Matthis Lebel raconte le calvaire traversé par Toulouse tout au long de la saison

Matthis Lebel raconte le calvaire traversé par Toulouse tout au long de la saison

Le mardi 24 juin 2025 à 11:42 par David Demri

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Cette finale de Top 14 sera une histoire de revanche. Pour l’Union Bordeaux-Bègles celle de l’historique défaite l’an passé, pour le Stade Toulousain l’élimination en demi-finale de Champions Cup.

L’ailier Matthis Lebel évoque ce rendez-vous et la saison particulière du Stade Toulousain, mais aussi la manière d’aborder les finales de son club, qui reste sur dix matchs consécutifs remportés à ce stade de la compétition. Où l’on sent l’envie d’en découdre…

Comment avez-vous accueilli cette qualification pour la finale du Top 14? C’est la septième toutes compétitions confondues pour le groupe, la troisième de suite en championnat, on a le temps de savourer?

Savourer… ça n’a pas du tout été les grandes festivités, ce qui est normal une semaine de finale. Mais c’est sûr qu’on est sortis du match avec l’exigence que tout le monde commence à connaître de Ugo (Mola) et du staff et des joueurs entre nous. On était très contents pour le groupe, il faut se rendre compte que c’est quand même bien la cinquième finale, ça on ne crache pas du tout dessus, loin de là, mais il y avait quand même ce truc de se dire que tout n’a pas été parfait non plus contre Bayonne. Donc on l’a pris avec beaucoup de lucidité, j’ai envie de dire.

Ugo Mola a parlé de « saison en enfer ». En quoi elle est difficile cette saison?

Franchement, je le rejoins. Déjà, je pense qu’elle est difficile car il faut se rendre compte que, mine de rien, sur les trois dernières saisons, on a joué toutes les compétitions à fond. C’est-à-dire qu’à chaque fois, tu finis tard dans la saison. Donc je pense que peut-être, inconsciemment, tu accumules une sorte de fatigue. Je ne sais pas si on peut appeler ça vraiment la fatigue, ce n’est pas forcément physique, mais ça vient de cette répétition. Ça fait trois ans tu finis fin juin, en essayant de jouer tous les coups à fond, donc c’est à prendre en compte. Après, il y a eu les malheurs dans le club, je pense que ça pèse quand même sur un groupe, même si tout le monde fait son deuil. Il y a eu cette déconvenue aussi en Coupe Europe et des grosses blessures. Des blessures, il y en a toujours dans un groupe. Mais là, d’aussi grosses blessures dans ce laps de temps quand même, forcément ça pèse sur tout le groupe. Et en plus de ça on rajoute les exigences du club, qui sont normales et légitimes, mais c’est un cocktail de tout ça. C’est une saison qui n’est pas facile, mais on espère que ça pourrait être la plus belle.

Ce n’est pas vous faire injure que de vous dire que vous n’avez pas la même fluidité que l’an passé à la même époque?

Oui après, il faut le regarder. Ce n’est pas ça qui va nous dire si on va gagner quelque chose. Mais on a quand même essayé de produire des choses pendant l’année. On a marqué des points, je crois qu’il y a des records avec ça, mais bon, encore une fois, ce n’est pas ça qui fait gagner. Donc oui, on peut dire qu’on n’a pas le jeu le plus huilé de la terre, mais encore une fois, si on arrive à voir une belle récompense samedi, ce qui sera pas du tout facile, il faut savoir aussi parfois apprécier de gagner « pas joli ». Mais je peux assurer d’un truc, c’est que, quoi qu’il arrive, on espère en tout cas rendre la plus belle image possible.

Est-ce qu’on arrive à l’expliquer? La longueur de la saison joue aussi sur la fraîcheur?

