Bernard Laporte: « Je pense que j’aurais continué avec Toulon sans autres opportunités »

Bernard Laporte: « Je pense que j’aurais continué avec Toulon sans autres opportunités »

21 août 2015 - 11:27

3 Commentaires

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laporte-2Bernard Laporte, manager de Toulon (51 ans), attaque son ultime saison à la tête du RCT avec un double défi : assurer la transition avec son successeur, Diego Dominguez, et mener sa campagne pour la présidence de la Fédération.

« Vous êtes arrivé à la tête du RCT à l’automne 2011. Vous entamez votre dernière saison dans ce club. Que ressentez-vous ?

– En fait, je n’y pense pas. Enfin si… J’y ai pensé à Tignes quand nous étions en stage de préparation. Là, j’ai fait mon discours de bienvenue à tous les nouveaux. Et je me suis rendu compte qu’en parlant aux joueurs, j’y ai pensé. Dans ma tête, je me disais :“C’est ça qui me plaît. C’est ça que tu ne vas plus faire”

Vous regrettez donc de quitter Toulon ?

– C’est vrai que je me suis dit :“Mais pourquoi arrêter quelque chose que j’aime ?” Parce que c’est comme ça ! Je sentais que c’était le moment. D’autres opportunités se sont présentées à moi qui ont fait que… Si je ne les avais pas eues, je pense que j’aurais continué avec Toulon. Là, il y a un challenge, celui de la présidence de la Fédération qui se présente (l’élection aura lieu en décembre 2016) et j’ai envie de le vivre. Je ne sais pas si c’est le bon moment pour moi. En tout cas, c’est le moment.

Peut-être aussi que vous arrêtez car vous en avez assez d’entraîner ?

– J’ai eu des coups de blues comme quand on a perdu chez nous contre Grenoble il y a un an et demi (21-22, le 4 janvier 2014). Ce soir-là, j’étais tellement déçu… J’ai eu des colères comme quand on a perdu à Oyonnax (22-25, le 28 septembre 2013). Mais pas de quoi me dire que j’allais arrêter.

Avez-vous hésité avant de vous lancer dans l’élection à la présidence de la FFR ?

– Quand l’opportunité s’est présentée, je n’ai pas hésité. À partir de là, j’avais tourné la page. C’était en avril 2014.

Mais comment tourner la page tout en continuant à entraîner le club jusqu’au 30 juin 2016 ?

– Je refermerai définitivement la page en fin de saison. Maintenant, j’ai été transparent. J’ai dit au club, il y a longtemps, que je voulais arrêter. Après, c’est un problème d’organisation. On verra au fil de la saison. En fait, je pense beaucoup aux deux, au club et à ma campagne électorale. Je vais prochainement officialiser ma candidature (il lance sa campagne le 1er septembre à Gaillac). Il y a du travail partout. J’ai la chance d’aimer travailler. Je n’aime pas les vacances. J’aime travailler le samedi, le dimanche, le soir, la nuit.

Comment voyez-vous cette saison ?

– En deux ans, on a perdu six joueurs de classe mondiale. Jonny Wilkinson, Danie Rossouw, Carl Hayman, Ali Williams, Bakkies Botha et Chris Masoe. Ils ont tous contribué à ce que Toulon devienne Toulon (trois titres de champion d’Europe et un de champion de France depuis 2013). Il faut continuer à bâtir après le départ de ces monstres. L’important c’est, tout en reconstruisant, de garder le cap de la compétitivité.

L’équipe de Toulon est-elle dans une période de transition ?

– Complètement. Mais période de transition ne veut pas dire période d’essais. C’est une période où on doit performer. À nous de faire en sorte que ça fonctionne bien. Nous sommes face à un puzzle et tout doit s’emboîter vite.

Au complet, l’équipe sera-t-elle moins forte que celle de la saison dernière ?

– Non, elle sera aussi bonne. Je dirais même qu’elle sera plus forte dans certains secteurs.

Lesquels ?

– (Il hésite.) On a pris des joueurs de qualité : le troisième-ligne Duane Vermeulen (AFS, 29 ans, 29 sél.), le deuxième-ligne Paul O’Connell (IRL, 35 ans, 109 sél.), le centre Ma’a Nonu (NZL, 33 ans, 97 sél.). Ils vont tous nous apporter énormément. On aura une aussi bonne équipe, je vous dis. Maintenant, il faut que tout le monde joue ensemble. Ça, c’est mon boulot. Les gars vont revenir de la Coupe du monde fin octobre (18 septembre-31 octobre) et, quinze jours après, on attaque la Coupe d’Europe (contre Bath, le 15 novembre au stade Mayol). Dans quel état seront les gars ? Je n’en sais rien. C’est toute la complexité de cette saison.

