Les tontons flingueurs s’apprêtent à être flingués. Au moins pour une partie d’entre eux. Ils ne se sont pas donné rendezvous à Montauban, mais à Twickenham. Dans LA cathédrale du rugby. Tant pis si elle sonnera un peu creux. Botha, Bonnaire, Hayman, Williams, Rougerie ou Masoe n’auraient pas dépareillé dans une version « bodybuildée » et moderne du chef-d’oeuvre de Georges Lautner. Comme Ventura ou Blier, les « vieux » toulonnais et clermontois, bientôt rangés, vont se rendre coup pour coup au cours de ce qui sera leur dernier bal.

LA PIQUE DE BOUDJELLAL

D’un côté, l’armada varoise emmenée par le général Laporte et ses mercenaires devenus légendaires, qui veulent, une ultime fois, régner sur l’Europe et la France. L’ultime défi de ces champions en tous genres qui arrêteront leur carrière, ou changeront d’air, au mois de juin. Services rendus. À Toulon, une page de l’histoire va donc se jouer à quelques encablures de là où tout avait commencé. Londres 2012 – Londres 2015. Du « Stoop » à Twickenham. D’une première finale pour où « Bernie » l’alchimiste cherchait encore les moyens d’atteindre la limite du potentiel de son groupe, à celle de samedi qui doit en marquer l’apogée. Passer derrière eux ne sera pas une sinécure et quoi qu’il arrive, on se souviendra longtemps de cette constellation d’étoiles montée par Mourad Boudjellal. Un président qui, fidèle a lui-même, a cherché à piquer ses Tontons Flingueurs dans leurs orgueils, dans une diatribe que n’aurait pas reniée Raoul Volfoni, alias Bernard Blier.

« Il y a ce que la tête veut, et ce que le corps peut… Hayman n’est plus le meilleur pilier droit du monde. Botha et Williams ne sont plus les joueurs de la grande époque, c’est leur dernier tour de piste et il y a des kilomètres au compteur. Il faudra qu’ils mettent un peu d’huile dans leurs rouages. Même Giteau n’est pas à 100 % et peine à retrouver son niveau ». Pourtant ses stars se sont fixé un défi : encore un titre. Pour la gloire. « Et aussi d’éviter un coup de pied au c… de Bakkies. Il nous reste un match pour cela », glissait Ali Williams, à l’issue de la demi-finale remportée face au Leinster. Car Botha, le géant sud-africain, n’a que ça en tête. Et il entend que ce soit la même chose de ses partenaires. « Bakkies ne sourit pas beaucoup depuis la qualification. Il est focalisé là-dessus… » avouait Sébastien Tillous-Borde cette semaine.

CLERMONT OBNUBILÉ PAR L’EUROPE

En face, l’émanation de la multinationale Michelin, et sa génération de perdants magnifiques, toujours dignes et fair-play, ont une occasion unique de faire mentir définitivement l’histoire. Incapables de doubler la mise après le seul titre de champion de France (pour dix finales perdues), ils sont toujours en course pour le doublé. Au pied de l’Everest, l’ASMCA semble armé comme jamais pour le gravir. Les « survivants » et « coupables » dixit Vern Cotter de 2013, Parra, James, jurent avoir compris la leçon. Contrairement à Dublin, Clermont se focalise uniquement sur Twickenham, quitte à délaisser le Top 14. Parce qu’il, il s’agit pour deux monuments du rugby français, Rougerie et Bonnaire une deleurs derniers graals. Un match comme une apothéose, c’est juste cequ’il faut pour magnifier un événement et transcender tout un collectif. « Des mecs comme ça, on n’en croise pas tous les jours dans une carrière. Quand on cite les stars d’un club, on a souvent en tête des Néo- Zélandais ou des Australiens. Pas chez nous», affirmait récemment le talonneur, Benjamin Kayser, admiratif de ses glorieux partenaires.Samedi soir peu avant 20 heures, certains sentiront péniblement lepoids des années, alors que les autres malgré leur arthrose et la fatigue n’auront aucun mal à danser toute la nuit.

Source: Midi Olympique