Paul Boudehent : « Si l’on arrive à être champions cette année, au moins, personne ne pourra dire que l’on a triché ! »

Paul Boudehent : « Si l’on arrive à être champions cette année, au moins, personne ne pourra dire que l’on a triché ! »

5 avril 2024 - 9:33

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Si le Stade Rochelais semble au pied d’une montagne dans sa quête d’une troisième étoile consécutive, avec ce déplacement très délicat en Afrique du Sud en huitième (Stormers-La Rochelle, samedi, 16h) avant un éventuel remake de la dernière finale face au Leinster, Paul Boudehent se montre très excité par le challenge. Le troisième ligne international (11 sélections avec le XV de France) prend la direction du Cap ce mardi dans la peau d’un double tenant du titre, il se confie à RMC Sport.

Vous étiez déjà du premier voyage au Cap en décembre (défaite 21-20 en phase de poules face aux Stormers), Paul. Qu’en avez-vous retenu pour préparer ce 8e de finale?

Le gros point positif, c’est que l’on ne va pas redécouvrir le stade, la ville, l’atmosphère, le climat, etc. Ça ne nous avait pas choqués parce qu’on s’y attendait mais quand on passe de 0°C ici – avec la pluie le vent, la tempête quasiment tous les jours – à là-bas où il fait quasiment 30° en plein cagnard… Sur le terrain, ça nous avait fait un peu mal. Ce qu’on a appris depuis, du coup ? On est capables de faire mieux ! Si je parle uniquement rugby, si on veut se donner une chance de gagner, il faut faire moins de fautes, être beaucoup plus rigoureux sur la discipline.

Crucifiée sur la sirène par une transformation du champion du monde Manie Libbok, La Rochelle était passée à un cheveu de devenir la première équipe française à s’imposer sur le sol sud-africain…

C’est un peu le double objectif: gagner là-bas pour continuer l’aventure et gagner en Afrique du Sud pour ouvrir le compteur pour les clubs français. C’est aussi un levier de motivation. Les Sud-africains seraient fiers de gagner en France et, nous, de gagner chez eux. C’est de bonne guerre.

Cette défaite en poules n’est pas sans rappeler le quart de finale de la Coupe du monde France – Afrique du Sud…

[Il coupe] Evidemment, on perd d’un point…

Au-delà de ça et de la présence de certains Boks en face, cette semaine-là, les Rochelais mondialistes avec les Bleus – vous comme Uini Atonio, Pierre Bourgarit, Jonathan Danty, Antoine Hastoy et Reda Wardi – avaient été accueillis au DHL Stadium avec le replay du quart diffusé sur tous les écrans…

[Il sourit] C’est ça! Je ne veux pas recréer de polémique. Bon, ça fait partie du folklore, on va dire.  Ce n’est pas une motivation en plus mais…  On sait quels sont nos objectifs, on veut continuer l’aventure. Pour être champions, il faut gagner toutes les équipes d’Europe et celles d’Afrique du Sud, maintenant. Ça fait partie du challenge.

Ce parcours du combattant qui vous attend à l’extérieur – avec en point d’orgue ces éventuelles retrouvailles face au Leinster, à Dublin, au tour suivant – ne rendrait-il pas encore plus belle, le cas échéant, une troisième étoile?

Là, c’est sûr que…Les années précédentes, on avait eu un parcours plutôt favorable car on avait terminé en haut de tableau, à chaque fois, dans les poules. Cette année, on est un peu plus en difficulté. Je vous rejoins, si l’on arrive à être champions cette année, au moins, personne ne pourra dire que l’on a triché ! (rires) On a affronté de très belles équipes, en poules. Notre calendrier ne s’annonce pas simple. Mais bon…

Que vous inspire justement le fait de retrouver en 8e de finale, et quoi qu’il arrive en quart (Leinster ou Leicester), des équipes déjà affrontées en phase de poules?

Ça n’engage que moi, c’est mon point de vue : je trouve ça nul! (rires) Nul dans le sens où le charme de la Champions Cup, c’est de jouer des équipes différentes, d’aller jouer dans des stades différents. Là, on retourne jouer aux Stormers et, si l’on gagne, on risque de jouer au Leinster. Il n’y a pas trop de nouveautés, quoi.

Votre quart de finale pourrait être le remake exact de la dernière finale…

Ça fait remonter des souvenirs ! Ce sera une motivation supplémentaire de leur côté. La victoire était de notre côté ce jour-là (26-27). Après, c’est le passé… Ce n’est pas parce que l’on a gagné la dernière fois que l’on regagnera là. Tout reste à faire.

La perspective d’un nouveau duel entre La Rochelle et le Leinster fait en tout cas saliver tout le monde…

Tout le monde! Après, si tu gagnes là-bas, c’est excitant de te dire que tu as encore un nouvel objectif, derrière. On en parlait, le chemin est beau. On veut se donner toutes les chances d’y arriver mais, avant de rêver au Leinster là-bas, il faut d’abord gagner en Afrique du Sud. On en parle mais l’état d’esprit de tout le monde est rivé sur les Stormers. On ne veut certainement pas griller les étapes, on ne se proclame surtout pas vainqueurs, déjà, en Afrique du Sud.

En cette saison particulière où, jusqu’ici, vous et vos partenaires en Bleu avez passé davantage de temps avec le XV de France qu’en club depuis l’été 2023, parvenez-vous à vous faire une « vraie » idée du niveau de cette équipe rochelaise cette saison, de ce qu’elle a dans le ventre, de sa marge de progression pour aller chasser les trophées?

