Le Directeur technique national de l’arbitrage de la Fédération Française de Rugby, Joël Dumé s’est confié lors de l’émission du Late Rugby Club sur Canal +.

Ce-dernier est revenu sur de nombreux sujets liés à l’arbitrage du Top 14.

Dans un premier temps, il justifie la qualité des arbitres du championnat français. Extrait:

« Cinq arbitres français ont été appelés pour la tournée du mois de juin et ce n’est pas dû au hasard. C’est la continuité de leur remarquable Coupe du monde où ils ont été trois au milieu et un à la touche. Il y a aussi eu les tests des Lions Britanniques. Deux des trois tests ont été arbitrés par des français. Il y a eu le Tournoi des Six-Nations et quatre arbitres français ont été retenus au centre pour arbitrer six matches, ce qui est unique. Ce n’est pas un hasard, c’est dû à leurs qualités. C’est aussi dû à la difficulté d’arbitrer notre championnat du Top 14. Quand on arbitre pendant une saison entre 12 et 15 matches de Top 14, on est blindé. On a l’habitude d’arbitrer du haut niveau et quand on va sur la scène Européenne ou internationale, on a l’habitude et nous ne sommes pas surpris. C’est aussi pour cette raison que certaines nations comme l’Ecosse et l’Italie ont beaucoup de mal à avoir des arbitres internationaux. Leur compétition nationale n’est pas au niveau du Top 14. »

Il évoque ensuite les prises de décisions des arbitres et le degré des sanctions. Extrait:

« Dans la décision finale de l’arbitre, il y a une sanction standard qui peut-être le carton jaune, le carton rouge ou une simple pénalité. Puis il y a une échelle de la sanction qui peut-être aggravée s’il y a une circonstance aggravante comme la corde à linge par exemple avec de la vitesse et de la force. Mais il peut aussi y avoir des circonstances atténuantes comme lorsque le joueur qui est en possession du ballon perd ses appuies et se retrouve avec le centre de gravité plus bas, malheureusement il est plus accessible au niveau du visage. Quand un joueur glisse et qu’il se retrouve très bas, on peut estimer que s’il n’avait pas glissé, peut-être que le visage n’aurait pas été touché mais plutôt le haut des épaules. Donc c’est une circonstance atténuante. La Commission de discipline, lorsqu’elle jugera le joueur, elle réagira comme un arbitre. Elle aura un degré d’entrée de la sanction, puis elle va diminuer ou augmenter la sanction standard. Mais c’est l’arbitre qui aura la décision finale sur le terrain. Lorsqu’il sent que le match lui échappe, il peut décider de mettre au joueur la sanction la plus haute. Alors que dans un match qui est plutôt calme, l’arbitre pourrait maintenir une sanction standard. Il a ce rôle de modérateur et c’est très important. C’est l’arbitre qui a la sensation car il est au contact des joueurs. Il a le ressenti que les autres arbitres n’ont pas. »

Joël Dumé affirme par ailleurs qu’aucun joueur du Top 14 n’est stigmatisé par les arbitres. Extrait:

« Il n’y a absolument aucun joueur du championnat de France qui est stigmatisé par les arbitres lors des réunions techniques, ni même Rabah Slimani. A l’international je ne sais pas car je parle du Top 14. Après, il y a un degré d’interprétation de la mêlée par l’arbitre. Il a un sentiment sur la domination des joueurs en mêlée. Après, que les arbitres échangent leurs avis sur certains joueurs du Top 14 après les avoir arbitrés, c’est possible car il y a un échange. Mais personne n’est stigmatisé. Il faut écouter les arbitres. Les arbitres demandent aux joueurs de leur envoyer une image positive. Et peut-être que, par le passé, Rabah Slimani n’a pas renvoyé une image assez positive lorsqu’il évoluait en équipe de France. Je l’ai vu en Coupe d’Europe le week-end dernier et j’ai trouvé qu’il a été récompensé de son travail. Mais renvoyer une image positive, c’est important pour les premières lignes. »

Le patron des arbitres a ensuite parlé d’un sujet sensible: la règle de l’en-avant. Extrait:

« La règle de l’en-avant n’est pas la règle de la passe en-avant. Il y a une différence qui est fondamentale. Il y a en-avant si le ballon se dirige vers l’avant, touche un joueur ou le sol. La définition de la passe en-avant ce n’est pas si le ballon se dirige vers l’avant. Il faut regarder si à la sortie des bras, le mouvement des bras du passeur est en-avant ou pas. Si le ballon prend la direction de l’avant lorsqu’il sort des mains du passeur, on considère qu’il y a en avant. Mais si le ballon est passé vers l’arrière et que le ballon se déplace vers l’avant avec la loi de l’inertie, on ne peut pas considérer cela comme une passe en avant. C’est la règle qui le dit. »

Joël Dumé a ensuite rouspété et a pointé plusieurs dérives en Top 14. Extrait:

