Décidément, le rugby pro est indécrottable. Les déclarations intempestives et déplacées des uns et des autres (Berbizier, Boudjellal…) sur le complot des arbitres et le racisme du rugby sont maintenant supplantées par la rumeur du retour d’un serpent de mer. Le Loch Ness du championnat de France s’appelle Top 16. C’est le retour vers le passé, le pas en arrière, le vilain petit calcul bien intentionné au moment même où Bayonne et Biarritz sont derniers de l’élite. On est surpris – en fait pas vraiment – par le timing. Idéal. Il renforce l’idée que les présidents des clubs de rugby professionnels s’amusent d’arrangements entre amis plutôt que de proposer une vision de leur sport à l’horizon.

Je ne suis pas persuadé que si Bordeaux, Lyon ou Brive étaient dans la position de Bayonne et de Biarritz aujourd’hui, c’est-à-dire relégables d’ici peu, les patrons des clubs d’élite se seraient empressés de balancer une rumeur de cette amplitude. De l’extérieur, ça sent la petite magouille, l’accord tacite entre nantis mal fagotés et ça ne donne pas une belle image du rugby après les mauvais rebonds verbaux qui viennent de le frapper.
«Alors que la tendance, un peu partout dans le sport et ailleurs, consiste à réduire pour être plus efficace, voilà le rugby dérivant à contre-courant»Car enfin de quoi s’agit-il ? Avec seize clubs : protéger quelques investissements, ceux de Biarritz et de Bayonne en premier ; ajouter des matches (deux journées) à un calendrier déjà démentiel qui oblige le Top 14 à se disputer pendant le Tournoi (deux doublons en février et mars) ; inviter les gros clubs (pourvoyeurs d’internationaux) à recruter davantage ; allonger la saison ou faire jouer en semaine avec tous les risques (dopage, blessures, impasses) que cela suppose à court terme ? Franchement, alors que la tendance, un peu partout dans le sport et ailleurs, consiste à réduire pour être plus efficace, voilà le rugby dérivant à contre-courant.

Deux choses me dérangent. Premièrement, constater que la direction de la LNR est dépassée par sa base. Après Boudjellal, voici Lorenzetti qui balance un pavé sans même attendre l’AG extraordinaire prévue bientôt pour mettre les problèmes du rugby pro à plat et trouver des solutions à la croissance – plutôt bienvenue – du rugby d’élite. Deuxièmement, constater que les présidents-investisseurs (ça devient tellement évident que s’en est grotesque et risible) utilisent avec calcul les médias pour faire passer leurs messages, lequel est distillé comme un poison qu’ils disent vertueux. Je ne sais pas où tout cela va nous mener mais ça commence à sentir franchement mauvais.

Source: lequipe.fr – Richard ESCOT