Mathieu Bastareaud : « Je chialais dans l’avion, je regardais sur le téléphone ! »
Mathieu Bastareaud : « Je chialais dans l’avion, je regardais sur le téléphone ! »
Le mercredi 4 juin 2025 à 10:44 par David Demri
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L’ancien joueur emblématique du Rugby Club Toulonnais, Mathieu Bastareaud s’est longuement confié dans le podcast Feedback présenté par Mehdi Mérabet, ancien joueur du RCT.
Au cours de ce long entretien, Mathieu Bastareaud est revenu sur sa carrière sportive.
Il explique avoir évolué tout au long de sa carrière sportive.
Il s’explique. Extrait:
« Au fur et à mesure des années, j’ai évolué. Au début j’étais dans un mon coin, après tu évolues et tu prends de la maturité, de l’expérience. Quand tu deviens un cadre et un leader, les joueurs te regardent et il faut que tu donnes davantage. J’étais un maniaque, j’étais très routinier, j’avais ma petite routine, je pliais mes affaires d’une telle manière… J’écoutais telle musique à tel moment. Quand je descendais du bus j’enlevais le casque pour ressentir l’avenue des légendes à Toulon, puis je remettais une musique pour le vestiaire, juste avant l’échauffement je mettais une autre musique. A un moment donné c’était trop car tu peux te perdre là-dedans.
Au début, j’étais persuadé que c’était cela qui faisait que… Mes premières années à Toulon, j’allais toujours faire ma petite crête dans la basse ville. Une fois j’arrive en retard et il ne pouvait pas me prendre, et je n’étais bien. Je suis arrivé au match et je n’étais pas bien, j’étais dans un mauvais mood. Au final le match s’est bien passé. J’ai rencontré des personnes qui m’ont dit que je me rajoutais de la charge mentale et ça me fatiguait plus qu’autre chose. Il fallait que je sorte de cela. J’ai essayé d’être un peu plus open. On en rigolait la dernière fois avec Delon Armitage : quand on partait en Coupe d’Europe, on partait deux jours avant. Toujours le jeudi soir il y avait un repas à l’extérieur. Mais moi je n’y allais jamais. Je restais dans ma chambre je regardais mes séries, on me rapportait un doggy bag.
J’ai beaucoup observé les anglosaxons. C’est un truc de fou. Au début t’es dans le bus, tu n’a pas un bruit… Quand je suis arrivé à Toulon, avec les mecs qu’il y avait… Il y avait Kefu, musique à fond, il faisait du MMA, il voulait te faire des étranglements, je me demandais ce qu’il faisait ! Puis à un moment, il faut switcher. Et c’est quelque chose qui m’a marqué en arrivant à Toulon. »
Souvent, avant le coup d’envoi d’un match, il était négatif. Extrait:
« Je n’étais pas très confiant avant un match. C’était plus négatif que positif. Ca commençait très négatif. Je ne voulais pas me louper sur certaines choses ni oublier certaines choses. Je regardais autour de moi car j’ai eu la chance de jouer avec de très grands joueurs à Paris ou à Toulon. C’est ce qui me galvanisait. Au fur et à mesure que je marchais vers le tunnel, je m’ouvrais et je redressais les épaules car j’avais plus confiance. »
Désormais, il relativise le rugby. Extrait:
« Quand je vois le monde d’aujourd’hui, je vois ce que veut vraiment dire le mot guerre. Avant, on utilisait des mots un peu trop forts. Au début, tu commences en disant que tu es là pour t’amuser et prendre du plaisir. Mais tu te fais rattraper par la pression, l’enjeu et tout le reste. Tu fais partie d’un show, d’un spectacle, tout est timé. Chacun a son rôle à jouer là-dedans. Certains disent que l’on rentre dans une arène, ce sont des mots forts, mais ce n’est pas vrai. On se connait tous, on se fait le bise avant et après. Pour moi, c’est davantage un défi avec mon vis-à-vis. Tu as un joueur en face de toi et c’est un défi car tu sais que si tu te loupes, il a une chance sur deux de marquer. »
Il se rappelle avoir eu peur de mal faire lors d’un match contre l’Angleterre, en 2013. Extrait:
« Avoir peur ? J’avais surtout la peur de mal faire. J’avais tellement peur de mal faire et de ne pas être au niveau que je me transcendais et ça allait. Quelques fois j’ai voulu analyser mon adversaire direct. Je l’ai fait contre Manu Tuilagi en 2013 et il m’a roulé dessus tout le match ! Ils m’avaient tellement monté la tête en parlant de duel. Donc j’ai regardé ses vidéos. Ca m’a servi à rien et il m’a roulé dessus (rire). Donc non, j’étais plutôt tranquille, je restais dans ma bulle, je lisais mon manga, j’écoutais ma musique, je restais loin de tout cela et garder toutes mon énergie pour le moment où je serais sur le terrain. »
Il raconte ensuite une anecdote sur le management de Bernard Laporte, suite à une défaite concédée sur la pelouse du SU Agen. Extrait:
« Mon premier entraineur étranger était Ewen McKenzie. C’était très participatif. C’était sa méthode. Avec d’autres coaches, on nous donnait le plan de jeu et il fallait l’appliquer. Là, tu voyais les réunions de leaders pour discuter et c’était vraiment deux mondes différents. Maintenant, c’est intégré dans tous les staffs du Top 14. Mais ce sont surtout les joueurs, leur manière de préparer les matches. Quand on est sur le terrain faut être performant mais hors du terrain il faut vivre.
