Découvrez le parcours du pilier Géorgien du RCT: Levan Chilachava

Découvrez le parcours du pilier Géorgien du RCT: Levan Chilachava

Le vendredi 10 avril 2015 à 18:27 par David Demri

13 Commentaires

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chilachavaC’est plus fort que lui ! Quand il entreprend quelque chose, Levan Chilachava ne fait jamais dans la demi-mesure. Bon vivant et épicurien, il adore les portions gargantuesques. Au côté de son 4×4 noir surdimensionné, les voitures de ses partenaires chez les Lelos passent pour des bagnoles de fortune. Sa gouaille terrible et son humour ravageur tranchent avec un milieu du rugby de plus en plus incolore et aseptisé. Levan Chilachava a besoin de se sentir plus vivant que jamais ! Ce caractère excessif lui confère un côté ô combien attachant. Sur le terrain, le pilier droit du RCT ne laisse non plus personne indifférent. Ses progrès constants et ses performances convaincantes en mêlée fermée lui ont permis de décrocher le jackpot le mois dernier. Un contrat de quatre ans avec revalorisation de salaire à la clé. Il est d’autant plus fier de cette nouvelle marque de confiance accordée qu’il dispose désormais du plus long engagement sur la durée avec le double champion de France et d’Europe.

Car avant de gagner sa place au soleil, l’international géorgien a dû se battre pour surmonter les nombreux obstacles dont le destin avait jalonné son existence cabossée. Derrière son sourire lumineux, sa bonne tête ronde et son air bonhomme se cache une profonde douleur jamais apaisée. L’histoire personnelle de Levan Chilachava est un condensé des souffrances vécues par le peuple géorgien. Le pilier vedette du Rugby Club toulonnais est un déraciné. Il fait partie des dizaines de milliers de Géorgiens jetés sur les routes de l’exil par l’horreur de la guerre.

« NOUS N’AVIONS PAS UN SOU »

Levan Chilachava a eu le malheur de voir le jour au début des années 90 à Soukhoumi, la capitale de l’Abkhazie. En proie à une importante poussée de fièvre sécessionniste, la ville n’a plus rien de ce coquet lieu de villégiature plébiscité par les anciens apparatchiks du temps du régime soviétique. Défigurée par les combats meurtriers opposant les troupes géorgiennes aux séparatistes abkhazes soutenus par les troupes russes, la perle de la mer noire se meurt. Pour mettre ses enfants à l’abri de cette barbarie, Nana Chilachava décide, en mars 1992, d’abandonner la belle demeure familiale baignée par les eaux cristallines et de fuir en bateau. Le coeur brisé, elle laisse derrière elle la propriété d’une dizaine d’hectares regorgeant de citronniers et son mari, Khvicha, resté pour se battre. Elle
tient Levan dans ses bras, alors âgé de 7 mois. Sa fille Ilona s’accroche à sa jupe. Elle emporte l’essentiel de survie. Nana porte un dernier regard triste vers ce jardin d’Eden perdu avant de prendre la mer puis la direction du Sud-Est. Koutaissi, à 200 km de Soukhoumi, sera le terminus des Chilachava.

Comme des milliers de Géorgiens réfugiés et déplacés dans leur propre pays, Levan et sa famille bénéficient d’un appartement donné par le gouvernement géorgien. Un studio minuscule où les membres de la famille du petit Levan s’entassent durant trois ans. Le choc est violent. Khvicha les a rejoints après plusieurs mois de lutte acharnée. Malgré tout son courage, il n’a rien pu faire pour empêcher les troupes séparatistes de s’emparer de Soukhoumi et se livrer à des crimes horribles et une véritable épuration ethnique. Blessé par balle, Khvicha porte toujours aujourd’hui les stigmates de cette sale guerre. Il a toutefois eu la bonne idée, lors de sa fuite, de remplir à ras bord le coffre de la voiture familiale de caisses de citrons. Ce retour de la figure paternelle tant désirée symbolise pour les Chilachava le début de la débrouille et d’une ère de dénuement. « Pour ma famille, cela a été extrêmement difficile pour se reconstruire car nous avions une très bonne situation à Soukhoumi, confie Levan. Mon père était policier. Mes parents ont tout perdu du jour au lendemain. Nous avons dû repartir de zéro. Nous n’avions pas un sou en poche. Mon père a trimé pour que nous puissions remonter la pente. »

