Censée incarner le respect et la reconnaissance envers les arbitres, la haie d’honneur voulue par la Ligue nationale de rugby (LNR) ne fait clairement pas l’unanimité… surtout chez ceux à qui elle est destinée.

L’annonce avait fait sourire : la Ligue Nationale de Rugby souhaite qu’une haie d’honneur soit formée par les joueurs pour accueillir les arbitres, lors de chaque match de Top 14 et de Pro D2.

Trois semaines après l’annonce de cette nouvelle tradition protocolaire, les réactions des anciens arbitres internationaux sont sans appel.

« On n’est pas du tout à l’origine de ça. Ce n’est pas qu’on est plutôt défavorable, c’est qu’on est complètement défavorable ! », lâche l’ex-arbitre Mathieu Raynal via Midi Olympique. Le ton est donné.

La démarche, présentée comme une manière de « valoriser l’avant-match » et de « marquer le respect envers les arbitres », est perçue par les principaux intéressés comme déplacée, voire gênante. « Pour vivre heureux, vivons cachés. D’autant plus pour nous arbitres, la mise en lumière ne nous intéresse pas », insiste Nicolas Datas-Tapie, également maire de Tournay. « Souvent, le meilleur arbitre est celui dont on ne parle pas. »

Ce rejet va au-delà des personnalités les plus exposées. L’ensemble de la communauté arbitrale, selon les deux anciens officiels, se montre réfractaire. « Ils ne veulent pas de ça, ce n’est pas leur place et ils ne se sentent pas à l’aise là-dedans », résume Raynal. « On préfère être considéré pour le travail qu’on fait, nos échanges, nos performances… Ils n’ont pas besoin de ça. »

Autre reproche : une absence totale de concertation. « Nous n’avons même pas été mis au courant de tout ça ni en amont ni dans les discussions de la Ligue. Si on m’avait posé la question, j’aurais immédiatement dit non », regrette Datas-Tapie.

Ce manque de dialogue nourrit un sentiment d’hypocrisie. « Commençons déjà par arrêter les critiques que l’on entend des uns et des autres. À la rigueur, la symbolique serait de nous applaudir à la fin du match. Mais ça ne se fera jamais et c’est normal car il y a un gagnant et un perdant. Dans tous les cas, on n’en voudrait pas. »

Face à ces critiques, la Ligue tente de se justifier. Un membre du comité directeur assure que « tout a été fait dans les règles ». « Quelqu’un l’a proposé en bureau, on l’a décidé, et le comité directeur l’a validé. Peut-être qu’on aurait dû les sonder… »

Enfin, le côté peu naturel de la scène fait tiquer jusque dans son exécution. « Avoir les joueurs se faisant face en train d’applaudir, juste avant le coup d’envoi… Je ne sais pas. Ça reste du rugby, non ? », conclut Datas-Tapie, un brin désabusé.