Jalil Narjissi : « C’est le plus gros drame du rugby français ! On est sous cachets, sous traitement ! »

Jalil Narjissi : « C’est le plus gros drame du rugby français ! On est sous cachets, sous traitement ! »

Le dimanche 10 août 2025 à 23:21 par David Demri

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Voilà plus d’un an désormais que le jeune Medhi Narjissi a disparu, emporté par une vague en Afrique du Sud, alors qu’il était en stage avec l’équipe de France U18.

Un an après le drame, son papa Jalil Narjissi a exprimé sa détresse via Midi Olympique.

Il affirme que la douleur ne s’apaise pas. Au contraire : tout va de pire en pire. Extrait:

Ça fait douze mois que Medhi a disparu. Il y a… il n’y a pas de changement. C’est même de pire en pire dans notre quotidien, ou plutôt notre survie à cette catastrophe. C’est l’horreur. Le temps ne fait rien. Au contraire, plus il passe et plus c’est dur. Voilà. Il faut vivre une catastrophe, des choses dramatiques comme ça, pour ressentir.

Malgré le soutien du Stade-Toulousain et du SU Agen notamment, il affirme que sa famille se sent bien seul suite à ce terrible drame. Extrait:

Le rugby a été ma passion, mon métier, c’est ce qui m’a fait devenir l’homme que je suis et les valeurs de ce sport ont aussi contribué à éduquer mon fils. Alors oui, quand je vois le soutien du Stade toulousain, nous nous sentons soutenus. Nous avons aussi reçu de belles marques d’affection de la part du SUA. D’autres personnes du rugby, je pense à Mathieu Blin, qui s’est comporté comme un frère pour nous, à « Cali » (Christian Califano), mais bon… Chacun a repris sa vie et Valérie a raison : nous sommes seuls face à notre terrible destin.

Il indique ne pas avancer. Avec sa femme Valérie, il se bat pour que la vérité puisse enfin sortir au grand jour. Extrait:

Avec Valérie, on se pose tous les jours la question : comment on fait pour avancer, justement ? Mais on n’avance pas. C’est quoi notre quotidien ? Un combat : faire sortir la vérité. Que les responsabilités sur la disparition de Medhi soient déterminées et que les personnes responsables ou coupables paient ! Quel père ne se battrait pas ? Quel père, avec toutes les fautes graves qui ont été commises, resterait les bras croisés ? Moi, je reste debout uniquement parce qu’il y a ce combat à mener. Parce que j’ai Valérie, parce que j’ai Inès, notre fille aînée, qui sont mes côtés…

Il ne manque pas de pointer du doigt le président de la FFR, Florian Grill. Extrait:

Quand on voit comment ceux qui dirigent notre sport n’assument pas leurs responsabilités, au-delà des encadrants qui étaient sur place et qui ont pris cette décision… C’est pour cela que Valérie a raison quand elle dit que plus le temps passe, plus on est mal.

C’est qui la victime ? C’est notre fils ! En second, c’est nous, la famille. Ce monsieur-là, on ne l’a jamais repoussé. Il nous a appelés deux fois, il nous a annoncé la catastrophe, mais après, il a communiqué avec nous par WhatsApp…

J’aurais aimé qu’il m’appelle plus, au lieu de communiquer par WhatsApp. Et j’aurais aimé qu’il arrête son élection électorale et qu’il vienne à nos côtés, qu’il vienne voir le lieu où notre fils a disparu. Ce n’est pas lui qui a mis notre fils dans l’eau, on l’entend bien. Mais c’est lui qui est responsable des encadrants et de la sécurité de nos enfants. Après, il a menti sur beaucoup de choses, et on en a la preuve. C’est lui qui porte la responsabilité. Et il ne nous a pas accompagnés en Afrique du Sud. Il aurait pu nous réceptionner à Toulouse à notre retour mais il n’était pas là.