Rêvez-vous de partir avec un titre ?

– Bien sûr… En fait, je ne veux pas partir sur un titre. Je veux que Toulon gagne. On s’en fout de savoir si je pars sur un titre ou pas. Mon métier, c’est de faire gagner Toulon.

La fin de saison sera forcément un moment fort en termes d’émotion pour vous ?

– Je sais que je vais sentir l’émotion monter au fil des matches. Je me connais. C’est certain. Mais je ne redoute pas ce moment-là. Ce qui me tarde, c’est de vite créer une osmose avec tous les joueurs quand le groupe sera au complet. J’ai envie d’entraîner Ma’a Nonu, Duane Vermeulen… C’est ça qui est excitant quand tu es entraîneur. Je vais profiter de chaque jour. Et puis, c’est la dernière. L’entraînement, ça me plaît. La vidéo, ça me plaît. C’est ma vie. C’est évident.

Si vous n’êtes pas élu à la tête de la FFR, écartez-vous l’idée de revenir sur le terrain ?

– Tout est possible. Je ne dirai plus jamais : “Jamais !”

Est-ce qu’il y a des joueurs que vous auriez aimé avoir et qui ne sont pas venus à Toulon ?

– Ceux qui ne sont pas venus ont eu tort. On était sur Dan Carter. Il a fait son choix, je le respecte. Bien sûr que j’aurais aimé que Carter soit toulonnais. Mais personne ne vivra ailleurs ce qu’on peut vivre à Toulon en termes d’engouement. Le rugby est une religion ici.

Quand vous regardez dans le rétro, vous dites-vous que vous avez réussi ?

– Non, jamais. Je ne regarde jamais derrière. Dans la vie on ne réussit pas tout. Et si je réussis, je ne réussis pas tout seul. On (il insiste sur le “on”) a fait des choses uniques. Je ne regrette pas d’être venu ici. Pourtant, quand je suis venu au rendez-vous avec Mourad (Boudjellal, le président), dans ma tête, je ne venais pas pour ­signer. Deux heures après, il avait rallumé la flamme qui est en moi. Pour moi, le rugby c’est d’abord des rencontres. Ce ne sont pas des titres même si bien sûr on aime en gagner. Et puis, le fait d’avoir gagné ne me fera pas mourir plus tard…

Venez-vous de vivre votre meilleure période en tant qu’entraîneur ?

– Oui, bien sûr. Au Stade Français (1995-1999), ce n’était pas pareil. J’étais jeune. Je n’avais pas le recul que j’ai aujourd’hui. On a pris le club en Troisième Division avec Max (Guazzini). On a redonné vie à ce club en le menant au titre de champion. Mais c’est à Paris. Quand je suis arrivé à Toulon, le RCT venait de terminer huitième du Top 14 (saison 2010-2011). Je me disais : “Putain ! C’est un challenge fabuleux.” Quand je vois ce qu’on a fait… Il y a eu des émotions dans tout ça. Quand on voit des gens qui pleurent car on a gagné, il n’y a pas plus beau. C’est là où j’ai vécu mes émotions les plus fortes. Je ne pourrai plus jamais revivre ça. »

Source: lequipe.fr – Bruno Vigoureux

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3 Commentaires

  1. Adri Esc 21 août 2015 at 13h- Répondre

    Putain y’a un truc qui me troue le c… à chaque fois, c’est que jamais il cite JOE VAN NIEKERK !! Pour moi il a été fondamentalement bien plus important que Johnny (présent quand on jouait le maintien) dans la construction de ce Toulon victorieux. On lui a clairement manqué de respect, tout le monde l’oublie.

    Grande classe ce type parce que de sa bouche, je peux vous assurer qu’il l’avait mal pris le « Merci Johnny » sur le maillot alors que lui c’est tout juste si on se rappelait qu’il s’en allait aussi…

  2. bison25 21 août 2015 at 13h- Répondre

    Une chose est plus que certaine , que ce sera DUR de le remplacer !.. MERCI encore une fois BERNARD et respect , pour vos commentaires si souvent appréciés . :yes: Que cette réussite dans notre sport favori ne vous abandonne jamais , nous suivrons toujours en tout cas avec intérêt , la suite de votre grande carrière .

  3. Billkm 21 août 2015 at 15h- Répondre

    Ce mec tu le lis, il te met les larmes aux yeux…Alors je comprends que ses joueurs sont prés à mourir pour lui sur un terrain. C’est un grand sensible…