A l’image des demi-finales de Top 14, le sacre du Stade Toulousain s’est dessiné au terme d’un match sans essai. Pour Ugo Mola, ancien entraîneur de Brive, cette tendance a de quoi inquiéter.

La phase régulière du championnat avait déjà révélé un indice fort : une déperdition de 116 essais cette saison (559 essais en 2011/2012 contre 677 en 2010/2011). Les demies et la finale du Top 14 n’ont rien changé. Au contraire. Avec zéro essai en trois rencontres, les phases finales ont brillé par leur médiocrité. Certains se réfugieront derrière les conditions climatiques ou cet enjeu de la victoire plus fort que tout. Mais à écouter les entraîneurs, le mal est plus inquiétant. « J’ai passé mon année à convaincre les mecs qu’il fallait jouer pour s’en sortir, nous explique Ugo Mola, ancien entraîneur de Brive. Mais les joueurs ne s’en rendent même plus compte. Ce n’est vraiment pas simple d’entretenir ce discours. La tendance est à se refermer sur soi et l’on revient malheureusement à des choses plus pragmatiques.»

« La mêlée devrait être le meilleur lancement de jeu. Et bien non. Cela freine le rythme d’un match. C’est devenu la roulette russe. Il faut clarifier le règlement pour encourager l’animation offensive.»Le sacre du Stade Toulousain sur Toulon (18-12), basé sur une mêlée forte, en est le meilleur exemple. « La mêlée devrait être le meilleur lancement de jeu puisque c’est là où sont concentrés le plus de joueurs, souligne Mola. Et bien non. Une fois sur deux, c’est un moyen de gestion de l’arbitre pour accentuer la domination d’une équipe ou freiner le rythme d’un match. Entre les anticipations, les commandements, les mêlées écroulées, c’est devenu la roulette russe. Il faut clarifier le règlement pour encourager l’attaque.» Une ambition offensive trop souvent réprimée. « C’est devenu très difficile de porter le ballon. Les joueurs sont constamment pénalisés sur leurs attitudes. Les deux équipes les plus performantes sur le jeu, Montpellier et Clermont, se sont arrêté en quart et demie. Aujourd’hui, il est plus facile d’occuper au pied et de défendre. J’ai assisté dernièrement à un tournoi de gamins (- de 10 ans) qui tapaient aux pieds au lieu de se faire des passes. Notre sport fait flipper. Mais le plus frustrant, c’est de voir Toulouse gagner en s’adaptant aux conditions du réglement. Eux, pour gagner, n’avaient pas besoin de jouer, et c’est ça qui est gênant. Guy (Novès) en a pris la mesure. Mais il ne s’agit pas de dire que la conquête est facile.»

«Si tu n’as pas de marge, tu réduis la voilure»
Si l’intensité et l’engagement, notamment dans le jeu au sol, n’ont cessé de grandir ces dernières années, le déséquilibre dans les contenus est devenu conséquent. Et le scénario des matches souvent contraires aux discours des entraîneurs. « Quand on voit le temps que l’on passe aux entraînements sur l’animation offensive, à relancer, provoquer pour huiler le mieux possible notre collectif et que ça ne correspond qu’à 10% des phases de jeu… Je me dis parfois qu’on ferait mieux de dire à notre buteur de s’entraîner à l’écart au lieu de bosser sur l’animation. Mais rien ne changera tant que l’intérêt financier et le maintien en Top 14 sera aussi grand. Si tu n’as pas de marge, tu réduis la voilure…» Et le spectacle.

Source: lequipe.fr