Le XV de France est incapable de trouver un pilier droit à la hauteur

Le XV de France est incapable de trouver un pilier droit à la hauteur

Le vendredi 21 novembre 2025 à 6:07 par David Demri

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Depuis près de 10 ans, Uini Atonio est le titulaire indiscutable à droite de la mêlée des Bleus et fait encore partie, à 35 ans, des meilleurs piliers du monde. Sa grave blessure en juin dernier a mis le doigt sur les limites du moment du vivier français au niveau international. Cela prendra du temps d’installer les successeurs. On vous explique pourquoi.

Après la Coupe du monde 2023, Uini Atonio avait annoncé au sélectionneur Fabien Galthié sa volonté de prendre sa retraite internationale. Mais près de deux ans et une retraite finalement annulée plus tard, le constat est sans appel: le Rochelais a été le titulaire des Bleus dès qu’il était disponible, notamment sur les dix matchs des Tournois des 6 Nations 2024 et 2025.

Logique, quand on voit les performances du colosse, à ce poste dont on sous-estime parfois la dimension. Mais primordial pour l’entraîneur adjoint des Bleus Laurent Sempéré: « C’est un poste très important parce qu’on construit beaucoup autour de lui. Vous connaissez son rôle dans la mêlée, mais aussi dans le rythme auquel se joue le match. Quand on arrive à avoir des joueurs de grand talent à ce poste, ça change une équipe. Uini fait partie de ces grands joueurs. »

Alors, Fabien Galthié, entouré de ses adjoints, s’emploie pour trouver des solutions. « Vous voyez Régis (Montagne) qui monte en puissance. Il y a Thomas Laclayat qui a pu rentrer. Il y a Emerick Setiano qui s’entraîne avec nous », énumère Laurent Sempéré. « On continue d’avancer avec ces joueurs-là. Rien ne peut compenser les matchs. Il n’y a que ça qui leur donnent l’expérience et l’organisation d’équipe autour d’eux. On avance bien de ce côté-là ».

Pilier droit, un métier ingrat

Les Bleus avancent, certes, les joueurs cités ne déméritent pas, mais au niveau international (comme face à l’Afrique du Sud), le fossé est encore grand. Et on ne trouve pas de successeur à Uini Atonio, qui, s’il revient en pleine forme physique après sa blessure aux ischio-jambiers, retrouvera assurément sa place. Mais aura 37 ans en 2027, année du Mondial en Australie… Pourquoi a-t-on alors tant de mal à renouveler ce poste? Déjà, car le rôle d’un pilier droit est particulièrement complexe, notamment en mêlée fermée.

« Sur la phase de mêlée, c’est le poste le plus dur », explique Didier Bès, entraîneur des avants à Montpellier. « Le pilier droit se retrouve avec les deux épaules à l’intérieur de la mêlée, au contraire du pilier gauche qui lui n’y met que l’épaule droite. C’est un poste qui demande beaucoup de travail préparatoire car tu prends toute la pression de la mêlée. Tu demandes beaucoup plus de force et tu laisses beaucoup d’énergie. C’est un métier ingrat parce qu’il y a de gros sacrifices à faire. Autrement, tu n’existes pas. » 

Un problème de formation? 

Et sur ce rôle complexe, la France a toutes les difficultés à renouveler son vivier à travers la formation de jeunes. Atonio, le plus performant sur les dix dernières années, a d’ailleurs appris le métier en Nouvelle-Zélande, arrivant en France à 21 ans. « Je suis d’une école où en Crabos (Juniors, -18 ans, NDLR ) tu poussais les mêlées à fond. Maintenant la poussée n’est que sur 1m50″, constate amèrement Julien Brugnaut, entraîneur des avants de l’équipe espoirs du Racing 92. « Donc l’entraîneur a moins d’intérêt à développer ce poste. On met parfois le joueur qui se déplace le moins bien et on ne valorise pas ce rôle. Derrière, en Espoirs, tu demandes à un joueur d’être prêt au bout de deux ans. Moi je veux que, quand ils arrivent, ils bastonnent physiquement, et connaissent les bases de la mêlée ».