C’est ce qui m’a impressionné quand je suis arrivé à Toulon. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut le faire. Il ne faut pas s’inventer une vie et essayer de le faire. Les premiers déplacements en bus avec Bernard Laporte qui était vraiment à l’ancienne, tu hallucinais ! Il ne comprenait pas ! On avait la musique à fond avant le match, ça jouait, ça gueulait. On avait perdu un match à Agen. On avait été nul, mais next week. On avait fait le retour avec de la musique. Bernard Laporte nous regardait, je le voyais et j’avais l’impression qu’il ne regardait que moi ! Je faisais style que je n’étais pas concerné. Mais quand on arrive à Toulon, il nous a dit qu’il y avait vidéo le lendemain matin à 8h00 et entrainement dans la foulée. Il ne comprenait pas tout cela. On perd à Agen et il se demandait si les mecs s’en foutaient. Les étrangers étaient choqués de la vidéo le lendemain. C’était le choc des cultures. Au final, ça a fait un bon mélange et on a réussi à faire de très belles choses après. »
Il avoue avoir toujours été dans l’excès, lorsqu’il était joueur. Extrait:
« J’aurais dû plus prendre soin de moi. Je fais tout à l’extrême, c’est mon problème. Je suis excessif. Je pense que j’aurais dû prendre soin de moi sur la diététique, la récupération… Mais est-ce que ça aurait été moi ? C’est ça aussi la question. J’ai essayé de le faire mais ce n’était pas moi et j’étais une bombe à retardement car je me frustrais. Je voyais les résultats, ça marchait, mais j’explosais. Faire les efforts ce n’était pas un problème, mais le faire sur de la longue durée, j’explosais à un moment ! »
Il estime ne pas avoir assez profité de certains moments. Extrait:
« Je n’ai pas assez profité. J’ai vécu des choses fortes. Mais quand j’y repense, bien sûr on se dit que c’est exceptionnel. Mais à l’époque, on n’a pas vraiment mesuré ce qu’on réalisait. C’est maintenant, quand on revoit tous les hommages, les films, le livre… On se dit qu’on a fait quelque chose d’exceptionnel. De voir le livre et le film qui est sorti, ça file des frissons. Même moi ça m’a filé les larmes aux yeux. Ce sont des choses… J’aimerai me téléporter pour revivre cela. Ma meilleure période de sportif, c’est d’avoir fait cela avec mes frères. On n’était pas des mercenaires ou un ensemble de joueurs. On s’aimait, on était des frères. Dès qu’on se voit on est très content de se voir et de passer du temps ensemble, on se régale. »
Il raconte ensuite son meilleur souvenir en tant que joueur : le Bouclier de Brennus remporté avec le RCT en 2014. Extrait:
« Mon meilleur souvenir ? C’était le Bouclier de Brennus de 2014. C’est mon plus beau souvenir car c’était mon rêve de gosse. Le gagner à Toulon, c’était la folie. C’est mon plus beau souvenir. Je peux aussi dire que c’est mon pire souvenir car je n’ai pas pu en profiter pleinement. Quand on est appelé en équipe de France, on part le lendemain à cette période. Ca reste ma plus grosse frustration et déception de ne pas avoir pu ramener le Brennus sur la Rade. C’était la Tournée en Australie. Je chialais dans l’avion, je regardais sur le téléphone. On m’a enlevé un truc. C’est mon seul Brennus, ce n’était pas dit que je puisse faire d’autres finales. Quand tu sais qu’après, tu y vas et tu ne joues pas le premier match avec l’équipe de France, tu sais que tu fais une semaine sans jouer, tu peux partir le mardi ou le mercredi. Mais je crois que maintenant ils laissent les mecs pour profiter. Tu te bats toute la saison pour cela et tu n’es pas à un jour près. C’est peut-être le plus beau souvenir d’un joueur, laissons-le profiter. »
En équipe de France, il évoque son premier match avec les Bleus. Extrait:
« Mon plus beau souvenir restera ma première sélection au Stade de France devant ma famille. Voir la fierté dans les yeux de mes parents, de ma famille… Je me souviens d’être entré à l’échauffement et je ne réalisais toujours pas. A un moment je me suis bloqué et j’ai fait « wouaw ». Dans le vestiaire quand tu mets le maillot, tu te dis que ça envoie ! Tu vois Lionel Nallet, Sylvain Marconnet… Je les regardais à la télé ! Et ils m’ont beaucoup donné !
Le pire souvenir c’est le quart de finale de Coupe du monde contre les Blacks en 2015. Tu prends 60 points et des baffes. Pas du tout invités, on passe pour des pinpins. C’est la Coupe du monde, tu dois quitter ton hôtel le lendemain, c’est brutal, tu rentres, t’en as pris 60, c’est la honte ! A l’aéroport tu baisses la tête, ça a été très dur. »
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