DES DÉBUTS À L’ARRIÈRE

Durant cette période de troubles où les coupures de gaz et d’électricité étaient monnaie courante et les magasins souvent vides, le marché noir permet aux Chilachava de survivre. Puis toute la petite famille déménage dans un appartement d’une soixantaine de mètres carrés à Tbilissi. Khvicha a l’opportunité de monter son entreprise d’import de voitures en provenance d’Allemagne. La situation peu à peu s’améliore. Ses parents misent tout sur l’éducation de Levan et de sa soeur aînée. Mais le futur pilier du RCT n’accroche pas. « Pour ma soeur, cette persévérance a fonctionné car elle occupe un bon poste dans une banque de Tbilissi. » Maigre comme un clou, il met toute sa débordante énergie dans la pratique de la lutte puis dans celle du rugby, qu’il débute à 12 ans au poste… d’arrière dans l’équipe du club universitaire de Tbilissi, le TSU.

« J’ai même longtemps été le buteur de mon équipe, complètet-il. Puis à 17 ans, je suis passé numéro 8. Ce n’est qu’à l’occasion du championnat d’Europe des moins de 18 ans organisé à Toulon en 2010 que je suis monté dans la cage. » Cette reconversion tardive ne l’a pas empêché de taper dans l’oeil des recruteurs varois. Immédiatement après la fin de la compétition continentale, il rejoignait les rangs du centre de formation du RCT. Il a aussi eu la chance à Toulon de jouer aux côtés de Martin Castrogiovanni et de Jonny Wilkinson. Ses deux idoles de jeunesse. « La première fois où j’ai croisé Jonny à l’entraînement, je lui ai même demandé une photo. »

Levan Chilachava n’a pas complètement fait le deuil de son passé d’ancien élégant du TSU. Son rêve secret ? « J’aimerais qu’une fois dans ma vie, Jonny m’entraîne à buter, affirme-t-il précautionneux. J’ai peur que Bernard (Laporte, N.D.L.R) me prenne pour un fou et me réponde : « Tu as fumé ou quoi Levan ? » Un pilier, c’est fait pour destroncher le type d’en face en mêlée. »

LA BLESSURE DU STADE DE FRANCE

Peut-être Chilachava sera-t-il obligé de se cacher pour échapper aux quolibets comme il avait débuté le rugby dans le plus grand secret « Ma mère a fini par découvrir le pot aux roses au bout de deux mois, quand je suis rentré d’un entraînement avec mes affaires vraiment dégueulasses », se remémore-t-il, goguenard.

Inutile de dire qu’à l’époque Levan Chilachava ne faisait pas le malin. Surtout quand il rentrait avec de mauvaises notes à la maison. « Dès que je n’étais pas bon à l’école, mes parents me punissaient. Une fois, je suis resté sans jouer pendant trois mois à cause de mes notes en grammaire et en orthographe. » Un vrai crève-coeur pour la future pierre angulaire de la mêlée rouge et noire. « Je peux vous dire que je m’y suis mis daredare
et que cela m’a servi de leçon. »

Tout comme le cauchemar vécu lors de la finale du Top 14 en juin 2012 perdue face à Toulouse. Son premier match joué en élite. Suspendu pour son plaquage cathédrale en finale du Challenge européen sur le Biarrot, Takudzwa Ngwenya, Carl Hayman avait été contré de regarder la finale en costume depuis les tribunes du Stade de France. Son dauphin Davit Kubriasvili avait été promu à droite, Levan Chilachava prenant place sur le banc. Sans sa poutre kiwie, le pack varois n’avait pas pesé bien lourd ce jour-là. Les Toulonnais avaient été démembrés en mêlée fermée.

« Pour mes débuts, j’ai vécu un véritable baptême du feu, se remémore-t-il. Pour moi qui ne jouais jamais devant plus de cent personnes en espoirs, j’ai été impressionné de me retrouver devant 80 000 personnes et l’ambiance du Stade de France. Quand Kubri a pris un jaune pour fautes répétées en mêlée, j’ai fait de mon mieux face à Steenkamp. Mais je n’avais que 20 piges. Je pense que je n’étais pas encore prêt. Ma seule expérience du haut niveau, c’était alors un match de Challenge européen contre Padoue. J’ai eu beaucoup de mal à me remettre de cette finale perdue. J’avais totalement perdu confiance en moi. Jacques (Delmas, N.D.L.R.) ne m’a pas lâché d’une semelle. Parfois, il a été très dur avec moi. J’ai mis du temps à me reconstruire. Mais grâce à lui, je suis devenu un autre joueur. »