« World Rugby a introduit la règle de la simulation, chose qui n’existait pas avant. C’est donc un problème, une dérive. Il y a également les joueurs qui demandent à l’arbitre de faire appel à la vidéo. Avant, les autres sports collectifs nous enviaient ce respect de l’arbitre. On sortait des cartons jaunes et les autres sports disaient que nos arbitres étaient petits et qu’en face ils avaient des mecs de deux mètres et que les joueurs se faisaient tout petits. Cela est terminé. Les bras levés parce que le ballon est retardé sur un plaquage, ce sont des choses que l’on ne voyait pas. Avant, lorsqu’un arbitre gênait un joueur qui voulait plaquer un adversaire, le joueur disait à l’arbitre qu’il l’a gêné sur l’action. Maintenant, on ne se contente pas de dire cela, maintenant, ils le poussent ou le percutent volontairement, voire, ils le plaquent ! »

Pour les quatre dernières journées de la phase régulière du Top 14, les arbitres seront beaucoup plus sévères. Extrait:

« Je pense que les arbitres sont rentrés dans la grande communication. On reproche d’ailleurs à certains arbitres de beaucoup parler et de beaucoup justifier leurs décisions. Je pense que, lorsque vous arbitrez et que vous essayez de justifier vos décisions, vous allez induire de la part du joueur un questionnement ou un avis divergent et ça va engager une conversation. Ensuite, c’est très difficile de contrôler cela. Alors je pense qu’il faut communiquer car c’est très important dans des moments clés avec les joueurs. Mais soyons vigilants car je ne veux pas voir certaines dérives. Je demande plus de fermeté de la part des arbitres. On sait que nous allons entrer dans une dernière ligne droite avec des matches qui vont énormément compter, avec des enjeux sportifs et financiers. Les joueurs vont être sous pression et j’imagine que dès qu’un joueur va être exclu d’un carton jaune, il va contester et ne pas être d’accord. Alors j’ai demandé à ce que la règle des 10 mètres supplémentaires soit appliquée. Si un joueur conteste, on l’envoie 10 mètres plus loin. »

Joël Dumé a ensuite pesté contre les buteurs qui utilisent l’intégralité du temps autorisé pour taper des pénalités. Extrait:

« On pensait que les buteurs mettaient plus de temps que le temps autorisé pour transformer un essai ou passer une pénalité. En voulant gagner du temps, on s’aperçoit qu’on en perd. La règle existe actuellement. Il faut que les arbitres soient vigilants et peut-être que les chronomètres doivent disparaître. »

Vient ensuite le sujet de l’arbitrage vidéo. Extrait:

« On s’est éloigné de la philosophie de l’arbitrage vidéo qui devait être à l’origine une aide à la prise de la décision. C’est effectivement dans des cas exceptionnels, que tout le stade a vu et que tous les téléspectateurs ont vu et que l’arbitre n’a pas vu car il était mal placé. C’est cela la philosophie de la vidéo. C’est aussi se dire comment l’arbitre qui doit prendre des décisions sur le terrain ne peut pas utiliser la technologie mise à la disposition de tout le monde. Voir si un joueur a mis un pied en touche au moment de mettre un essai, à vitesse réelle vous avez beau être trois, c’est extrêmement difficile ! Il y a juste l’arrêt sur image qui va nous donner la réponse. Là, c’est une aide positive de la vidéo. Le problème maintenant est que via l’évolution du protocole, nous sommes devenus trop techniques et trop microscopiques dans la prise de décision. On casse le rythme et parfois on remonte en amont de l’action. Dans un match de rugby, on peut trouver tellement de choses… Parfois, la prise de décision peut prendre cinq minutes. Cinq minutes pourquoi ? A la base on veut vérifier un touché dans l’embut, et de là on remonte avant le touché dans l’embut pour voir s’il n’y a pas un en-avant. On va remonter jusqu’où comme cela ? Il faut être persuadé que la vidéo est là pour aider l’arbitre dans sa prise de décision, mais elle ne va pas tout résoudre. Le jugement, même si c’est grâce à un outil technologique, restera un jugement humain. Dans l’interprétation d’une image, ça peut être plus ou moins subjectif. Il y a parfois des angles de vue différents avec des images moins nettes. Donc il y a des cas compliqués. Mais il y a un effort qui a été demandé aux arbitres afin de réduire l’arbitrage vidéo. Lors d’un de ses matches, Romain Poite a d’ailleurs pris la décision de ne pas faire appel à la vidéo car il savait que la vidéo n’allait pas l’aider dans sa prise de décision, et c’est une bonne application. »

Pour conclure, Joël Dumé a affirmé que l’arbitre qui dirigera la finale du Top 14 n’a pas encore été désigné. Extrait:

« Aujourd’hui, il est trop tôt pour le dire car il reste quatre journées décisives. Mais les désignations vont dépendre de ces quatre journées cruciales. Nous avons une short-list de huit noms sur dix-huit. La décision n’est pas prise pour le moment. »