Devenir la voix du rugby sur une grande chaîne nationale, c’est accepter que chaque match devienne un examen public. Depuis un an, Stefan Etcheverry en fait l’expérience.

À l’approche de France–Australie (21h10), l’exposition est à son maximum… et TF1 monte clairement au créneau pour défendre son commentateur.

Ces derniers mois, les critiques ont changé de tonalité : après avoir été jugé trop enthousiaste, Etcheverry serait désormais trop calme. Sur les réseaux, les avis fusent… mais certains de ses soutiens ne laissent pas passer.

Vincent Moscato, lui, appelle au calme via L’équipe :

« C’est vrai qu’il ne parle pas très fort, on dirait qu’il est un peu timoré. Mais il débute à ce poste sur l’équipe de France ». Puis il défend un homme qu’il respecte : « un mec plutôt bonnard, qui connaît le rugby. Le duo avec Thomas Lombard dirigeant d’un club de Top 14 et donc au coeur de l’actualité, fonctionne plutôt bien. Il faut que les mecs arrêtent de critiquer les gonzes. Tout va bien, le match, on le voit, et je les trouve plutôt bons. Sur TF1, de toute façon, tu te fais tailler. Quand tu t’exposes, tu morfles un peu, cela m’arrive aussi parfois avec mon émission. C’est sûr que s’il commentait sur « Télé Mes ronflettes », personne ne l’emmerderait parce que personne ne regarderait. »

Etcheverry, lui, sait qu’il sera écouté par plusieurs millions de Français. Il reconnaît suivre les réactions :

« On en parle un petit peu avec Thomas Lombard, mais on veut rester très sereins et ne pas être gagnés par la fébrilité de l’effet de loupe. Peu de monde, beaucoup de bruit. »

Ce qui l’agace, en revanche, ce sont les attaques personnelles :

« S’il y avait des dizaines et des dizaines de messages qui nous interpellaient sur le fait qu’on entend trop le consultant, pas assez le journaliste, qu’il y a des problèmes de son, on serait ouverts à la critique. Mais je me rends compte qu’une très forte majorité des messages ne sont pas trop argumentés, beaucoup sur le ressenti, la subjectivité.

Les messages plus personnels qui attaquent ma légitimité dans le milieu et mon intégrité professionnelle, ça, je ne peux pas l’accepter. Ma légitimité ne peut pas être remise en cause, de par mon passé professionnel et de par ma vie d’aujourd’hui, conditionnée par l’amour de ce jeu et de ce sport. Je suis au quotidien dans le rugby, je suis président de club (à Clamart), je vais à Marcoussis comme sur les terrains de rugby amateurs. »

Même constat chez Frédéric Viard (beIN Sports), qui ne comprend pas ces attaques :

« Même s’il n’était pas mon ami, je trouverais injuste de remettre en cause sa connaissance du rugby. Il est amoureux et connaisseur, il n’y a pas le moindre doute. Il subit le fait de commenter sur TF1, qui n’est pas assimilée à une chaîne rugby. Quel que soit le journaliste ou le consultant, il se fait attaquer.

Thomas Lombard a commenté des années sur Canal+, Etché aussi, et ils ne prenaient pas de tirs. Là, ils y ont droit. La seule qui ne subit jamais cela, c’est Isabelle Ithurburu. Elle a une superbe image, méritée, qui ne bouge pas, peu importe la chaîne. »

À TF1, le directeur des sports, Julien Millereux, assume la pédagogie :

« Satisfaire quelques dizaines de milliers de fans hardcore de rugby, quand on rassemble 6 ou 7 millions de téléspectateurs sur certains matches, c’est compliqué. Mais les chiffres, c’est objectif, et s’ils viennent aussi nombreux, c’est qu’ils passent un bon moment à l’antenne. Après, il y a toujours un petit groupe de personnes prêt à remettre en cause la légitimité du commentateur du rugby chez un diffuseur historique comme nous.

Thierry Gilardi, alors qu’il était vice-président du Stade Français et une référence, a aussi connu ces difficultés. Et ensuite Christian Jeanpierre ou François Trillo… Mais on ne le maîtrise pas. Nous, on n’attend pas ces critiques pour se repasser des séquences, voir comment s’améliorer. »

Etcheverry, lui, assume pleinement d’expliquer les règles au grand public :

« 95 % des gens qui nous regardent ne savent pas ce qu’est un renvoi d’en-but. Sur les réseaux sociaux, on se dit « c’est qui ce mec qui explique encore cette règle ? » Moi je suis fier de pouvoir l’expliquer à ces 95 %. »

Millereux valide :

« Il faut prendre du plaisir à évangéliser les gens, à rassembler un maximum, et c’est encore plus vrai sur le rugby, un sport dont les règles sont plus complexes, peut-être moins connues du grand public. Cela peut effectivement déplaire aux experts qui se disent qu’on enfonce des portes ouvertes. Mais on l’assume parce qu’on veut embarquer un maximum de personnes. »

Avec plus de matchs des Bleus sur TF1 jusqu’en 2029, Etcheverry voit ce rôle sur la durée :

« Le rugby sur TF1, ce n’est pas le coup d’un soir. On n’arrive pas, on ne fait pas le match et on repart. C’est un travail continu, de personnalités qui se construisent. Il faut créer du lien avec le public, les téléspectateurs. »

Et Viard conclut avec humour :

« À partir de l’an prochain, il y aura plus de matches de l’équipe de France sur TF1 que sur France Télé. Les gens vont s’habituer, le duo va s’installer. Tout le monde va se rendre compte qu’il commente très bien, qu’il connaît ce sport et apporte sa sympathie à l’antenne. Je ne suis pas inquiet sur la longueur. S’il était une « quiche lorraine », ça irait bien au-delà de quelques réflexions de mecs sur les réseaux. »