la viande de son ancienne société 🙂

    • lepontdulas83 18 avril 2015 à 14h- Répondre

      ce n’est plus sa société depuis belle lurette 😎 😎

  5. lou toti 18 avril 2015 à 13h- Répondre

    En gros toulon et beneficiaire mais en danger… et clermont edt deficitaire mais plus viable… va falloir que quelqu’un m’explique je suis larguer sur sa logique.

    • DédéLePremier 18 avril 2015 à 13h- Répondre

      Ben Toulon comme Toulouse dépendent des résultats sportifs alors que Clermont comme le Racing le Stade Française Castre ou Montpellier dépendent d’un mécène ou d’une grosse entreprise.

      Si pas de résultat sportif, il faut que Toulon et Toulouse réduisent la voilure, par contre si pas de mécène alors les autres sont très mal.

      • lou toti 18 avril 2015 à 14h- Répondre

        Justement l’article dit que clermont ne depend plus de michelmichelin et vit en autofinancement.