Le RCT est devenu le plus gros pourvoyeur de joueurs du quinze de France. Logique pour un club qui domine l’Europe depuis deux ans. Pourtant, ça n’a pas toujours été le cas.

On entend encore Philippe Saint-André soupirer : « On a beaucoup d’étrangers ? Mais les internationaux français ne veulent pas venir chez nous… » Pas à Marcoussis, avec l’équipe de France, dont PSA n’était pas encore le patron. Non, c’était à Toulon, entre 2009 et 2011. L’entraîneur des Bleus y était manager général et pas un de ses joueurs français, ou presque (voir par ailleurs), ne manquait à l’entraînement lors des fenêtres internationales…

Depuis dimanche, PSA est enfermé au Centre national de rugby avec, notamment, sept joueurs toulonnais sur trente : Menini, Chiocci, Guirado, Bruni, Tillous-Borde, Mermoz et Bastareaud. Ils auraient dû être huit si Romain Taofifenua n’avait pas été suspendu. En 2011, Mathieu Bastareaud et Alexis Palisson, recrutés par Saint-André, avaient ouvert la voie. « Mais il faut se souvenir que Bastareaud n’était pas le même joueur qu’aujourd’hui, rappelle Mourad Boudjellal. Palisson, c’est le premier international en titre qui nous a rejoints. Puis il y a eu Maxime Mermoz l’année suivante. » Puis Guilhem Guirado cet été. « Le RCT a été critiqué pour son recrutement tourné vers l’étranger, mais il a une nouvelle reconnaissance auprès des joueurs aujourd’hui », explique le talonneur des Bleus.

« Sincèrement, on a désormais beaucoup de joueurs français qui nous approchent, pas en direct mais via leur agent », explique Bernard Laporte, manager du RCT. « Quand on perd les deux finales en 2012, en Top 14 et Challenge européen, on a commencé à sentir un frémissement, puis vraiment après avoir gagné la Coupe d’Europe en 2013, raconte Mourad Boudjellal. Maintenant, les joueurs français viennent ici pour gagner des titres. C’est totalement nouveau. Ce qui est marrant c’est que, pour les transferts, quand on veut un joueur à l’étranger, on passe devant tout le monde. En France, on a réussi à le faire un peu aussi. » Outre la possibilité de gonfler un palmarès et rejoindre ou retrouver les Bleus, les joueurs trouvent un argument massif : le modèle RCT dure, finalement. « Mourad a créé une véritable économie, qui ne dépend pas d’un milliardaire. Ça donne une certaine assurance aux Français », croit Bernard Laporte.

LAPORTE ATTIRE AUSSI BEAUCOUP DE JOUEURS

Boudjellal ajoute : « N’oublions pas qu’à Toulon il y a un type qui a dirigé l’équipe de France pendant huit ans. Beaucoup de mecs viennent pour être entraînés par Bernard Laporte, ils le disent lors des négociations. C’est un gage pour grandir. » Pour pousser, le RCT a d’abord semé étranger, lorsque Boudjellal a racheté le club, en 2006 : « Au départ, on a recruté beaucoup de stars étrangères (Umaga, Cohen, Gregan, Matfield). On a créé une mixité entre elles et le centre de formation. Ça nous a coûté de l’argent car, à l’époque, on avait une notion du haut niveau chez les gamins qui n’est pas la même qu’aujourd’hui. Il y a beaucoup de jeunes joueurs qu’on a fait signer trois ou quatre ans en se disant : “ceux là, c’est du très haut niveau.” Sauf que c’était être capable de jouer le maintien en Top 14… »

Mais les jeunes Toulonnais ont appris, beaucoup. « Quand on est champions de France et d’Europe, en concurrence avec des joueurs de classe mondiale, on progresse vite et on a le potentiel pour jouer en équipe de France, comme Chiocci et Bruni aujourd’hui », estime PSA. « On est obligé de s’élever quand on joue avec des joueurs de classe mondiale, embraie Virgile Bruni. Ils ont tout gagné, veulent encore gagner, ne lâchent jamais le bout de gras. Pourquoi, nous, aurions-nous le droit de lâcher ? »

Ce troisième-ligne sort d’un centre de formation dont Yoann Maestri, aujourd’hui joueur toulousain mais varois de naissance, dit : « Il y a une grande qualité de la formation, dès l’école de rugby et chez les jeunes. Chiocci et Bruni illustrent cette réussite. Mais il y a toujours eu une excellente formation (Delaigue, Gérard, Califano, Mignoni, Dominici…). »Maestri souligne « la place qu’occupe le RCT en haut de l’affiche et qui permet à des jeunes de jouer des matches importants avec des joueurs clés ». Et Mourad Boudjellal d’insister :« Nos stars étrangères ont amené des résultats, mais aussi une certaine rigueur dans la préparation, l’engagement, la diététique. Un garçon comme Sébastien Tillous-Borde, qui n’était plus en équipe de France à son arrivée (2011), a beaucoup appris de Jonny Wilkinson. Il est à un niveau bien supérieur. Xavier Chiocci, sur chaque mêlée, il y a un peu d’Andrew Sheridan… Chez Virgile Bruni, il y a l’ombre de quelques grands troisième-ligne étrangers de Toulon… Et Romain Taofifenua aura bientôt quelque chose de Bakkies Botha… » Sarcastique, il glisse : « Comme quoi nos étrangers auront apporté quelque chose… »

Source: lequipe.fr