La question circule désormais ouvertement dans les travées de Jean-Dauger, dans les couloirs du club et jusque dans les discussions feutrées du rugby français : Grégory Patat doit-il quitter l’Aviron Bayonnais ? Une interrogation lourde de sens, tant elle semble paradoxale au regard du bilan sportif du manager basque depuis son arrivée.

Car sur le terrain, les faits sont là. En moins de trois saisons, Patat a profondément transformé l’Aviron. Bayonne est redevenu un club respecté, difficile à manœuvrer, presque imprenable à domicile. Deux qualifications pour la Coupe des champions, un barrage de Top 14 disputé à Jean-Dauger, une identité de jeu affirmée, un groupe soudé et une ferveur populaire retrouvée : peu de managers peuvent se prévaloir d’un tel impact dans un club historiquement fragile à ce niveau.

Et pourtant, malgré ces résultats, le sol semble se dérober sous ses pieds.

Depuis plusieurs mois, un malaise diffus s’est installé autour du staff. Non pas une fronde ouverte, ni une contestation sportive, mais une accumulation de signaux faibles qui, mis bout à bout, interrogent. La prolongation longue durée de Gerard Fraser, adjoint numéro un, jusqu’en 2030, alors que Patat n’est lié au club que jusqu’en 2028. L’arrivée de Laurent Travers dans un rôle de directeur du rugby aux prérogatives larges. Les discussions avancées autour de Thibault Giroud, préparateur physique très convoité, sans que Patat n’ait réellement été associé aux choix structurants. Et, en parallèle, des incertitudes persistantes sur l’avenir de plusieurs membres historiques du staff.

Dans ce contexte, une impression se dégage : celle d’un manager progressivement isolé, fragilisé non pas par ses résultats, mais par la gouvernance. À l’Aviron, les décisions semblent désormais se prendre au-dessus de lui, voire sans lui. Une situation délicate pour un entraîneur dont la crédibilité repose aussi sur sa capacité à maîtriser son environnement.

Faut-il pour autant envisager son départ ?

La question mérite d’être posée sans passion. D’un côté, les partisans d’un changement estiment que le cycle Patat approche de sa limite. Ils évoquent une fatigue visible, une pression constante, un staff qui regarde davantage vers l’avenir que vers le présent, et une organisation devenue trop lourde pour fonctionner sereinement. À leurs yeux, mieux vaudrait anticiper que subir, et repartir sur un nouveau projet plus aligné avec la vision du président et de la direction.

De l’autre, difficile d’ignorer l’injustice sportive que représenterait un tel choix. Patat n’a pas échoué. Il n’a pas perdu son vestiaire. Il n’a pas plongé le club dans une crise de résultats. Bien au contraire. Remplacer un manager performant, apprécié des joueurs et identifié par le public, comporte un risque majeur : celui de casser une dynamique patiemment construite. L’histoire du rugby est remplie de clubs ayant cru bien faire en changeant trop tôt… et l’ayant payé cher.

La vraie question n’est peut-être pas de savoir si Grégory Patat doit partir, mais si l’Aviron Bayonnais lui donne encore réellement les moyens d’exister dans son rôle. Un manager sans pleine autorité sur son staff, sans visibilité à long terme, sans implication dans les choix structurants, est un manager fragilisé par définition. À ce jeu-là, même le plus compétent finit par s’user.

Alors, faut-il pousser Patat vers la sortie malgré son bon travail ? Ou faut-il, au contraire, clarifier le projet, redéfinir les rôles et lui redonner une légitimité pleine et entière ?