Même si l’on a loupé des matchs et des semaines d’entraînement cette saison, on connait les gars et le staff, on sait de quoi on est capables. C’est sûr que tout ne s’est pas passé exactement comme on le voulait pour l’instant mais, à l’image de nos deniers matchs contre le Stade Français (23-3) et Clermont (42-3), on sait que l’on est capables du meilleur aussi. Il faut juste se le mettre en tête et se donner tous les moyens, nous, les joueurs. Parce que le staff fait bien son travail. Il faut mettre tous les ingrédients sur la table et se convaincre que l’on est capables de le faire.

« Les Bleus ? Il y a eu la Coupe du monde et le VI Nations mais j’ai eu de la chance, il faut l’admettre. Les deux fois, j’ai bénéficié de la blessure d’Anthony Jelonch, je ne me voile pas la face non plus […] Maintenant, je ne veux plus laisser ma place, forcément (rires). »

A l’aube de la dernière ligne droite en club et en cette saison particulière de Coupe du monde, un international peut-il être à 100% de ses capacités, physiques comme mentales, après tant d’émotions, de sollicitations, de voyages… de désillusions, parfois? La bascule peut paraître « brutale » vue de l’extérieur…

On n’est jamais vraiment à 100%, au rugby, malheureusement. Je vais plus parler de détermination. Tout le monde est vraiment déterminé à faire une belle prestation contre les Stormers, là-bas ! Maintenant, si tu veux te trouver des excuses, tu t’en trouves. Si tu veux trouver les opportunités, tu peux te dire que ça change du quotidien, ça casse la routine (ces deux longues parenthèses avec le XV de France, ndlr). Moi, en tout cas, j’ai vécu plein de choses que je n’ai pas l’habitude de vivre. C’est bien, justement. On n’a pas l’impression d’être là tous les jours et de répéter tout le temps les mêmes choses.

Réalisez-vous vos douze derniers mois, Paul ? En avril 2023, vous sembliez encore bien loin du wagon bleu. Vous étiez même remplaçant lors des matchs éliminatoires avec La Rochelle. Et puis il y a eu cette fin de saison tonitruante, en troisième ligne, aux côtés d’Alldritt et Botia…

[Il sourit] C’est vrai que depuis un an, jour pour jour, il s’en est passé, des belles choses. Je suis super content. Ce que je me dis, c’est que, déjà, si je n’avais pas des coéquipiers comme ça en club, rien de tout cela n’aurait été possible. Merci à eux. Il y a eu la Coupe du monde et le VI Nations mais j’ai eu de la chance, il faut l’admettre. Les deux fois, j’ai bénéficié de la blessure d’Anthony Jelonch, je ne me voile pas la face non plus. Rien n’est acquis. Ce n’est pas parce que j’y étais que j’y retournerai. Maintenant, je ne veux plus laisser ma place, forcément (rires). Mais je réalise qu’il y a eu un concours de circonstances, aussi.

Certes. Mais, mine de rien, alors que le vivier en troisième-ligne n’a jamais semblé aussi riche en France, vous affichez désormais 11 sélections nationales…

C’est allé vite! Une année de Coupe de monde, il y a plus de matchs, le nombre de sélections va plus vite. Il faut que je continue de travailler. J’ai encore beaucoup de choses à améliorer. L’avantage, c’est que j’ai tiré de l’expérience.

Le staff du XV de France vous a-t-il défini des axes de progression en particulier?

Oui, mais indirectement. J’ai plus pris conscience que le niveau international est un niveau encore au-dessus. Même si je pense que certains matchs en club sont très proches du niveau international. Voire à hauteur. Je pense à la finale de Champions Cup de l’année dernière (Leinster-La Rochelle). C’était plus une prise de conscience. Il y a encore beaucoup d’étapes.

Vous semblez avoir franchi un palier en termes de régularité de vos performances…

C’est possible. Je laisse cette analyse-là aux autres. Mais ce n’est pas parce que je l’ai fait que je le referais. Je continue de travailler, je m’accroche.

Le sélectionneur Fabien Galthié répète à l’envi vouloir amener la quasi-totalité du groupe actuel des Bleus à la Coupe du monde 2027 en Australie. Est-ce rassurant quand on est concerné ? Cela met-il une pression particulière?

J’ai entendu ça. Sincèrement, je ne me focalise pas du tout là-dessus. C’est un souhait pour lui mais – et c’est vrai pour moi comme pour d’autres –, si demain des joueurs méritent leur place malgré leur absence du groupe, ils participeront à cette Coupe du monde.

Vous êtes bien placé pour le savoir…

Je suis arrivé au dernier moment. J’ai eu LA grosse opportunité de pouvoir participer. J’ai tout passé, je pense, sur le fil du rasoir. Si Fabien veut garder toute l’équipe, ça m’arrange (rires) mais je ne suis pas du tout dans la position où je me dis que j’ai ma place, où je me repose sur mes lauriers.

Quid enfin de la digestion du mondial 2023 et de cette élimination en ¼ de finale ? Le staff a clairement dit que le groupe n’avait pas fait le deuil avant d’être largement dominé par l’Irlande (17-38) en ouverture du dernier VI Nations…

Comme on a mal démarré le Tournoi…Quand tu perds, tu remets un peu tout en question. On a mal démarré mais on le finit très bien. J’aurai tendance à dire que la fin du Tournoi nous permet de dire qu’on a tourné la page. Après… Est-ce qu’on l’a digérée, cette Coupe du monde ? Oui et non. Il fallait laisser un peu de temps à l’équipe, que l’on repasse du temps ensemble, que l’on revive une nouvelle aventure pour passer à autre chose. Même si on n’en a pas vraiment parlé. La séparation a été brutale. Il fallait vivre autre chose, c’est fait. Maintenant, je pense qu’on est repartis pour vivre de belles aventures ensemble. On est grands, on est capables de tourner la page.

Via RMC Sport

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