Être le joueur d’un seul club ? Cette tendance n’existe quasiment plus !
Être le joueur d’un seul club ? Cette tendance n’existe quasiment plus !
Le mercredi 11 juin 2025 à 11:38 par David Demri
0 Commentaire
Publicité
Le rideau tombe sur une époque. En l’espace de quelques jours, plusieurs figures emblématiques du rugby européen ont foulé une dernière fois la pelouse avec le maillot qui a marqué toute leur carrière.
À Nanterre, Henry Chavancy a dit au revoir au Racing 92. À Leicester, Ben Youngs et Dan Cole ont fait leurs adieux aux supporters des Tigers. Trois joueurs, trois symboles d’une fidélité qui tend à disparaître dans un rugby en pleine mutation.
La dernière de Chavancy, pilier discret du Racing
Sur la pelouse de la Paris La Défense Arena, Henry Chavancy a disputé son dernier match sous les couleurs ciel et blanc. À ses côtés, l’arrière anglais Henry Arundell, 20 ans tout juste, incarnait déjà la relève. Quand Chavancy a débuté en mars 2008, Facebook et les BlackBerry régnaient, Barack Obama n’était encore qu’un candidat, et dans le vestiaire du Racing figuraient Agustin Pichot et Thomas Lombard. Dix-sept ans plus tard, c’est une page qui se tourne.
Chavancy n’a jamais été le plus spectaculaire. Ni le plus rapide, ni le plus technique. Mais il a toujours été constant, engagé, et profondément attaché à son club formateur. « Quelques lacunes techniques », reconnaissait-il lui-même, mais ce qui le faisait vibrer, c’était « la solidarité et le sens des responsabilités qui se dégagent d’une ligne défensive, où chaque coéquipier a un rôle essentiel à jouer. On s’entraide pour ne pas lâcher. »
Fils du général Pierre Chavancy, ancien gouverneur militaire de Lyon, il a hérité d’une rigueur et d’un sens du devoir rares dans le sport professionnel. À l’heure où les stars s’enchaînent au Racing sans toujours laisser d’empreinte, lui aura été un repère inamovible. « Discipliné, fiable, dévoué », trois mots qui le résument parfaitement.
Leicester fait ses adieux à deux monuments
Le même week-end, à Welford Road, Leicester décrochait son billet pour la finale de Premiership face à Sale. Mais l’émotion venait autant des tribunes que du terrain. Ben Youngs et Dan Cole, 36 saisons à eux deux sous le maillot des Tigers, faisaient leur révérence. Youngs avait débuté en avril 2007, Cole quelques mois plus tard. Ensemble, ils symbolisent une autre forme de réussite : celle de la longévité.
« Le vert, le rouge et le blanc, c’est tout ce que j’ai connu, et c’est tout ce que j’ai voulu connaître. Jouer contre ce club n’a jamais été une option. Finir en étant un joueur d’un seul club, ce sera l’une de mes plus grandes fiertés. » Ce cri du cœur signé Youngs rappelle ce que représente l’attachement à une institution, à une communauté.
La fin d’une génération… et le début d’une ère nouvelle
Danny Care (Harlequins) et Alex Goode (Saracens) ont eux aussi annoncé leur départ à la fin de la saison. Quatre noms, près de 1 500 matchs de club cumulés. Et surtout, un point commun : la fidélité à une seule tunique. Un phénomène de plus en plus rare.
Car pendant que certains quittent la scène, le rugby professionnel vit un bouleversement. Deux nouvelles compétitions pointent le bout de leur nez. La « Coupe du Monde des Clubs », adoubée par les instances. Et surtout la R360, ligue privée promettant salaires mirobolants et spectacle à l’américaine. « Aujourd’hui, moins de cinq joueurs gagnent plus d’un million de dollars par saison. Nous, on en aura une quarantaine. On veut les meilleurs. » L’ambition est claire.
Entre loyauté et réalité économique
Pour les jeunes joueurs, la tentation existe. Le rugby n’est plus un sport qui garantit un avenir après 30 ans. Leon Brown, Anthony Watson, Paul Willemse en savent quelque chose : tous trois stoppés net dans leur élan par des blessures majeures.
À la soirée des Trophées de la Premiership, le sujet était sur toutes les lèvres. « L’argent peut compter à un moment donné, mais pour moi, jouer pour l’Angleterre reste la priorité », affirmait Tommy Freeman (Northampton).
Même sentiment pour Ellis Genge : « Je ne voudrais jamais tirer un trait sur l’Angleterre. Mais on sait que 90 % des rugbymen devront bosser après leur carrière. Alors si les sommes proposées deviennent vraiment énormes, certains auront des choix à faire. »
Difficile de leur jeter la pierre. Le rugby change, et ses acteurs aussi. L’époque des one-club men s’efface doucement. En 2003, seuls quatre champions du monde anglais (Dallaglio, Hill, Kay, Johnson) avaient passé leur carrière au même endroit. Aujourd’hui, ils ne sont presque plus qu’une poignée.
Mais ils méritent d’être salués. Car dans un monde où tout change si vite, leur constance est devenue précieuse. Chavancy, Youngs, Cole, Goode, Care… ils laissent derrière eux bien plus que des statistiques : une trace, un héritage. Et une question, comme un vertige : reverra-t-on un jour des joueurs comme eux ?
Publicité
0 Commentaire