Rodrigo Capo Ortega raconte une période très sombre de sa vie : « Il fallait que je me fasse soigner »
Rodrigo Capo Ortega raconte une période très sombre de sa vie : « Il fallait que je me fasse soigner »
Le mardi 23 décembre 2025 à 10:26 par David Demri
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L’ancien joueur du Castres Olympique, Rodrigo Capo Ortega s’est longuement confié dans les colonnes du Midi Olympique.
Ce-dernier a raconté les problèmes qu’il a traversé après avoir mis un terme à sa carrière, en 2020.
Il rappelle avoir arrêté sa carrière lors du Covid.
Un moment très délicat pour lui. Extrait:
Durant toute ma carrière rugbystique, qui a duré plus de vingt ans, j’étais aveugle ! Je vivais rugby, mangeais rugby, dormais rugby. Je me levais tous les matins en me disant : « C’est super, je pars jouer au ballon. » Et tous les samedis, le jour du match, pendant quatre-vingts minutes, j’étais un superhéros. Tous mes problèmes s’envolaient. J’étais vraiment heureux et je suis quelqu’un qui n’a jamais su anticiper. La seule chose que j’avais anticipée dans ma vie, c’était le dernier match de ma carrière. Je voulais que ce soit un superbe moment, gravé à vie, pour moi, pour mes enfants, pour ma femme Julie, pour les supporters du club…
L’année après le titre du CO (2018-2019, N.D.L.R.), je suis victime d’une hernie discale L4-L5, saison terminée. J’ai cravaché pour essayer de revenir et m’offrir cette sortie rêvée. Je me suis donné beaucoup de mal pour réussir à guérir et à redevenir performant. J’avais ciblé la réception de Bayonne pour la 18e journée, le 21 mars 2020. La journée de championnat précédente, le 1er mars, nous sommes en déplacement à Bordeaux (défaite 26-24), je marque un essai de quatre-vingts mètres, je me sens en forme.
Mais le vendredi 20 mars, au moment de la mise en place, le couperet tombe : entraînement annulé, pas de réception de Bayonne à cause de la pandémie de covid. Je pensais vraiment que ce n’était qu’un arrêt passager, que tout allait reprendre normalement, très rapidement. Mais la reprise n’est jamais arrivée. Je ne le savais pas encore, j’étais dans le déni mais je ne jouerais jamais mon dernier match à Pierre-Fabre. Le coup a été terrible.
Les déprimes ont alors débuté. Extrait:
Oui. J’ai commencé par faire de petites déprimes. Ça durait une semaine ou dix jours. J’étais fatigué, je n’avais envie de rien, je voulais juste être seul. Ces petites déprimes n’ont pas tardé à se muer en une grosse dépression et j’ai sombré dans l’alcoolisme. J’ai touché le fond.
Un jour, il comprend que ses problèmes de dépression vont trop loin. Il voit sa femme et ses enfants monter à l’étage pour se mettre à l’abri. Extrait:
Un jour, je suis allé trop loin, j’ai failli franchir la limite. J’ai commencé à frapper les murs de chez moi, j’ai fait des trous partout avec mes poings. Ma femme Julie, ma belle-mère et les enfants sont montés à l’étage, ils ont eu peur. C’est là que nous avons pris la décision d’appeler une ambulance. Il fallait que je me fasse soigner. J’ai passé quarante-huit heures à l’hôpital et j’ai ensuite fait le sevrage à la maison. Mon épouse m’a toujours soutenu. Quand elle quittait la maison, elle fermait la porte et me prenait mon téléphone. C’était une période difficile à traverser mais nécessaire.
Je suis ensuite allé dans un centre de réhabilitation, au château de Longues-Aygues, près de Montauban. Je me souviendrais toujours du jour où nous avons fait l’admission dans ce centre : nous avons vu passer des gens dans un état physique et psychologique… qui faisait vraiment beaucoup de peine à voir. Ma femme m’a dit en pleurant : « On y va, on rentre, tu n’es pas comme eux, tu vas bien, je ne peux pas te laisser là… » Je lui ai répondu : « Si, je vais rester. J’ai beaucoup à apprendre de ces gens-là. » Je me suis intéressé à eux, je leur ai posé des questions pour trouver des réponses à mes problèmes. J’ai appris que la vie c’était ça : tomber et se relever sans arrêt.
Il connaît désormais les raisons de cette longue dépression. Extrait:
Avec le recul, je l’admets : j’avais peur. Une peur terrible. Peur de ne plus être aimé comme lorsque j’étais joueur, notamment par ma famille. La dépression m’a joué de mauvais tours. J’ai eu peur de tout perdre. J’avais passé des diplômes pourtant : une formation d’entraîneur, un master en management d’entreprise, une certification de coach mental…
Mais j’étais comme un taureau qu’on lance dans l’arène : je regardais devant, un mur ; à gauche, un mur ; à droite, toujours le mur, derrière : c’est fermé aussi ! Je ne savais plus qui j’étais et ce que je voulais vraiment faire. Finalement, mes peurs n’étaient pas fondées : ma femme m’a fait la plus belle des déclarations d’amour en restant à mes côtés durant cette épreuve et en m’aidant à relever la tête. Je suis à nouveau heureux. Alors, oui, quand je suis au stade, je serre des mains et je suis souriant mais cela peut aussi être une image, c’est du paraître. Tout être humain peut basculer, du bon comme du mauvais côté.
Il explique en quoi consiste une dépression. Extrait:
C’est comme une grippe, cela ne se contrôle pas. C’est comme si une personne extérieure entrait dans votre corps pour en prendre le contrôle. C’est ce que j’explique au fil de mes interventions. Les joueurs ne doivent pas hésiter à se tourner vers un professionnel, parfois à l’extérieur de leur club, pour parler. Quelques séances peuvent suffire à changer le cours des choses.
On se dit toujours qu’on va arriver à s’en sortir seul. On est à la fois conscient et inconscient. Conscient que l’on va dans le mur mais inconscient car on ferme les yeux pour ne pas voir le mur.
Il indique avoir été accompagné par le Castres Olympique. Extrait:
Le Castres olympique a été exceptionnel avec moi. J’ai toujours pu compter sur le club et je ne l’oublierais jamais. Le CO m’a permis de rebondir.
Il souhaite désormais aider l’humain en témoignant. Extrait:
Je crois qu’en tant que rugbyman et sportif de haut niveau, j’ai plus de choses à raconter qu’à prouver. En tant qu’humain par contre, j’ai plus de choses à prouver et à me prouver qu’à raconter. Mon but, c’est d’inverser cela et d’arriver dans quelques années en ayant construit des choses pour pouvoir les raconter.
J’ai commencé à écrire un livre avec Gilles Navarro que l’on aimerait publier en septembre 2026. Je continue mes interventions dans les clubs pour la LNR. Je prends plaisir à transmettre aux autres. Mais j’ai conscience que pour pouvoir continuer tout ça, je dois encore travailler sur moi, et de mieux en mieux pour être tout le temps le plus « aligné » possible.
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