« Moi, je suis d’ici, du Sud de la France, où j’ai vécu entre treize et dix-huit ans, à Nice. Je suis très heureux, je ferai tout pour rester ici, si possible. Nice, le Var, c’est chez moi, je suis à la maison », confie Delon Armitage, un jour ensoleillé de la semaine passée. L’arrière international anglais de Toulon (31 ans, 26 sél.), qui ne parle pas à la presse d’habitude, a enfin accepté une interview. Durant une demi-heure, il a très souvent ri, assis sur un banc du centre d’entraînement du RCT.

« On vous a quitté à Marseille, le 19 avril, après la victoire sur le Leinster en demi-finale de Coupe d’Europe (25-20 a.p.), avec une fracture de la main gauche. Où en êtes-vous ?

– Ça va bien. Je pense que j’aurais pu jouer contre Oyonnax (le 23 mai, 46-17), mais après avoir parlé avec Bernard (Laporte) et Pierre (Mignoni), on a pensé que c’était un peu trop tôt. Ça ne servait à rien que je revienne pour me reblesser. Il reste les phases finales. Je suis prêt.

Vous avez bon espoir d’y participer ?

– Oui, oui. Je me suis entraîné avec les autres, il n’y a pas de problème. J’ai envie de jouer, de gagner, mais je ne veux pas que l’équipe perde son équilibre. Les mecs jouent bien ensemble, ça ne sert à rien d’aller râler en disant : “J’ai envie de jouer”. Je baisse la tête et je bosse encore plus. S’il n’y a pas de place pour moi dans les 23, je serai derrière mes coéquipiers.

Les saisons passées, lorsque vous jouiez ailier, vous n’étiez pas ravi. Là, on sent que vous vous y êtes habitué…

– (Il rit.) En gros, c’était ça ou je ne jouais pas. Je préfère jouer arrière, parler à mes coéquipiers pour les replacer, mais j’ai compris cette saison que si j’avais vraiment envie de jouer, c’était ailier ou pas du tout. On a eu des problèmes avec les buteurs, alors il y a Leigh(Halfpenny) qui a été installé à l’arrière.

Vous étiez très énervé, en décembre, après votre suspension de trois mois, ramenée à deux mois (1), et vous ne vous êtes pas exprimé depuis…

– (Calme) Je fais partie des joueurs à qui on cherche à mettre le plus cher possible chaque fois qu’il y a quelque chose. Si je fais une connerie, on va me mettre douze mois alors qu’un autre prendra trois semaines. C’est pour ça que je suis parti d’Angleterre.

Pensez-vous payer votre mauvaise réputation ?

– C’est ça. Même les joueurs et supporters d’autres clubs m’ont dit que c’était trop sévère. Mais c’est vrai que j’ai mauvaise réputation…

Cela vous gêne ou vous la cultivez ?

– Sur le terrain, je suis un compétiteur, j’ai envie de gagner. On dit que je suis un voyou, on peut penser que je suis hautain, arrogant, que je cherche… On ne peut pas changer l’opinion des gens, mais je ne suis pas du tout le même Delon en dehors du terrain. Je suis là pour aider, j’entraîne des petits, je rigole.

Le 20 décembre, contre Lyon (30-6), tout le public de Mayol arborait un grand portrait de vous, en signe de soutien après votre suspension.

– Je n’avais jamais connu une chose comme ça de ma vie.

C’était rigolo ?

– (Sérieux.) Rigolo ? Non. Pas pour moi. Car je trouvais la sanction très sévère. Mais j’avais le public derrière moi, les entraîneurs. C’était très émouvant. Ma famille était au stade, et on ne savait pas que le club allait faire ça. C’est une grande joie que je n’oublierai pas.

Mathieu Bastareaud, votre coéquipier et ami, dit pouvoir compter sur vous vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

– À mon arrivée au RCT (à l’été 2012), je suis resté un an tout seul, à Carqueiranne (2). “Basta” m’aidait, j’allais manger chez lui… Et comme il n’a pas le permis, je faisais son chauffeur ! (Il éclate de rire.) Mais ce n’est pas grave, il a une belle voiture. Il a pris soin de moi et on est devenus amis.

Mourad Boudjellal, votre président, avouait dans nos colonnes (L’Équipe du 16 avril) qu’il a un faible pour vous, qu’il vous a déjà retiré des punitions…

– (Malicieux) Je ne l’ai pas lu. Plusieurs fois, il m’a dit : “On va te faire ça”, puis on a parlé ensemble et ça s’est réglé. C’est vrai qu’il a quelque chose pour moi. Même Bernard (Laporte), je pense… Ils m’aiment bien, savent que je ne suis pas venu ici pour aller à la plage. Je suis là pour gagner, après douze ans aux London Irish où, justement, je n’ai jamais rien remporté…

Vous avez toujours chambré sur un terrain ?

– Non. C’est venu en jouant trop à FIFA sur Playstation. Ça chambre très fort à l’hôtel avant les matches, imaginez… On parle beaucoup et, en discutant avec les collègues, je leur ai dit : “Tiens, ça, je vais le faire sur le terrain”. Je ne fais pas ça par manque de respect, je ne cherche pas les embrouilles, mais peut-être que je vais trop loin. Le rugby, je n’ai pas envie que ça devienne comme le cricket, quoi !

À Brive, en début de saison, on vous a vu discuter avec les supporters, dans l’en-but…

– Ce n’est pas méchant. Ils me disent un truc, je leur montre le score : “Qui gagne ?” Et on rigole avec les mecs. Je leur ai fait un bisou, je ne suis pas là pour les insulter. C’est un jeu. Le jour où je prendrai le rugby comme un travail, il faudra que j’arrête….

Source: lequipe.fr