Oui, je pense qu’il y a un mélange. Il faudrait le prendre avec beaucoup de recul. Nous on a encore un peu la tête dans le guidon, forcément. Oui, tu perds en demi-finale de Champions Cup, mais le problème, ce n’était pas de perdre. Le problème, c’était l’image qu’on a renvoyée. Et donc après, tu essaies de bien réagir. Contre Toulon, on essaie de mettre les ingrédients, donc tu montes le degré d’intensité pendant le match. Mais au final, sur les matchs qui suivent, tu te plombes un peu sur la discipline. Et dès que tu es discipliné, peut-être qu’il manque un peu d’engagement. Il faut réussir à trouver le bon compromis entre l’intensité qu’il faut mettre dans les matchs pour exister, et la discipline. Peut-être qu’on s’est retrouvé un peu le c… au milieu de tout ça. On voulait mettre de l’intensité ou être discipliné, alors que la solution, c’était de réussir à faire les deux. Mais c’est sûr que ce n’est pas facile.

Maintenant, vous êtes en finale. Est-ce que tout ce qu’il s’est passé avant est balayé?

Maintenant il faut avancer. Nous, il nous tenait à cœur de se racheter de cette demi-finale. On a perdu contre Bordeaux mais aujourd’hui on a la chance d’y être arrivé, mais on est parfaitement conscient qu’il faudra qu’on montre un tout autre visage, encore une fois. Donc j’espère en tout cas que ça sera le moment pour les joueurs qui composent l’équipe de sortir le match qui va bien. Mais encore une fois, au-delà du résultat, même si personne ne joue une finale pour la perdre, on est bien d’accord, c’est aussi pouvoir tous se regarder dans les yeux.

Depuis 2008, le club reste sur dix finales remportées. Votre génération en a gagné six sans en perdre une. On parle de savoir-faire. C’est quoi ce savoir-faire?

Je pense que c’est quelque chose qui a été cultivé dans le club. Et peut-être que certains joueurs arrivent, sur le match qui compte, à sortir le match qui va bien. Mais encore une fois, il faut le dire vite, et ne le sort pas en grand titre (sourire). Parce que le but, c’est que l’équipe gagne sans attendre à chaque fois un exploit d’untel ou untel. C’est que l’équipe soit au rendez-vous collectivement pendant 80 minutes samedi. Non, parce que je me rends bien compte, on a eu l’exemple avec Romain (Ntamack), contre La Rochelle en 2023, qui nous fait gagner. Il y a toujours des petits trucs qui nous ont « permis de ». Mais aujourd’hui, les autres équipes s’arment aussi, progressent, et ont aussi de très grands joueurs. Aujourd’hui, ça serait un leurre de dire que ça va passer parce qu’un joueur va faire un exploit. On a besoin d’un groupe et au-delà des 23 joueurs, on a besoin d’un staff, du club, de la structure derrière le club et de l’ensemble des joueurs mobilisés pour cette semaine. Parce que se réveiller samedi, juste avant le match, je pense que ça sera trop tard. Il faut être focalisé sur ça. Même si on se rend bien compte, quand même, que les semaines de finale, il y a cette atmosphère entre nous. La petite tension qui va bien, qui peut nous mettre en veille.

Justement, pouvez-vous nous parlez des derniers jours avant une finale, la montée à Paris, les heures à l’hôtel, la journée du samedi. Comment se passent les journées et que vivez-vous?

Quand tu parles du club qui a gagné ses finales depuis 2008, ça montre l’expérience qu’il a pu acquérir, collectivement. Même si oui, c’est long, comme j’imagine pour les supporters le jour du match. Mais ça nous permet de pouvoir couper, passer du temps entre nous, partir un peu plus tôt. On est sûr que tout le monde va être dans les bonnes conditions pour dormir, pour s’alimenter, etc. Je pense que ça, ce sont les petits détails qui permettent d’optimiser la performance. Mais encore une fois, on peut faire tout ce qu’on veut, si on ne met pas l’engagement… c’est un mélange de tout ça. C’est un peu notre saison, c’est un mélange de tout ça. On espère que l’issue sera favorable avec l’expérience qu’on a apprise, qu’on connaît, l’exigence qu’on doit y mettre. Mais en tout cas, on est prévenu.

