Lors d’un long entretien accordé au Midi Olympique, l’ailier Toulonnais David Smith se confie. Il évoque ainsi sa situation avec le RCT, sa possible sélection avec le XV de France, la mauvaise période qu’il a connue il y a deux saisons ou encore son envie de rester à Toulon. Extrait:

Vous avez inscrit quatre essais pour le RCT où vous vous êtes imposés comme un titulaire à part entière de la ligne de trois-quarts. L’amour serait-elle l’explication à votre début de saison en fanfare ?

Je me suis effectivement marié cet été dans un village de l’agglomération toulonnaise. Je ne suis désormais plus seul. C’est bon de se sentir soutenu surtout après les matchs. La vie d’un joueur de rugby où vous êtes sans arrêt jugé et épié n’est pas tous les jours facile. Je récolte surtout les fruits du dur labeur que j’ai accompli cet été. La présence dans l’équipe d’ailiers internationaux comme Bryan Habana, Drew Mitchell ou James O’Connor m’oblige à redoubler de vigilance et d’efforts.

Ne vous sentez-vous pas plus à l’aise depuis que Matt Giteau a été repositionné à l’ouverture ?

Matt a changé notre façon de jouer cette saison car il est plus porté vers l’attaque que Jonny. L’équipe prend plus de risques offensifs, ce qui me permet de bénéficier de plus d’espaces et de ballons pour m’exprimer.

Est-il vrai que vous prenez des bains de mer y compris en hiver pour récupérer les lendemains de matchs ?

J’avais pris l’habitude de me lever à 8 heures et retrouver Matt à la plage. Nous prenions ensemble un bain de 15- 20 minutes pour se régénérer. Mais depuis que Matt a déménagé à Carqueiranne, nous avons dû mettre fin à ces rendez-vous matinaux. Désormais, je le fais dans ma nouvelle piscine. Ce rituel est important pour mon corps car il m’aide à me sentir bien dans mes baskets pour le reste de la semaine. C’est Tana Umaga qui m’a initié aux plaisirs du bain d’après-match quand nous jouions ensemble pour les Hurricanes. Je commençais alors ma carrière professionnelle. Il m’a appris que pour durer dans ce milieu, il fallait être intelligent et prendre soin de son corps. Alors même s’il pleuvait, nous avons maintenu ce rendez-vous avec Matt. Pour ne tomber malade, nous réduisions ce bain à 10 minutes. Certaines personnes ont dû nous prendre pour des hurluberlus. Mais pour moi, ce n’est pas de la folie. Pourêtre bons sur un terrain, il faut savoir se montrer malins.

Vous figurez dans la liste des dix joueurs étrangers suivis de près par Philippe Saint-André pour intégrer le XV de France. Intégrer le XV de France est-il devenu un objectif pour vous ?

Cela constituerait un formidable terrain d’expression personnel car j’ai toujours rêvé d’évoluer un jour au niveau international. Mais pour prétendre revêtir le maillot du XV de France, je dois auparavant continuer à être performant pour Toulon. Si Philippe faisait appel à moi pour le Tournoi des 6 Nations ou le Mondial, j’irai les yeux fermés.

Pourquoi n’avez-vous jamais porté le maillot des Samoa, votre pays de naissance ?

Je suis né à Manase aux Samoa puis j’ai quitté mon village pour faire mes études secondaires en Nouvelle-Zélande. J’ai ensuite eu la chance d’intégrer l’équipe de NPC d’Auckland à l’âge de 19 ans. Le sélectionneur samoan m’avait appelé pour que j’intègre l’équipe quand j’avais 18 ans. Je ne me sentais pas prêt pour évoluer à ce niveau. Je voulais auparavant jouer en Super 15. Et puis mon objectif c’était de porter le maillot des All Blacks. Je n’ai malheureusement pas eu cette opportunité. Les Blacks ne manquaient pas d’ailiers de grands talents avec Rokocoko, Howlett ou Sivivatu. Cela fait quatre ans que je suis à Toulon. Ma femme est française. J’entends donc faire ma vie en France.

Comment avez-vous réagi lors de l’annonce de Philippe Saint-André ?

Son annonce m’a un peu pris de court. Je pensais alors vraiment déclarer mon allégeance aux Samoa car leur sélectionneur m’avait relancé.

Depuis quatre ans que vous jouez au RCT, cela a toujours été un peu « je t’aime moi non plus ». Parfois, vous n’avez pas hésité à afficher au grand jour votre mal-être et mécontentement sur votre compte Twitter.