Il est venu nous rendre visite le 30 août à Agen. Notre fils a disparu le 7. Durant ce laps de temps, on s’est sentis seuls, abandonnés. Il avait missionné Jean-Marc Béderède pour nous accompagner mais, une fois sur place, ce dernier s’est concentré sur l’enquête interne qu’il devait mener pour la fédération. Nous étions seuls face à nos questions. Que faisait monsieur Grill pendant que nous cherchions notre fils de l’autre côté de la planète ? Savoir ce qui s’était passé, et venir voir de ses propres yeux… C’est lui le président de la fédération. Le responsable de ce voyage. Il aurait dû se déplacer.

Il indique que la famille Narjissi ne pourra jamais faire le deuil de la disparition de Medhi. Extrait:

Nous, notre deuil, il n’existe pas. On n’a pas de deuil. On a perdu notre fils. Medhi a perdu la vie en allant jouer pour la France, pour le maillot de l’équipe de France. Et il n’est jamais rentré à la maison. Et ça fait douze mois… Après, petit à petit, seuls, on découvre les conditions de ce déplacement en Afrique du Sud, ce qui présidé au drametel qu’il est survenu… Et cela rajoute de la peine sur la peine.

Il n’y a pas d’amélioration psychologique dans notre quotidien. Nous, on ne vit plus, on survit à cette catastrophe. Il faut qu’on y retourne pour mettre quelque chose pour lui. Voilà, on a besoin aussi de faire quelque chose pour lui, là-bas. Qu’est-ce qu’on a pour s’occuper ? On a quoi ? Ses affaires qui n’ont plus d’odeur. On n’a plus rien.

Il affirme que sa colère ne cesse d’augmenter. Extrait:

Notre colère augmente de jour en jour. Nous avons confié notre fils à la Fédération française de rugby, la plus haute des institutions de notre sport. Et on découvre qu’aucune règle de sécurité n’a été respectée. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapport du ministère des Sports. Et moi, ce qui me ronge, c’est qu’on a confié notre fils en confiance. Je m’étais posé la question de l’accompagner en Afrique du Sud et puis j’ai fait confiance, j’ai voulu lui laisser vivre son truc. On pensait l’envoyer au rugby, pas dans la gueule du loup. Les personnes responsables à la tête de cette fédération se défaussent. Et en plus, elles mentent. Elles mentent sur l’accompagnement que, soi-disant, elles nous proposent.

Il indique être dans l’incapacité de reprendre le travail. Extrait:

Nous sommes en arrêt de travail de longue durée. Je remercie l’institution, les pompiers, qui continuent de nous permettre de vivre dans le logement de fonction. Depuis douze ans, j’étais pompier professionnel. Je travaillais à sauver les gens. Mais là… Je ne dors plus, je pense constamment à Medhi. Mes enfants ont grandi à la caserne des pompiers…

Il précise être suivi et devoir prendre un traitement, tout comme sa femme. Extrait:

Nous sommes suivis psychologiquement, et même par des psychiatres. Chaque semaine. On est sous cachets, sous traitement. Ça marche avec certains, mais pas avec nous. Ça fait douze mois que Medhi a disparu. Et comme le dit Valérie, on n’a rien. Rien pour se recueillir. Il ne nous reste que les odeurs de notre fils sur certains de ses vêtements. Mais là aussi, petit à petit, elles disparaissent… Elles n’existent plus. Et dans le même temps, on voit des personnes qui disent des choses qui sont fausses, qui mentent au plus haut niveau.

Il accuse la FFR de ne pas avoir soutenu sa famille suite à ce drame. Extrait:

Non. Et c’est pour cela que je parle de mensonge quand il dit qu’il nous a soutenus, qu’il a mis en place des choses au niveau psychologique. Ce n’est pas vrai. C’est le Stade toulousain qui nous a soutenus, qui a créé une cagnotte pour nous aider, qui nous a mis en contact avec une psychologue. Jusqu’à aujourd’hui, ce sont eux qui s’occupent de nous. Et je dis merci à Didier Lacroix, à Ugo Mola et à l’ensemble de ce club.