Un jeune homme épanoui et heureux. En paix avec lui-même. Aujourd’hui, Levan Chilachava n’éprouve plus de haine ni de rancoeur envers les troupes abkhazes et les oppresseurs russes qui ont bouleversé l’existence de sa famille. Simplement, il espère un jour revenir sur la terre des ancêtres. Il a trouvé en Konstantin Mikautadze un confident et ami. Originaire comme lui de Soukhoumi, l’imposant deuxième ligne a vécu la même tragédie. Coéquipiers depuis l’âge de 17 ans, ils se comprennent parfaitement. Ils sont inséparables et vivent l’un à côté de l’autre à Carqueiranne. Cette région varoise exquise et ensoleillée où ses parents aiment de temps à autre se ressourcer. « Cela leur rappelle beaucoup Soukhoumi où les montagnes plongent aussi dans la mer. »

Levan Chilachava n’a rien oublié des lourds sacrifices consentis durant toute son enfance par ses parents. Sitôt après avoir touché son premier salaire de 500 €, il s’était empressé de leur en reverser plus de la moitié. Une somme supérieure au salaire moyen en Géorgie. Comme un juste retour des choses, il met dorénavant toute son énergie à réaliser le rêve de toute une vie. Celle de construire une maison digne de ce nom à ses parents à Tbilissi. « Ce sera une immense villa située dans une belle propriété de plus de 1 000 m2. J’espère qu’ils se sentiront comblés. » Une manière d’enfin retrouver le jardin perdu.

Source: Midi Olympique

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13 Commentaires

  1. maxiii84 10 avril 2015 at 18h- Répondre

    super état d’esprit bosseur qui ne fait jamais parler de lui sans doute un futur grand à son poste

  2. Enrique83 10 avril 2015 at 18h- Répondre

    Pour une fois,.bravo au Midol d’avoir réalisé cette interview !

    En tout cas, ce Levan je le trouve excellent à chaque fois, une technique et une mobilité incroyable p pr son poste (à part sa passe de quaterback ahah)

  3. ti'bodo 10 avril 2015 at 19h- Répondre

    Merci pour l’histoire…
    C’est touchant et je peux maintenant comprendre la force et la faiblesse de cet homme

  4. Eric 10 avril 2015 at 19h- Répondre

    superbe.
    Nul doute qu’il en veut et qu’il réussira d’ici peu.
    En tout cas un mec surement attachant qui laisse augurer la présence de valeurs importantes dans la vie.
    Eric.
    Pilou Pilou

  5. Lavaroisedu64 10 avril 2015 at 19h- Répondre

    Hé bé ! Sacrée histoire !

    Pour ce qui est d’un entrainement avec Jonny, vu qu’il a déjà été buteur… il pourrait être une option supplémentaire quand nos buteurs sont en manque de réussite… Imaginez, le pilar qui nous offre le triplé européen… LoOoL

    • Didier de Sète 10 avril 2015 at 21h- Répondre

      J’ai le souvenir d’un 2eme ligne gallois qui tapait des pénalités lointaines face aux perches en match international…il y a quelques années…1975 ou 1976 (il s’appelait Alan Martin!!)
      Sinon superbe article…à dédicacer à un certain forumer « à base de sablette »!! qui dézingue sur un célèbre forum rugbystique bien désertiue à présent, ce jeune joueur prometteur à chaque post!!

      • Lavaroisedu64 10 avril 2015 at 22h- Répondre

        Houla… 75-76… J’étais pas née 😀

      • SnEk 11 avril 2015 at 03h- Répondre

        Tu as surtout l’immense John Eales, deuxième ligne wallaby, double champion du monde, qui avait comme particularité d’être un excellent buteur !

  6. Béotien 10 avril 2015 at 21h- Répondre

    Bonsoir Dav
    Je peux savoir ce qui se passe avec mon commentaire ?
    je l’ai mis 3 fois et 3 fois il a été scratcher.
    Il est pas conforme à la charte ?
    merci de ta réponse.

    • Ritonp 11 avril 2015 at 09h- Répondre

      Ben … Celui la il est passé!

  7. MaxiBordel 10 avril 2015 at 22h- Répondre

    A la finale en 2012 je croyais que c’était un pop corn qui était rentré en mêlée 🙂
    Il a bien grandi le minot

  8. T-max 11 avril 2015 at 06h- Répondre

    En 2012 il avait été envoyé au casse-pipe, mais depuis il a bien mûri. 🙂 Je suis content pour lui qu’il reste avec nous.
    Je souhaite qu’il puisse un jour offrir à ses parents la maison de leurs rêves, qui effacera (peut-être) tous les horribles moments, qu’ils ont dû affronter et traverser.

  9. Saint-Martin 11 avril 2015 at 09h- Répondre

    En son temps, et au mien, le grand Bastia de Dax tapait lui aussi les pénalités.