Que faites-vous lors de ces dernières heures?

Les dernières heures, je vais dire que c’est un peu comme tout le monde. Tu essayes de te concentrer. Mais par exemple, la veille, tu as la mise en place quand même, qui permet de récupérer. Mais le mieux, la journée qui est sympa, c’est l’avant-veille où on est tous ensemble. Tu peux jouer aux cartes, à la pétanque. Ce sont des petits moments où, à travers quelques sourires, quelques rigolades, ça permet de commencer à la solder l’aventure.

Est-ce qu’elles sont, ces dernières années, toutes les mêmes? Ou avez-vous des souvenirs différents?

Franchement, tu te rappelles toujours, plus ou moins selon la sensibilité de chacun, les détails. Je n’ai pas encore l’information d’où on va partir, si on fait comme chaque année. Je ne vois pas pourquoi on changerait. Mais si on ne change pas, oui, tu as toujours le petit moment sympa, quand même, autour de l’hôtel. On a une piscine et autour, on joue aux cartes, au ballon, à la pétanque. Au final, c’est relativement simple, mais c’est ce qui nous plaît.

Peut-on être pleinement décontracté? Ou on tente de dissimuler son stress?

Là, c’est vraiment chacun son truc. Certains aiment rigoler avant les matchs, ils ont besoin d’évacuer la pression par la rigolade. D’autres ont besoin d’être focus. Mais bon, 72 heures avant le match, on peut quand même se permettre encore un peu de jouer aux cartes, de se taquiner et tout ça. Mais c’est sûr que le jour de la mise en place, déjà, tu sens la tension qui monte. Et le jour du match, je pense que Ugo (Mola) ne rigolerait pas s’il nous voyait à midi en train de jouer aux cartes.

Comment jugez-vous l’UBB?

Franchement, aujourd’hui, c’est la meilleure équipe d’Europe. Forcément, il faut le remarquer. Un parcours européen de dingue. Une saison où on ne peut que bien les juger, dans le sens où j’ai l’impression qu’ils ont réussi à conquérir le cœur de beaucoup de supporters, de leur ville, déjà et de créer un vrai engouement autour d’eux. Je pense qu’ils ont conquis aussi les journalistes. Donc oui, c’est une équipe qui est plaisante, j’ai envie de dire. Qui est plaisante à regarder, mais c’est mérité. Au vu de leur ligne de trois quarts, dont tout le monde parlait déjà l’année dernière. Mais cette année, ils ont élevé grandement leur niveau de jeu, l’intensité qu’on peut mettre dans un match au niveau de leur paquet d’avant. Donc forcément, on peut les voir comme une équipe ultra-complète, qui domine et qui a un projet de jeu clair et net. Et ils s’y tiennent.

Le Stade Toulousain est connu pour se nourrir des déclarations adverses, ou de tout ce que vous pouvez lire ou entendre. Leur laissez-vous volontiers le statut de favori ou le contestez-vous?

Au vu de tout ça, c’est à vous de le juger (sourire)! Mais non, il faut être lucide. Au vu de leur dynamique, de leur saison… ils sont champions d’Europe, je ne vois pas pourquoi ils arriveraient en challenger, ou quoi que ce soit. Mais maintenant, nous, on ne va pas s’attarder à savoir qui est favori ou pas. On sait que le match sera compliqué si on ne met pas ce qu’il faut. Donc ça, on en est conscients, on est prévenus. Maintenant, je vous laisse juger de qui est favori ou qui ne l’est pas.

Quel est le degré de revanche le plus fort? D’encaisser 60 points en finale de Top 14 ou de se faire éliminer en demie de Champions Cup?

