L’épisode n’a pas été refermé au coup de sifflet final. Plusieurs jours après le derby disputé à Jean-Bouin, la controverse née de chants jugés déplacés continue d’agiter le rugby parisien. Mais cette fois, la réponse ne vient ni des instances ni des clubs : elle émane directement des tribunes.

Deux associations de supporters, l’une rattachée au Stade Français, l’autre proche du Racing 92, ont choisi de sortir du silence. Le Virage des Dieux et Génération Yves-du-Manoir, accompagnés de la Fédération Française des Supporters de Rugby, ont publié un communiqué commun pour dénoncer certaines dérives observées lors de la rencontre.

Intitulé « Le rugby est une fête », le texte se veut moins accusateur que pédagogique. Les signataires rappellent que l’ovalie s’est historiquement construite comme un espace de convivialité, « une fête ouverte à tous », loin des antagonismes exacerbés. Or, selon eux, des comportements récents témoignent d’un glissement préoccupant : gestes agressifs, attitudes provocatrices et chants injurieux ne relèvent plus du folklore des tribunes.

La frontière entre chambrage et dérapage est clairement posée. « Exprimer sa détestation par des chants et des gestes obscènes, c’est exprimer de la haine », écrivent les représentants des supporters, qui refusent de banaliser ces comportements sous couvert de rivalité sportive.

La prise de position est d’autant plus forte qu’elle est signée par Gilles Balsan et Franck Lemann, présidents d’associations affiliées respectivement au Racing 92 et au Stade Français. Tous deux estiment que le débat dépasse largement une polémique médiatique. « Ces personnes n’ont rien à faire dans nos stades. Elles doivent respecter l’esprit du rugby ou rester chez elles », martèle le communiqué.

Les chants entendus à Jean-Bouin, notamment « Tout le monde déteste le Racing ! », sont ainsi pointés comme le symptôme d’une dérive plus large, perçue comme étrangère à la culture rugby.

Pour illustrer leur propos, les auteurs convoquent une référence explicite à Ambroise de Milan : « Si tu es à Rome, vis comme les Romains ». Une manière de rappeler que chaque sport porte ses propres codes, et que ceux du rugby reposent avant tout sur le respect de l’adversaire et la coexistence pacifique des publics.

À travers cette sortie commune, les supporters tentent de reprendre la main sur leur propre image, refusant que quelques excès viennent dénaturer des valeurs qu’ils estiment aujourd’hui fragilisées jusque dans les tribunes.