Nous lui avons demandé des explications : pourquoi il avait supprimé le chef de délégation, pourquoi il ne nous avait pas accompagnés, en disant qu’il avait mal compris. Qu’est-ce qu’il n’a pas compris ? On l’a pourtant rencontré, et il ne peut pas dire que je l’ai agressé à cette occasion. J’ai la preuve de tout ce qui a été dit pendant l’entretien. Au contraire, ma femme pleurait, on pleurait, ma fille pleurait, on lui a dit que nous lui faisions confiance pour établir la vérité. Même s’il est venu vingt-trois jours après que notre fils a disparu, on voulait lui faire confiance. Pour tout dire, on n’a pas accepté ses excuses sur le fait qu’il ne nous ait pas accompagnés, mais c’est tout !

Je le redis encore une fois : ce n’est pas lui qui a mis notre fils dans l’eau. Mais c’est lui qui est responsable de tout ce qui n’a pas été fait dans le règlement qui existe pour encadrer des mineurs. Il a voulu ce poste-là, qu’il l’assume. Qu’il assume le fait d’avoir enlevé le poste de chef de délégation. Qu’il arrête de mentir sur le dos de notre fils. C’est le plus gros drame du rugby français. Ça y est, douze mois ont passé, on va mettre un chiffon sur notre fils ? Non, et non. Bien sûr qu’on ne veut pas que ça se reproduise, mais notre fils ne doit pas servir d’exemple. On a confié notre fils à la fédération et les coupables doivent payer !

Quand le journaliste lui rappelle que la FFR a décidé de rendre hommage à Medhi Narjissi avant France – Galle et a donné le nom de Medhi Narjissi au trophée Reichel, Jalil Narjissi s’agace. Extrait:

Vas-y, vas-y… Vous pensez qu’un simple trophée, ça va nous faire oublier tout ce qui a été dit ? Le « ne vous trompez pas de combat ». Le non-accompagnement. Les mensonges qui ont été dits sur notre fils… Nous, on crie haut et fort : ce n’est pas un accident ! Pour nous, les attitudes des adultes encadrants qui étaient sur la plage et qui n’ont rien tenté… Pour nous, c’est un crime d’avoir mis notre enfant dans l’eau, à un endroit interdit à la baignade et dangereux. On mesure nos mots. En revanche, on ne va pas nous endormir en faisant un hommage au Stade de France, à notre demande.

Ce que dit Ugo Mola à l’issue de la dernière finale du Top 14, ça nous a touchés. C’est un grand homme. Comme Didier Lacroix est un grand homme. Comme le club du Stade toulousain est un grand club avec de grands hommes. Ce club n’abandonne pas ses enfants. Eux, ils ont des valeurs. Pas comme d’autres…

La justice doit passer. Toutes les défaillances d’organisation de la FFR, tout ce qui n’a pas été fait pour l’encadrement des mineurs, l’amateurisme dans l’organisation de ce voyage. Tous les encadrants sont…

Il confirme avoir peur que son fils, Medhi, soit oublié. Extrait:

Oui, c’est très important pour nous que Medhi ne soit pas oublié. Il avait 17 ans. 17 ans ! On a tout perdu. On a perdu notre fils, et eux continuent leur vie. Certains continuent à entraîner sans être embêtés. Tous veulent passer à autre chose, mais pour ne pas que Medhi tombe dans l’oubli, ils doivent répondre de leurs fautes ! Vous savez, des douze encadrants présents sur la plage, il n’y en a pas un seul qui nous a contactés. Pas un seul. Mais dans quel monde vivons-nous ! Ils ont leur part de responsabilités, aussi.

C’étaient des encadrants, ils ont des diplômes. Ils auraient dû dire non, stop, personne ne va dans l‘eau ! De plus, quand je lis dans le rapport du ministère que tous affirment ne pas avoir vu les panneaux indiquant l’interdiction de la baignade et la dangerosité des lieux, je reste sans voix. J’y suis allé à dias Beach, sur ce chemin qui mène à ladite plage. Il faut être aveugle pour ne pas voir le panneau. Qu’ils ne nous prennent pas pour… Sauf qu’ils ne pensaient pas qu’on allait demander à se rendre sur place.