En Espoirs, certains 3e lignes de formation font également le choix par défaut de se reconvertir en piliers pour avoir une chance de devenir pro. Et ont donc encore moins de temps pour devenir performants. Ce rôle, parmi les plus durs du rugby, est enseigné très tard dans la formation des joueurs.

Un poste à maturité tardive

Une fois piliers professionnels, la route ne fait que commencer pour intégrer le gratin mondial. On le dit souvent, c’est un poste à « maturité tardive« . Si ingrat, que peu de joueurs arrivent à dominer au très haut niveau international. Comme Uini Atonio, qui au passage mesure 1m96 et pèse 145 kilos, beaucoup portent leur sélection pendant plusieurs années. En Afrique du Sud, Frans Malherbe brille toujours du haut de ses 34 ans et 76 sélections. Chez les All Blacks, Owen Franks, titulaire sur les deux titres mondiaux de 2011 et 2015, a dépassé les 100 capes.

Pour Julien Brugnaut, cela s’explique simplement: « Ce qui prend du temps, c’est la compréhension de la mêlée. C’est un jeu de question-réponse. Sur un match, contre un pilier, je vais avoir une ou deux confrontations pour trouver une ou deux clés. Plus tu as de l’expérience, plus tu as des réponses. Quand un jeune pilier affronte par exemple le Castrais Levan Chilachava, qui a 10 ans de Top 14, il ne peut pas trouver tout de suite les réponses. Tu ne t’en sors pas avec de la fougue ».

Maintenir un joueur pour lui donner de l’expérience

Logique donc, de voir un Régis Montagne pour le moment peu à son aise en Bleu, après seulement quatre sélections et une ascension très rapide à ce poste. Il y a deux ans, pendant que le XV de France sortait sonné de sa Coupe du monde face aux Boks, lui était remplaçant avec Grenoble sur la pelouse de Brive… en Pro D2. Mais pour le staff des Bleus, il est important de l’installer, de lui faire prendre de l’expérience de match pour espérer le voir rivaliser avec les tous meilleurs d’ici deux ans et la Coupe du monde en Australie.

D’autres options existent malgré tout, avec des joueurs à très fort potentiel. Le Racingman Demba Bamba, longtemps annoncé comme le successeur au poste, n’a pas réussi à convaincre Fabien Galthié et le Toulousain George-Henri Colombe reconnaît de lui-même « ne pas être prêt à retourner en sélection ».  L’an dernier, on attendait énormément de Tevita Tatafu, issu de la formation et de la culture de mêlée tongienne. Mais le jeune Bayonnais s’est blessé trois fois à la cheville en dix mois et ne devrait pas revenir avant 2026.

En attendant que Régis Montagne prenne de l’expérience, que Tevita Tatafu se retape physiquement ou qu’un jeune « Ovni » ne prenne le relais, le « papa » Uini Atonio pourrait rester la meilleure solution au poste. Si son corps le lui permet.

Via RMC Sport

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  1. Sam 21 novembre 2025 at 09h- Répondre

    Comme indiqué ici, c’est LE poste qui nécessite le plus de temps de formation, d’apprentissage et donc de jeu pour pouvoir évoluer à un très haut niveau.
    Mais quand on voit les commentaires des pseudos supporters de l’équipe de France par ex, au sujet de GHC, Montagne, Tatafu et avant sur Bamba, Aldegheri, etc …

    Ça me rappelle d’ailleurs les commentaires de ces mêmes pseudos supporters sur les débuts d’Atonio (trop lourd, pas assez mobile, trop nonchalant, etc …) qui est devenu l’un des meilleurs piliers droit du monde par la suite, comme quoi.

    Laissons juste le temps aux jeunes et soyons plus indulgents, encourageant .. avec nos droitiers (entre autre) … c’est pas ça d’ailleurs être supporter ?