Avant la finale du Challenge européen et les phases finales de Top 14, le président du RC Toulon, interdit de vestiaires, joue les repentis. Enfin, il essaie.

Votre adversaire en barrages de Top 14 sera le Racing-Métro. Qu’en pensez-vous ?

Mourad Boudjellal. Que ce soit le Racing ou un autre : « Qu’on se pende ici, qu’on se pende ailleurs, s’il faut se pendre », chantait Brassens… Battre le Racing en quarts et c’est tout sauf gagné d’avance. En 2010, le Racing aurait dû battre Clermont en barrages et il ne s’en est fallu que d’une intervention divine (une erreur d’arbitrage, NDLR) pour qu’il soit éliminé. Comme je suis un athée intégriste, je ne m’attends pas à ce qu’une intervention divine de ce genre ait lieu en notre faveur à Mayol. En plus, le Racing fait partie de ces équipes pour lesquelles jouer à l’extérieur ou à domicile ne change rien. Ce n’est pas parce que notre public va être en folie que le Racing va nous laisser gagner.

Avec l’effectif dont vous disposez, vous n’enviez tout de même pas celui du Racing ?

Qui n’aimerait pas avoir Juan Martin Hernandez, François Steyn et Jacque Cronje dans son équipe ? Ce sont des joueurs que nous avons essayé de faire venir à Toulon, mais Jacky Lorenzetti (le président du Racing-Métro, NDLR) s’est montré plus convaincant. En tout cas, si le Racing nous bat, je serai son supporter jusqu’au Stade de France. Avec Jacky Lorenzetti, nous sommes des enfants de la Pro D2. Il fait lui aussi partie des présidents qui mettent du temps et de l’argent dans leur club, pas seulement de belles paroles.

Depuis la réunion de la Ligue nationale de rugby où vous vous êtes expliqué, fin février, avec les autres présidents, vous avez arrêté de faire des déclarations fracassantes. Pourquoi ?

Jusqu’au 3 juin (date à laquelle sera levée l’interdiction de vestiaires et de terrain qui le frappe depuis le 27 janvier pour des propos sur l’arbitrage, NDLR), j’ai décidé de faire le « lèche-bottes blues ». Ce n’est pas toujours facile mais, dans la vie comme dans le rugby, il y a toujours un avantage pour les lèche-cul. J’essaie d’être dans cette lignée-là.

Vous est-il à ce point difficile de résister à la tentation d’un bon mot ?

Être faux-cul, ce n’est pas ma façon de faire. Ce que j’aime, c’est dire la vérité. Dans le rugby français, quand il y a des gros riches, on ne doit pas dire qu’ils ont de l’argent, mais du talent… D’ailleurs, ça va vous paraître paradoxal, mais, des six clubs qualifiés, Toulon est le plus pauvre.

C’est faux : le plus petit budget des 6 est celui du Castres Olympique…

Tout le monde sait que, sans les laboratoires Pierre Fabre, Castres serait en Fédérale, mais il ne faut pas le dire. C’est comme ça : il y a des patrons qui viennent au bureau en 206 pour que leurs employés ne leur demandent pas d’augmentations. Eh bien moi, je vais au boulot en Maserati et personne ne me demande d’augmentation, parce qu’ils savent que ce sera non.

Ne venez-vous pas de dire que vous en aviez fini avec les déclarations provocatrices ?

Je ne veux pas monopoliser le rugby français avec mes bons mots et mes états d’âme. Aujourd’hui, je suis conscient que j’ai une légitimité médiatique mais pas encore de légitimité sportive. Avant d’ouvrir sa gueule, il faut gagner des choses.

Vous nous avez dit un jour regretter certaines déclarations, notamment au sujet de Serge Blanco, que vous aviez autrefois comparé à Charles Pasqua. Pourquoi ?