Ça y est, ils ont déjà oublié notre fils. Pas nous ! Et on n’y va pas parce que c’est une date anniversaire. Il n’y a plus d’anniversaire, plus rien pour nous. Noël, tout ça, c’est terminé. On bataille depuis six mois pour mettre une stèle. Et encore une fois, sans aide de la FFR. On se débrouille seuls.

Désormais, il attend que la justice fasse son travail. Extrait:

C’est pour ça que j’attends avec impatience que la justice fasse la lumière sur tout ça. Ce n’est pas un accident pour nous. C’est clair et net. Ce n’est pas un accident. Voilà. C’est quelque chose qui n’aurait jamais dû se passer. Quand on lit que neuf adultes n’ont pas vu le panneau, c’est encore plus choquant… C’est comme mettre la tête de notre fils dans l’eau. Ils n’ont pas honte de dire ça ? Ils sont aveugles. C’est là qu’on voit l’humain tel qu’il est…

La lâcheté de ne pas assumer et la lâcheté de ne pas être allé porter secours à Oscar (le jeune joueur qui a plongé à l’eau pour tenter de sauver Medhi) et à notre fils. Mais qui les a mis à cet endroit-là ? Ce sont eux, ce sont les adultes. C’est un adulte qui a pris la décision avec un autre adulte. Et il y en avait neuf autres sur la plage. Ils ont participé. Après, malheureusement, le temps judiciaire est long. Nous, le temps, il s’est arrêté au mois d’août dernier. Le 7 août 2024.

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8 Commentaires

  1. GA 11 août 2025 at 10h- Répondre

    A un moment il va falloir arrêter avec tout ces articles sur ce drame humain. Il y a certe une souffrance compréhensible de la famille et des responsabilités à trouver, mais ce n’est pas l’endroit.

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    • boblarouve 11 août 2025 at 10h- Répondre

      oui tout à fait d’accord ..il serait bien que les journalistes passent à un notre sujet , la peine et le deuil appartiennent à la famille et franchement moi les histoires judiciaires et les procédures ça ne m’interesse pas ….

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    • coudon 11 août 2025 at 10h- Répondre

      Oui ça commence à devenir lourd tous ces articles …

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      • ber0683 11 août 2025 at 16h- Répondre

        Pas plus lourd que tous ceux sur Dupont……..

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  2. sollies 11 août 2025 at 10h- Répondre

    Mr NARJISSI je vous comprend ça doit etre tres difficile pour vous et votre famille mais vous n etes pas les seules a avoir perdu un enfant Plein de familles se trouvent dans votre cas (Perdre un enfant dans un accident ou par une maladie ou autres c’est pareil )et c’est regretable mais il faut a un moment donne faire son deuil car tous ce que vous faite ne le feras pas revenir
    Bon courage

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  3. oli 11 août 2025 at 11h- Répondre

    Oui, les sorties médiatiques de cette familles ne les aideront pas à faire leur deuil.
    Un collègue a perdu sa fille de 11 ans l’année dernière : lors d’une sortie en vélo d’un centre de loisir, une vielle dame a roulé en contre-sens et a fauché une dizaine d’enfant, sa fille en est morte. Les parents sont encore dévastés, le jugement et le manque de reconnaissance de culpabilité de la conductrice sont horrible. Mais ils n’ont pas le choix, il ont repris le travail et font ce qu’il peuvent pour vivre, et s’occuper de leur autre enfant.

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  4. Allez les petits.... 11 août 2025 at 12h- Répondre

    cette famille est en grande souffrance et on ne peut que la soutenir et la comprendre mais à un moment , on ne sait plus et on peut se demander si les médias ne se goinfreraient pas de son malheur!

    • ber0683 11 août 2025 at 16h- Répondre

      Oui Allez les petits…..les médias ….encore une belle invention……