Alors qu’il vient d’écoper d’une lourde sanction de 12 semaines, Eben Etzebeth a décidé de prendre la parole pour raconter, à sa manière, ce qui s’est passé lors de son geste controversé contre le pays de Galles.

Le deuxième-ligne sud-africain, figure majeure des Springboks, a choisi Instagram pour livrer sa version des faits, vidéos à l’appui, dans un message long et personnel. Une démarche rare pour un joueur de ce calibre.

Suspendu pour un pouce dans l’œil d’un adversaire lors de la victoire écrasante de l’Afrique du Sud (73-0), Etzebeth manquera huit rencontres de United Rugby Championship ainsi que les quatre matchs de poule de la Champions Cup. Mais il ne ratera aucune échéance internationale, ce qui fait dire à beaucoup que la sanction paraît légère si on la compare aux fameuses 23 et 52 semaines infligées il y a plus de dix ans aux Parisiens Julien Dupuy et David Attoub pour des gestes jugés similaires.

Conscient de la polémique, Etzebeth s’est expliqué en détail. « Je suis resté silencieux, mais maintenant que mon audience est terminée, je pense devoir une explication à tout le monde », écrit-il.

Une entrée en matière où il assume directement sa responsabilité : « Je ne veux pas que des jeunes qui admirent les Springboks pensent qu’il est acceptable de mettre les doigts dans les yeux de quelqu’un, parce que ça ne l’est pas… Mais malheureusement, les erreurs arrivent, et j’en ai commis une grosse, dont je suis désolé. J’aimerais toutefois répondre à la question : pourquoi as-tu fait une telle chose ? C’était une erreur due à ma réaction et à d’autres facteurs qui ont joué un rôle. »

L’international sud-africain ne cherche donc pas à se dédouaner, mais à contextualiser.

Il explique pourquoi l’échauffourée a dégénéré :

« L’échauffourée était quasiment terminée quand le numéro 7 du pays de Galles m’a frappé avec la paume ouverte au niveau du menton/cou. On me voit regarder l’arbitre assistant et attendre une réaction de sa part (c’est allé vite et il est compréhensible qu’il ne l’ait pas vu). Sans que je réagisse encore, je me fais tirer une nouvelle fois par le maillot, avant que je réponde avec un geste similaire. »

Dans sa deuxième analyse vidéo, Etzebeth détaille davantage le mouvement contesté.

Pour lui, le premier contact visible n’est pas l’œil mais l’épaule :

« On voit clairement que mon premier point de contact est son épaule avec une main ouverte, exactement comme il l’a fait, sauf qu’il m’a touché au menton. Autre chose à mentionner : lorsqu’il m’a frappé, j’étais immobile, avec peu de mouvement ou de joueurs impliqués autour. Quand je tente la même main ouverte vers son épaule, on voit deux joueurs gallois modifier complètement la dynamique de la scène, ainsi qu’un de mes coéquipiers tirer le n°7 gallois par le cou, l’éloignant de ma main et de la direction de ma force. »

Une manière de dire que son geste a été amplifié par le mouvement collectif autour de lui.

Finalement, il termine son message en assumant sa faute mais en défendant son intention :

« Alors pourquoi ai-je publié ceci ? Pour essayer de montrer aux gens comment tout s’est déroulé et que ce n’était jamais intentionnel. Je ne ferais jamais volontairement une chose pareille : après quelques années de rugby, je connais les conséquences. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu et ont pensé le meilleur de moi. Je suis désolé de vous avoir déçus, vous et le jeu. C’était mon premier carton rouge depuis que j’ai commencé à jouer. Je veux que ce soit le dernier. À ceux qui ont été en colère ou déçus par mes actes, je comprends – parce qu’au ralenti, ça ne donnait pas une bonne image -, et j’espère que vous avez maintenant un peu plus de contexte. »

Cette prise de parole, très construite, rappelle forcément les méthodes de Rassie Erasmus. Le sélectionneur sud-africain est connu pour utiliser les réseaux sociaux afin d’expliquer – voire dénoncer – certaines décisions arbitrales. Suspendu deux mois en 2021 pour avoir critiqué Nic Berry lors de la tournée des Lions, Erasmus avait récidivé en 2022 en diffusant plusieurs vidéos pointant les choix de Wayne Barnes après la défaite face au XV de France.

En publiant son message, Etzebeth s’inscrit malgré lui dans cette dynamique où les Springboks assument ouvertement leurs versions des faits en dehors du terrain. Une communication directe qui divise mais qui, une nouvelle fois, fait parler autant que l’action elle-même.