J’ai eu des accrochages par le passé avec Serge Blanco mais, depuis, j’ai découvert en lui un mec convivial, agréable. Accessoirement, il a lancé la Ligue Nationale de Rugby (en 1998) et, depuis, personne n’a fait mieux. Serge Blanco est souvent imité, mais jamais égalé.

Vous aurez l’occasion de gagner quelque chose vendredi en finale du Challenge européen. Que représente ce match ?

Pour Biarritz, ça représente beaucoup : une place en Coupe d’Europe. Elle ne serait pas imméritée. Quand on voit que les Biarrots finissent à 12 points du 6e, on se dit que, tout ce qu’il leur manque pour être en barrages, ce sont les « points Coupe du monde ». Ils ont plus d’expérience, et probablement plus d’envie que nous sur ce match, donc je considère qu’ils seront favoris. Serge Blanco saura transcender les joueurs, il a cette capacité rare, comme Tana Umaga. Après, si le BO fait la Coupe d’Europe, j’espère qu’on sera dans la même poule, comme ça, on aura un club italien nous aussi. Pour ça, Biarritz a souvent la « baraka »… Et si on gagne, j’espère que Thomas Savare (le président du Stade Français, qui serait qualifié en H Cup en cas de succès toulonnais, NDLR) se fera une crête pour nous remercier.

À ce sujet, portez-vous la crête que vous avez promis de vous faire en cas de qualification ?

Je vais la faire en milieu de semaine. Beaucoup de joueur du RCT la porteront. Vous refuseriez de passer à la tondeuse si Simon Shaw et Bakkies Botha vous plaquaient au sol ?

Ce match est-il une fin en soi ou une préparation pour les barrages de Top 14 ?

Gagner le Challenge serait une occasion de faire la fête et un bon prétexte pour se saouler impunément. Mais je reste un enfant du Brennus. Je vous échangerais volontiers la H Cup contre le championnat. Je n’ai pas fixé d’objectifs à mon manager (Bernard Laporte, NDLR), mais je peux vous assurer qu’il est plus ambitieux que moi.

Au sujet de votre interdiction de vestiaires et de terrain jusqu’aux demi-finales du Top 14, vous aviez déclaré en février : « Si on arrive en demie, je transgresserai la loi. Ils n’auront pas le temps de me sanctionner et je ne raterai donc pas la finale. » Maintenez-vous ces déclarations ?

J’ai changé d’avis. Après réflexion, je me suis rendu compte que, vis-à-vis des jeunes, je suis devenu un exemple, or transgresser la loi n’est pas un bon exemple. Sous mon côté provocateur, je respecte la Justice. Ce n’est pas la peine de mettre deux mecs derrière moi pour m’empêcher de mettre un pied là où je n’ai pas le droit d’aller. Même si personne ne me voit, je n’irai pas. Je vous dis ça aujourd’hui sous le coup de la sagesse. Après 80 minutes de tension, un jour de match, on ne sait jamais. Je me déguiserai peut-être en super-héros de Stan Lee (le créateur américain de Spider Man, entre autres, NDLR). Ce qui est dommage, c’est que dans le droit français, il existe des remises de peine pour ceux qui se comportent bien. Le rugby n’a pas l’air au courant.

À Londres, vendredi soir, pourrez-vous entrer dans le vestiaire de vos joueurs ?

En cherchant bien, ce doit être facile de démontrer qu’une sanction prononcée par les instances françaises ne peut pas s’appliquer à l’étranger, mais j’ai décidé de respecter l’interdiction qui m’est faite. Vous noterez au passage que j’ai une faculté incroyable à réconcilier des gens qui ne s’entendent pas toujours entre eux. La Ligue, la Fédération, l’ERC (instance organisatrice des compétitions européennes, NDLR) : s’ils ne sont pas d’accord entre eux, on fait « S.O.S. Mourad », et là, ils tombent tous d’accord à mon sujet. Je suis le contraire du personnage qui sème la zizanie dans Astérix.

Source: sudouest.fr