Eux, ils vont vous dire la finale l’année dernière et moi, je vais vous dire la demie de coupe d’Europe (rires). Le seul point commun que moi j’y trouve en tout cas, c’est que je pense que nous, en demi-finale ou eux, en finale l’an passé, ce n’était peut-être pas l’image que les équipes voulaient montrer. Je ne pense pas qu’eux ont montré la meilleure image de l’UBB l’année dernière et je ne pense pas qu’on ait nous-mêmes montré notre meilleure image en demi-finale.

Pensez-vous que le fait de vous avoir battu trois fois cette saison donne de la confiance aux Bordelais? Ou qu’il y a un côté « piégeux » car seul le match de samedi donnera directement un titre à la fin de celui-ci?

Tu te dis souvent que c’est quand même bien quand tu peux gagner les matchs pendant la saison. Mais bon, encore une fois, là, on va s’appuyer sur notre expérience qui j’espère nous permettra de bien se débrouiller pendant le match. Mais c’est une finale, c’est un match éliminatoire. Bon, c’est plus qu’éliminatoire. Chaque match est complètement différent des matchs en saison. Ça serait se leurrer de dire que les matchs de saison sont comme les matchs de phases finales, où chaque détail compte. Avec un degré d’exigence qui est bien supérieur à tout ce qu’on a pu connaître.

Peut-on légitimement réclamer une finale à rebondissement vu l’appétit pour le jeu des deux équipes?

Oui, je pense. C’est vrai que les deux équipes aiment le jeu, au vu des deux équipes, du un au vingt-trois des deux côtés. Je pense que c’est deux équipes qui sont quand même tournées vers l’attaque. Mais je ne suis pas sûr qu’on ait vu beaucoup de finales, et là encore une fois, je mets vraiment la dernière entre parenthèses, parce que ça ne reflète pas la réalité de l’UBB aujourd’hui, mais des finales se jouent rarement sur des scores très, très larges. Donc là, de dire qu’il y aura de grandes envolées… on en a parlé justement, aujourd’hui, entre nous, entre les joueurs et le staff, il y a des paramètres qu’on ne peut vraiment pas savoir. On ne sait pas comment ils se préparent, il y a plein de paramètres qu’on ne peut vraiment pas savoir. Et si on peut s’attendre à un match avec un gros score ou un match qui va se jouer de manière très serrée. Mais ce qui est sûr, c’est que je pense que les deux équipes auront à cœur de mettre l’intensité qui va bien et de répondre présent sur 80 minutes.

Quelle en sera la clé?

A mes yeux, je pense que, forcément, il y a quelque chose qui est indéniable au rugby depuis la nuit des temps, c’est qu’il y aura un gros rendez-vous devant. Parce que, franchement, au vu de la progression du pack bordelais depuis l’année dernière, et on l’a encore vu le week-end dernier, il y aura ça. Et après, la discipline va forcément jouer un rôle majeur dans le match. Et enfin, il y a quelques trucs dont on a discuté entre nous, mais je vais me le garder volontiers (sourire). Derrière on va avoir, au vu des noms sur la feuille, des duels à tous les postes, forcément. Et après, je pense que la discipline aura son mot pendant le match, avec de bons buteurs de chaque côté. Des joueurs qui, que ce soit Mathieu (Jalibert) ou Max (Lucu), côté Bordeaux ou de notre côté, comme Romain (Ntamack), Thomas (Ramos), Paul (Graou) enfin, les joueurs que vous connaissez, qui ont des jeux au pied intéressants. Donc forcément, il y aura tout ça orchestré. Car si tu prends des pénalités et que tu te retrouves à chaque fois avec des touches à 5 mètres de ta ligne, ça peut être long.

C’est une finale excitante tout de même…

Ah, je pense que oui, c’est une finale excitante! À la vue de la saison, du passé, de la construction du club de l’UBB depuis quelques temps, et nous, à ce moment de la saison, oui, c’est une finale plus qu’excitante. Mais bon, encore une fois, j’espère être encore plus excité à la fin du match.

Via RMC Sport

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