Alors que la ligue fermée R360, portée par l’ancien international anglais Mike Tindall, suscite débats et inquiétudes dans le monde du rugby, certains rappellent qu’une initiative similaire avait failli bouleverser ce sport… en 1995.

À l’époque déjà, de grands noms comme Vincent Moscato et Denis Charvet avaient été approchés.

En 1995, le magnat australien Kerry Packer, en guerre d’influence avec Rupert Murdoch, avait tenté de monter une ligue fermée rassemblant les meilleurs joueurs mondiaux. Pour convaincre, il avait mandaté Éric Blondeau afin de démarcher les rugbymen français.

Vincent Moscato se souvient parfaitement de cette approche. Extrait :

« Il y avait un intermédiaire, Éric Blondeau, qui nous avait contactés. Pour l’époque, il nous proposait beaucoup d’argent, 10.000 francs par mois, un salaire de footballeur. La même année, Packer avait investi également dans le foot américain. Ce mec était venu nous voir et nous a expliqué la ligue fermée. »

Alors joueur du Racing, Denis Charvet raconte avec franchise la tentation suscitée par ce projet inédit. Extrait :

« Quand ils m’ont contacté en 1995, j’avais 32 ans, j’étais en fin de carrière. Quand j’ai vu les chiffres, c’était 10 fois plus que ce qu’on prenait. Et puis, il y avait la curiosité d’appartenir à quelque chose de nouveau. »

Si Moscato n’avait pas dit oui immédiatement, la proposition l’avait tout de même fait réfléchir. Il admet aujourd’hui combien l’argent pouvait séduire. Extrait :

« Bien sûr que ça te fait hésiter. On se brossait dans le sens du poil au niveau de l’oseille. Moi qui étais bien payé, je prenais 2.500 francs, 3.000 maximum. Ça nous avait intéressés, forcément. »

Finalement, le projet Packer n’a jamais vu le jour, supplanté par Murdoch qui a acquis les droits commerciaux des compétitions majeures dans l’hémisphère sud, ouvrant la voie au professionnalisme.

En 2025, le projet R360 fait ressurgir ces souvenirs. Les promoteurs imaginent une ligue fermée façon Formule 1, rassemblant les stars mondiales avec des contrats mirobolants.

Pour Vincent Moscato, l’argent pourrait faire pencher la balance. Extrait :

« Pour recruter Antoine Dupont, il faut lui filer cinq millions. Il faut que le salaire soit multiplié par trois ou par quatre. Mais je pense que ça va marcher. Nous, on est bien servis en Top 14 mais en Afrique du Sud par exemple, si tu es un joueur moyen, tu te brosses à la fin du mois, ce sont des salaires de handballeurs. Si le rugby est mieux mis en évidence, que c’est beau, que les mecs se régalent et que le niveau est exceptionnel, bien sûr qu’il faut le faire. »

Denis Charvet, lui, se montre bien plus critique. Il met en garde contre une illusion qui pourrait dénaturer ce sport. Extrait :

« Aujourd’hui, l’économie du rugby ne gagne pas assez d’argent. Le joueur n’est pas assez payé par rapport au spectacle qui est donné, mais on sait pourquoi, l’économie est comme ça. Si Antoine Dupont y va, il aurait raison, mais il ne faut pas que les jeunes espoirs du rugby français croient au mirage, pour moi c’est une illusion, ce n’est pas notre sport. Je ne vois pas ça comme une bonne chose pour le rugby mondial. Ce n’est pas notre culture. Ces ligues fermées américaines sont loin de nos valeurs. Là-dedans, la compétition a moins de saveurs, c’est du spectacle, je ne suis pas né dans ça, mais plutôt dans la performance. »

En France, le projet fait déjà grincer des dents. Florian Grill, président de la Fédération française de rugby, s’y oppose fermement, voyant dans R360 une menace directe pour les championnats nationaux et les calendriers existants.

Entre mirage financier et choc culturel, l’avenir de cette ligue fermée divise déjà profondément le rugby mondial.

Via RMC Sport