Avant de faire part de sa fierté d’affronter le Munster pour une place en quarts de finale, Mourad Boudjellal s’en est longuement pris au Montpelliérain Mamuka Gorgodze, qui a prolongé avec Montpellier malgré un accord avec le RCT.

Mourad Boudjellal, quelle est la position de Toulon sur le cas de Mamuka Gorgodze, qui a prolongé avec Montpellier alors qu’il s’était engagé avec le RCT ?
C’est un dossier embêtant pour lui. Ça me fait de la peine pour le joueur et par rapport à ce que représente le sens de la parole et de la droiture de la religion orthodoxe. Il est complètement à côté de ce qui peut être prêché. Il se met en porte-à-faux par rapport à sa communauté. Au-delà de la parole, il y a des accords. Nous avons été informés le 30 mars 2010 de la période de mutation pour la saison 2011-2012. Les accords ont été signés dans le respect de cette période à la demande du joueur qui s’est déplacé à Toulon avec des clauses bien précises et pour lesquelles le club va demander l’exécution. J’ai pour habitude d’avoir des contrats qui sont assez bien conçus avec des clauses de sortie que je respecte lorsque je n’honore pas mes engagements. Ça m’est arrivé plusieurs fois par le passé. J’ai l’intention d’exécuter cette clause et d’en demander le paiement intégral.

Que risque le joueur ?
Le joueur Gorgodze est un récidiviste, donc je pense que les tribunaux civils en tiendront compte. J’avais prévu une clause de sortie très sévère et très lourde pour me prémunir de ce genre de choses. Je ne sais pas ce qui lui a pris. On lui a peut-être fait tourner la tête en lui expliquant que, d’un côté il y avait les prédateurs et de l’autre, « les anges du bien » qui lui proposaient un bon contrat. Alors que nous étions « les démons du mal » qui lui proposaient plein de mauvaises choses. On verra qui sont les anges du bien et les démons du mal. Ceux qui resteront et ceux qui fuiront. Je pense qu’il n’a pas bien mesuré les conséquences pour lui, pour son avenir et celui de sa famille. J’espère que les gens qui l’ont conseillé assumeront si ça devait très mal tourner pour lui. J’espère que les conseillers seront les payeurs. Les « anges du bien » ont préféré sacrifier un garçon pour avoir l’impression de garder la tête haute et rester digne.

Vous semblez avoir été vexé par les propos de Fabien Galthié qui a utilisé le mot « prédateur » pour qualifier les clubs qui s’intéressaient aux joueurs montpelliérains…
Quand on se permet d’utiliser le mot prédateur, ça vaut dire que d’un côté il y a le bien et de l’autre, il y a le mal. Depuis que le rugby est professionnel et que le marché est ouvert, le monde des transferts fait partie du jeu. On m’a signé des joueurs et j’en ai signé aussi. On ne m’a jamais qualifié de prédateur. Je n’aurais pas pu appeler Graham Henry (sélectionneur de Nouvelle-Zélande) de prédateur quand il a récupéré Sonny Bill Williams. Je ne représente ni le bien, ni le mal. On est dans un jeu normal. Quand Paul Goze (président de Perpignan) a fait signer Dan Carter à Perpignan, je dis « chapeau », il a été meilleur que moi. Chacun joue son jeu. Il faut avoir une haute opinion de soi mais aussi la mémoire courte. Quand le Stade Français a signé Dominici et Comba, on n’a pas parlé de prédateur. Quand l’ange du bien a propose un salaire multiplié par quatre ou cinq à Pascal Papé pour le faire venir de Bourgoin, on n’a pas parlé de prédateur. Gorgodze a montré sa volonté de ne pas venir à Montpellier, ce que je comprends. Mais quand on prend une décision, il faut être prêt à en assumer les conséquences.

« Une dimension que le RCT n’a jamais connue »

Comment préparez-vous le match face au Munster, dimanche ?
J’essaie de m’enlever tout pression parce que dans le pire des cas, on sera content. C’est notre première participation à la H Cup. Recevoir le Munster, c’est bien mais le recevoir avec un tel enjeu, c’est exceptionnel. Au-delà de se qualifier, on peut être le premier club à éliminer le Munster des phases finales depuis douze ans. Même si on perd – ce qui est fort possible – rien que le fait d’être à ce niveau, ça aura été exceptionnel. On veut profiter de cet évènement et le croquer à pleine dent. J’ai une équipe remontée, motivée et qui a envie. Le Munster aussi puisqu’il joue sa survie. Ils perdent rarement des matchs à l’extérieur quand c’est une question de vie ou de mort. Pour eux, c’est un huitième de finale. Si on gagne, on ne sera pas qualifié sauf si les London Irish battent les Ospreys.

Est-ce une fierté pour vous ?
Oui. Ça donne une dimension que le RCT n’a jamais connue. C’est rare qu’un club de rugby soit télévisé à telle échelle. C’est assez rare qu’Al Jazeera retransmette un match de rugby, ce n’est pas commun. Ça correspond aussi à la médiatisation du club depuis quelques années. Il y a un phénomène de curiosité sur Toulon qui prouve que le RCT est un vecteur pour la ville. J’espère que ce sera une belle fête.

Est-ce une nouvelle marche franchie par le RCT ?
On va essayer d’être plus fort de match en match, d’année en année. Ce match n’est pas une fin en soi. Ça doit être le début de quelque chose. Si on est éliminé, on puisera une énergie pour aller rebondir comme on l’a fait après le Munster (44-18, 2eme journée de H Cup). Si on gagne, cette victoire devra nous servir de tremplin pour jouer la qualification au pays de Galles et plus si affinités.

En jouant sur les deux tableaux, n’êtes-vous pas inquiet que l’équipe s’épuise ?
Ce qui m’inquiète c’est que la finale du Top 14 et celle de H Cup ont lieu à une semaine d’intervalle, je ne sais pas comment on va gérer les deux. C’est compliqué de jouer deux finales en une semaine. Je comprends les problèmes de la Ligue. Elle ne va pas faire des années de 62 semaines. Ils essaient de répondre le moins mal possible à un problème qui n’a pas de solution. On fait avec. Il faut être solidaire de cette problématique. On est dans la dernière ligne droite. On a passé le calendrier un peu fou, on n’a plus d’excuse. On va beaucoup jouer à Mayol. On n’a pas le droit d’être absent du Stade Vélodrome au mois de mai. Les demi-finales du championnat de France n’auraient pas la même odeur si le RCT n’y participait pas.