Le président de Toulon Mourad Boudjellal, ulcéré par les soupçons de dopage autour de son club, s’en est violemment pris hier à la journaliste de RTL à l’origine des révélations.

On n’ira pas à Mayol uniquement pour assister à un match de rugby cet après-midi. Un climat de vengeance entourera l’enceinte avant le coup d’envoi, avec cette question : Mourad Boudjellal ira-t-il au bout de sa menace de dévoiler au public le numéro de téléphone d’Élisabeth Fleury, la journaliste de RTL qui a révélé cette semaine l’ouverture de deux enquêtes judiciaires autour du RC Toulon ? Hier matin, lors d’une conférence de presse volcanique, le président toulonnais n’a pas laissé de doute sur ses intentions. « Écoute Élizabeth, a-t-il lâché, ton numéro de portable, c’est le 06 71… Je donne la suite sur les écrans géants du stade Mayol demain avant le match. Je ne vais pas hésiter une seconde. Tu as une après-midi pour changer de téléphone. »

Ce ne serait pas un événement anodin ni un dérapage incontrôlé. Boudjellal réfléchit depuis mardi à sa riposte après que la journaliste de RTL – dont les informations ont été relayées par divers médias dont L’Équipe – eut évoqué les soupçons de la justice sur un dopage chez des joueurs du RCT. Et hier, donc, il a ajouté des mots lourds à sa menace. Contre la journaliste, en parlant d’une « information qu’elle a jugée clitoridienne ». Contre L’Équipe, dont il a qualifié le traitement de l’affaire d’« odieux ». Et contre RTL, qui sera poursuivi d’une plainte du club varois. « Ils doivent expliquer comment ils ont manipulé l’opinion publique avec des allégations sans aucun fondement. Je vais d’abord demander une expertise pour évaluer le préjudice et le manque à gagner occasionnés par cette sale affaire. »

S’il dévoile le numéro d’Élisabeth Fleury, Boudjellal s’expose lui-même à une plainte, comme l’a expliqué la journaliste à l’AFP hier. « C’est un peu comme s’en prendre à M. Météo quand il pleut, a-t-elle par ailleurs déclaré. C’est misogyne et de mauvaise foi. (…) J’ai publié l’information qui portait sur des soupçons de dopage au RCT et l’enquête ouverte par le pôle de santé publique de Marseille, et sur une autre enquête ouverte à Toulon sur une escroquerie à la CPAM (Caisse primaire d’assurance-maladie). On est restés prudents dans nos papiers, tout cela reste à prouver. » La direction de RTL a publié un communiqué pour apporter son soutien à sa reporter « après les propos déplacés, insultants et menaçants » tenus par Boudjellal, alors que la société des journalistes de la radio a fait part de son « dégoût envers ces méthodes d’une misogynie affligeante ».

LES JOUEURS PERTURBÉS ?

Habitué aux phrases chocs, Mourad Boudjellal a franchi un cap avec cette affaire. Pourquoi une telle virulence ? Pour le président du RCT, le mal contre son club est fait, alors même que l’affaire est, dit-il, « une escroquerie médiatique ». Il est conforté dans cet avis par plusieurs déclarations. Celles de Thierry Braillard, secrétaire d’État aux Sports, qui disait mercredi matin (avant la révélation d’une deuxième enquête) : « Les joueurs de Toulon, au moment où on parle, ne sont pas soupçonnés de dopage. » Celle de Bruno Genevois, président de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) assurant que, « actuellement (la procédure judiciaire) ne débouche pas sur un aspect administratif relevant de l’agence ». Celle enfin et surtout du procureur de Marseille, Brice Robin, qui a confirmé les deux enquêtes tout en affirmant : « On est assez éloigné du dopage. »

Tout cela fait-il de ce dossier « une escroquerie médiatique » ? L’affaire de fraude à la Sécurité sociale par l’ancien pharmacien du RCT est réelle. Et plusieurs sources nous ont confirmé la véracité des soupçons de la justice concernant un dopage chez des joueurs via deux pharmacies toulonnaises. À ce jour, concernant cette dernière affaire, les enquêteurs n’ont rien prouvé et ils regrettent la publication d’informations dans la presse, celle-ci pouvant entraver leurs investigations. Mourad Boudjellal ne croit pas à ces soupçons de la justice. « Mais elle est où l’enquête ? Personne n’a été entendu. Pas un joueur. Pas Bernard Laporte. Personne ! », nous déclarait-il jeudi.

Plutôt tranquille après les premières révélations, l’ancien éditeur est sorti de ses gonds quand il a eu l’impression que l’on liait le RC Toulon, son projet, son bébé, à un éventuel dopage organisé par le club. Ce qui, précisons-le, n’a jamais été écrit par aucun média. « Mais merde, on n’a jamais fait ça », s’est-il emporté hier avec de forts accents de sincérité. La veille, alors qu’on lui soumettait cette possibilité, il contestait même être victime d’actes isolés au sein de son club : « Jamais ! Pas une seconde ! Je connais mes joueurs. Je connais Bernard Laporte. Ce n’est pas possible. » Et si, à l’arrivée, l’impossible devenait possible ? « Cela voudrait dire que je n’ai rien compris. Dans ce cas, je démissionne et je demande à passer directement par la case prison. Et je me condamne pour trois ans. »

Pour tourner toute cette affaire en dérision, le patron du club triple champion d’Europe a soldé de 50 % le prix des places pour le match face à La Rochelle à tout acheteur qui, hier avant 18 heures, se présentait avec sa carte Vitale. Et ce match, justement ? « Sincèrement, ce n’était pas compliqué de le préparer malgré le contexte », a expliqué hier le manager Bernard Laporte, dont l’équipe, après deux défaites, a relevé la tête à Paris dimanche dernier (20-13). « On essaie de faire abstraction de tout ce qui se passe, assure le deuxième-ligne Romain Taofifenua. Ça ne nous gêne pas. Je n’y pense même pas. Moi, je me dope au manioc. »

Source: lequipe.fr