Mes quatre saisons passées dans le club n’ont pas été de tout repos. Quand je jouais peu, mon mal-être s’amplifiait en raison des réseaux sociaux. J’étais devenu totalement accro à Twitter et Facebook. Une fois sorti de l’entraînement, je passais mon temps à pianoter sur mon téléphone pour voir ce que les gens racontaient. Quand ils écrivent, certains ne se rendent pas compte du mal qu’ils peuvent faire. Pour eux, nous ne sommes que des machines. Quand ils vous assassinent allègrement après un mauvais match, ils ne réalisent pas qu’ils ont affaire à des êtres humains. Certains propos m’avaient particulièrement blessé. Pour retrouver le moral et redevenir moi-même, j’ai donc décidé il y a
huit mois de fermer mon compte Twitter.

Vous faites référence notamment au flot de critiques qui s’étaient abattues sur vous après votre en-avant commis en finale du Top 14 contre Toulouse en 2012 et qui avait privé votre équipe du Bouclier de Brennus…

C’est très certainement le moment le plus dur que j’ai eu à affronter au cours de ma carrière. Toulon attendait ce titre depuis tellement longtemps (soupirs)… Quand j’ai perdu ce ballon, j’ai eu non seulement le sentiment de m’être abandonné mais aussi d’avoir laissé tomber mes partenaires et les supporters. La passe était un peu haute. J’ai essayé de faire de mon mieux. Vous ne pouvez pas imaginer les horreurs que m’ont écrites certains fans sur mon compte. Dès que je faisais un mauvais match par la suite, ils me rappelaient cet épisode. Même après trois finales remportées, cette cicatrice, je l’ai toujours en moi. Cet événement malheureux n’a fait qu’accroître ma détermination et volonté de gagner. Elle m’a permis de grandir.

Tout comme votre expérience malheureuse il y a deux ans où vous aviez ouvertement contesté sur votre compte Twitter le choix de Bernard Laporte de ne pas vous faire confiance à l’occasion des phases finales…

J’étais mal dans ma peau car je ne jouais plus depuis deux mois. Lors d’une soirée musicale entre joueurs, j’ai exprimé mon mal-être de cette manière. Mais ce doigt d’honneur n’était pas directement adressé à Bernard. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour lui. Au départ, Bernard me faisait vraiment flipper. La première fois qu’il m’a engueulé dans le vestiaire, j’ai vraiment eu peur. J’avais le sentiment qu’il ne me lâchait pas d’une semelle. Il me répétait en boucle que je devais améliorer ma défense. Je ne comprenais pas qu’il faisait tout ça dans mon intérêt. À force de me le rabâcher, ça a fini par payer. J’ai effectué un gros travail à ses côtés dans ce domaine. Je suis devenu beaucoup plus agressif au plaquage.

Votre contrat arrive à son terme en juin prochain. Que comptez-vous faire ?

Je suis un peu stressé par cette situation. J’adore Toulon et ses supporters. J’aimerais rester au RCT. Mais la décision ne dépend pas seulement de moi. Tout ce que je peux faire, c’est de montrer aux entraîneurs que je mérite de continuer à porter les couleurs de ce club. Même si j’essaie au maximum de ne pas me laisser affecter par cette situation, parfois j’ai du mal à trouver le sommeil ou l’appétit.

Que vous inspire cette formation des Scarlets ?

C’est une équipe que je connais peu. Mais elle semble plutôt joueuse. En tant que double champion d’Europe sortant, le RCT a une cible sur son front. Toutes les équipes veulent nous battre. À nous de rapidement calmer les ardeurs des Scarlets et leur montrer que nous sommes toujours les meilleurs.

Le triangle d’attaque avec à sa tête l’arrière Liam Williams devrait constituer le danger numéro un…

Le danger peut venir de partout. Je ne me focalise donc pas sur un joueur en particulier. Mon job consistera à me montrer le plus agressif possible afin de leur donner le moindre espace à exploiter.

Sentez-vous chez vos coéquipiers la volonté de marquer l’histoire en devenant la première équipe à remporter trois trophées européens de rang ?

C’est un défi que l’ensemble du groupe veut relever. Cela ne nous intéresse pas d’être finalistes ou terminer troisièmes. Ce groupe veut devenir immortel en inscrivant son nom dans les livres d’histoire. Mais avec l’Ulster et Leicester dans notre poule, nous serons soumis à rude épreuve.

Source: Midi Olympique