Nigel Owens sans langue de bois sur les tactiques inventées par les Springboks : « Si c’était moi l’arbitre, franchement, ce serait une décision assez simple ! »
Nigel Owens sans langue de bois sur les tactiques inventées par les Springboks : « Si c’était moi l’arbitre, franchement, ce serait une décision assez simple ! »
Le vendredi 18 juillet 2025 à 13:54 par David Demri
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Victoire fleuve (45-0) des Springboks à Port Elizabeth, le 12 juillet. Sur le papier, une rencontre de préparation sans relief. Dans les faits, un match devenu viral : Rassie Erasmus y a dégainé deux séquences aussi déroutantes que discutées — un renvoi volontairement court avec hors‑jeu orchestré pour provoquer mêlée, puis un « ascenseur » façon touche… en plein jeu.
De quoi faire réagir l’ancien arbitre international Gallois Nigel Owens dans l’émission Whistle Watch diffusée sur World Rugby.
Nigel Owens : l’arbitrage moderne, « hyper technique »
L’ancien arbitre gallois, retraité depuis 2020 après 100 tests, a regardé tout ça de près. Son verdict mêle amusement, respect et avertissement. « Je pense pas que je pourrais arbitrer le rugby tel qu’il est aujourd’hui. C’est devenu hyper technique », lance-t-il d’entrée.
Face aux innovations d’Erasmus, Owens salue le flair… et la difficulté pour les arbitres : « Rassie, c’est un gars malin, non ? Il connaît toutes les ficelles. Il joue avec les limites, toujours à la frontière des règles… Mais oui, le jeu est vraiment très technique en ce moment. Trouver le bon équilibre, c’est pas simple. C’est même super dur de savoir quand siffler, quand laisser jouer. »
Et de rappeler l’impact des décisions : « Si t’arrives à trouver ce juste milieu, tu peux vraiment contribuer à un grand match de rugby. Mais si tu te rates, dans un sens ou dans l’autre, ça peut complètement gâcher ce qui aurait pu être un super match. »
Le renvoi « piégé » : hors‑jeu volontaire ou coup de génie ?
La première séquence polémique : Libbok tape un renvoi manifestement trop court, des coéquipiers se trouvent volontairement devant le ballon, André Esterhuizen se met hors‑jeu… tout ça pour forcer l’arbitre à revenir à une mêlée, secteur où les Boks dominent. Owens met le doigt sur le point clé : « Le mot-clé, je pense, c’est « volontaire » ».
Il détaille la jurisprudence : « Normalement, dans ce genre de situation, si un joueur est devant au moment du coup d’envoi, on considère qu’il est hors-jeu, et on revient à une mêlée. La raison, c’est que le coup de pied part généralement sur dix, quinze, vingt mètres, donc même si un joueur est un peu devant et court après le ballon, son impact est souvent minime, voire nul. »
Là, tout était calculé : « Mais là, c’est pas ça qu’on a vu. Là, ça semblait volontaire. C’était une manœuvre, un choix délibéré pour obtenir une mêlée. Et derrière, provoquer une pénalité à partir de cette mêlée. Donc dans ce cas-là, si c’était moi l’arbitre, franchement, ce serait une décision assez simple : pour moi, c’est pénalité. Parce que c’est pas juste un joueur légèrement devant, c’est une action construite, assumée. »
Comment trancher ? L’arbitre reste seul maître
Owens reconnaît que la frontière n’est pas toujours nette. « Et franchement, c’est quasiment impossible à trancher dans certains cas », admet-il, avant de rappeler le principe fondamental : « Mais pour moi, ce qui compte toujours, c’est que l’arbitre est seul juge, sur le terrain, à la fois des faits et de la règle. »
Tout dépend alors du ressenti en direct : « S’il sent que le joueur essaye de le piéger, que le geste ne colle pas à l’esprit du jeu, qu’il y a un manque de fair-play… alors il peut tout à fait siffler pénalité. Même s’il ne peut pas prouver à 100 % que c’est délibéré, il a cette possibilité. Mais c’est difficile à juger. Si t’es pas sûr, tu considères que c’est accidentel et tu optes pour la mêlée. Mais si tu te dis “non, là c’est clair, c’est fait exprès”, alors tu peux aller au bout de ta décision. »
L’« ascenseur » en plein champ : légal… mais dans l’esprit ?
Deuxième innovation : un joueur sud‑africain soulevé comme en touche pour sécuriser la réception d’un renvoi et déclencher un maul générateur de fautes. Geste spectaculaire, reproduit deux fois, et — pour l’instant — dans les clous. Owens clarifie : « Une touche ne peut avoir lieu que si le ballon sort ou est lancé. Donc là, on n’est pas dans une vraie touche. Mais ce qu’on voit, ça y ressemble : des joueurs qui soulèvent un coéquipier pour capter le ballon sur le coup d’envoi ».
Rien d’illégal à ce stade : « Faire ça, lever un joueur pour qu’il attrape un renvoi, c’est totalement autorisé. On le voit à chaque match, c’est dans les règles, rien à dire là-dessus. Donc la vraie question, c’est pas si c’est légal ou pas, mais plutôt : est-ce que c’est dans l’esprit du jeu ? Est-ce que ça crée un déséquilibre ou un avantage injuste ? »
La contrainte pour la défense est réelle : « Parce que quand un joueur est en l’air comme ça, les défenseurs ne peuvent rien faire. Ils n’ont pas le droit d’aller jouer le ballon avant qu’il l’ait attrapé, ils ne peuvent pas le toucher pendant qu’il est en l’air, et ils n’ont pas non plus le droit de s’en prendre aux joueurs qui le soutiennent. »
Résultat : temps gagné et initiative conservée. « Donc pendant toute cette phase, l’équipe adverse est contrainte d’attendre que le joueur redescende avant de pouvoir intervenir. C’est une stratégie bien pensée, très tactique. Certains trouvent ça malin, d’autres trouvent que c’est limite. Tout dépend de ce qu’on considère comme acceptable ou pas dans le jeu. »
Sécurité, toujours : « Et puis il y a la question du danger. Est-ce que ce genre d’action pourrait pousser un défenseur à tenter de faire tomber un joueur en l’air ? Et là, on entre dans une autre dimension, avec un vrai risque. Mais pour l’instant, tant que le joueur est levé et redescend tout de suite après, cette action reste légale. »
Saison encore longue pour les Boks
Ce test n’était que l’amorce d’un programme chargé pour l’Afrique du Sud : encore huit confrontations internationales d’ici la fin de l’année, avec notamment un rendez‑vous le 19 juillet face à la Géorgie, puis un déplacement automnal le 15 novembre contre l’Italie à Turin, qui marquera leur troisième duel de la saison avec la sélection de Gonzalo Quesada.
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