Le padel, la nouvelle lubie des rugbymen professionnels

Le padel, la nouvelle lubie des rugbymen professionnels

Le mercredi 17 décembre 2025 à 11:11 par David Demri

0 Commentaire

Publicité


Dans le rugby professionnel moderne, les joueurs vivent sous pression permanente. Entraînements calibrés, matchs à haute intensité, récupération surveillée, statistiques analysées. Dans ce cadre très contrôlé, certains cherchent une échappatoire. Depuis quelques années, le padel s’est imposé comme l’un des moyens privilégiés pour souffler, se vider la tête et rester actif autrement.

Pour de nombreux joueurs, cette pratique n’est pas une lubie, mais une nécessité mentale.

Kévin Firmin l’assume pleinement via Midi Olympique :

« J’ai toujours eu besoin de faire autre chose à côté du rugby. À Castres, on me l’a parfois reproché parce qu’à cette époque-là, je jouais beaucoup mais j’ai toujours expliqué que j’étais incapable de faire rugby-maison. Je suis un grand fan de sport. J’ai besoin de ça ».

Le padel coche plusieurs cases : ludique, social, accessible. « J’ai tout de suite accroché avec ce sport, je m’y suis senti bien et je me suis rapidement mis à faire des tournois. En fait, c’est ludique et puis, si on est un mauvais joueur de tennis, on sera toujours un joueur correct de padel », glisse le talonneur de Montauban.

Un sport qui crée du lien

Sur les terrains, les frontières entre clubs disparaissent. « On croise souvent des joueurs de rugby. J’ai connu Clément Bitz sur les terrains de padel avant qu’il arrive à Montauban. J’ai aussi joué contre Romuald Séguy et Thomas Girard quand ils étaient tous les deux à Colomiers. D’ailleurs, j’avais pris une rouste ! Ils étaient très très forts », raconte Firmin.

Arthur Coville y voit même un outil d’ouverture. « Malgré tout, ça nous apporte plein d’autres choses que le côté sportif. Personnellement, j’aime découvrir d’autres horizons, apprendre à connaître d’autres personnes. C’est aussi un moyen et un endroit où on peut rencontrer beaucoup de monde. C’est très convivial. Ça permet de déconnecter, de penser à autre chose ».

Le demi de mêlée de Provence Rugby pratique régulièrement, au point d’avoir atteint un classement reconnu. « Je suis monté 1 700, ça commence à être pas mal ! (rires). Il faut vraiment beaucoup pratiquer pour avoir un classement révélateur de son niveau, ce qui n’est pas notre cas en tant que rugbyman parce que malgré tout, je ne peux pas y jouer tout le temps ».

Le regard lucide des staffs

Mais cette liberté pose une question simple : jusqu’où laisser faire ? Les managers savent qu’ils ne peuvent pas tout encadrer. « On ne peut pas avoir le contrôle sur la vie privée des joueurs sur leur temps de repos et les fliquer », rappelle Florian Nicot. « S’ils veulent y aller de temps en temps, ça ne me dérange pas non plus, ça les aère. Mais il y a un risque de blessure inévitable ».

Le cadre est donc moral, plus que réglementaire. « C’est une conversation à avoir avec un joueur. C’est un contrat moral : contractuellement, on ne peut pas agir sur leur vie privée. S’ils se blessent ou sont moins performants le week-end, ils peuvent en payer les conséquences ».

À Bayonne, le discours est similaire, mais nuancé. « C’est un bien-être mental qui est certain », reconnaît Loïc Louit. Avant d’alerter : « Ça peut être une activité possible organisée par le staff en saison, mais lorsqu’elle est “sauvage” et qu’on la cumule à l’entraînement, ça fait que les joueurs sortent du cadre du monitoring de l’entraînement et c’est un peu compliqué ».

Le préparateur physique va plus loin dans la comparaison. « Il ne viendrait pas à l’idée à un sportif qui fait de l’endurance, un cycliste ou un marathonien de se caler une séance de padel en plein milieu de sa semaine d’entraînement ».

Accompagner plutôt qu’interdire

Plutôt que de fermer la porte, certains clubs ont choisi d’expliquer et d’encadrer. À Biarritz, Fred Ourabah privilégie la pédagogie. « Je suis plutôt pour “donner du sens” à ce qu’on fait, sans être radical et binaire ». Il détaille : « Les joueurs nous informent de façon presque générale de leurs activités physiques extra-rugby. J’ai expliqué les demandes physiques du padel, les principales blessures, donc les bons gestes à adopter pour un meilleur échauffement ».

Selon lui, le padel peut même avoir des vertus. « Ce sport est bénéfique pour s’aérer la tête, c’est aussi bénéfique pour la réactivité, tout en maintenant une activité physique légère ». Une analyse partagée à Bayonne : « C’est une activité avec des changements de direction, des prises de décision. Elle permet d’entretenir ses qualités, de s’aérer l’esprit, c’est important de changer de cadre. Je dirais que le padel est très fortement indiqué dans des périodes comme l’intersaison ou les vacances ».

La responsabilité avant tout

Dans les faits, les joueurs apprennent à se réguler seuls. « En fait c’est du bon sens, si je sais que je vais jouer le week-end, je ne vais pas au padel. Quand je ne joue pas en revanche, je me permets d’y aller », explique Kévin Firmin. Arthur Coville adopte la même logique. « Aujourd’hui, quand on a des semaines classiques et qu’on a match le week-end, je m’autorise à faire un ou deux matchs avec mes amis, soit le dimanche ou le lundi après-midi. Passé ce délai-là, je ne joue plus ».

Les staffs l’ont compris. Ils ne peuvent pas tout contrôler. Et comme le résume, sans détour, Florian Nicot : « C’est à leurs risques et périls ».

Publicité

0 Commentaire