Un protocole va être mis en place en Top 14 et Pro D2 pour détecter les joueurs en souffrance psychologique !
Un protocole va être mis en place en Top 14 et Pro D2 pour détecter les joueurs en souffrance psychologique !
Le mercredi 23 juillet 2025 à 21:45 par David Demri
0 Commentaire
Publicité
Pendant toute la saison 2024-2025, l’association NéoHéros, soutenue par la LNR, est venue parler d’épuisement, de pression, d’addictions, d’après-carrière… et d’écoute, dans les vestiaires des équipes du Top 14 et de la Pro D2.
Le verdict ? Un bilan jugé « positif » — et l’opération repartira la saison prochaine.
Une tournée qui a cloué les joueurs sur leur chaise… et ouvert les consciences
Voir une cinquantaine de pros rester assis près de deux heures pour écouter un psy, c’est rare. Pourtant, l’attention a été totale comme l’explique L’équipe.
Le psychologue Jean‑Luc Douillard n’en revient toujours pas. Il s’est confié via L’équipe :
« J’ai vraiment été surpris par l’accueil des clubs et l’attention des joueurs, ils n’ont pas l’habitude de se poser pour réfléchir à ces thématiques ». Dans un univers où l’on cache souvent ses failles derrière la culture de la dureté, l’écoute était réelle.
Pourquoi ça a pris : un témoin qui parle vrai
La présence de Raphaël Poulain, cofondateur de NéoHéros et ancien ailier star brisé trop tôt par les blessures et la dépression, a joué un rôle clé. Pour beaucoup, cet échange a été « essentiel ».
Comme il le dit lui‑même : « Ce n’est pas de la théorie, le témoignage est essentiel pour appuyer l’expertise, appuie-t-il. Si un psy vient seul face aux joueurs, ça marche moins. »
Mettre les joueurs en situation : et là, tu fais quoi ?
Après le récit, place au miroir. Douillard confronte les groupes à des scénarios concrets :
« Une blessure à 15 jours d’un match de phase finale de Coupe d’Europe, un membre du groupe qui vit quelque chose difficile dans sa vie personnelle… On leur demande ce qui se passe dans leur tête ».
La fête aussi peut fragiliser :
« Un après-Coupe du monde ou un après-Brennus, c’est aussi très difficile à gérer émotionnellement, surtout lorsque l’on est désinhibé par l’euphorie de groupe et l’alcool. Et ce d’autant plus qu’ils ont un devoir d’exemplarité. »
Quand les joueurs s’ouvrent (anonymement)
À la fin de chaque session, chacun glisse un mot sur une fiche bleue anonyme. Et les confidences tombent : blessures, peur de ne pas jouer, famille, alcool, avenir.
Douillard résume :
« Ça va du petit moment de déprime car on ne joue pas à des problèmes familiaux ou extra-familiaux, en passant par le rapport à l’alcool, poursuit le psychologue. C’est très diversifié, et 90 % des joueurs que j’ai eus sont partis rapidement, on leur a donné des clés pour repartir. »
“Ils nous attendaient” : le retour terrain
La nouvelle directrice générale de NéoHéros, Lorraine Lévêque, ex-direction médicale de la LNR, confirme l’attente immense :
« On s’est dit qu’on était au bon endroit, car on a eu des retours hypertouchants et sincères des joueurs, explique Lorraine Lévêque, nouvelle directrice générale de NéoHéros après avoir travaillé à la direction des affaires médicales de la LNR. Ils nous attendaient et nous ont partagé des évènements personnels, en nous disant qu’il était temps d’en parler. »
Elle se souvient aussi du signal d’alarme lancé côté joueurs, notamment par Romain Ntamack en 2024 : « rien ne [soit] mis en place ».
À son arrivée, le constat était minimal :
« Quand je suis arrivée, en février 2024, seule une ligne téléphonique pour les joueurs existait, retrace Lorraine Lévêque, également présente sur la tournée. Je me suis dit qu’il y avait sûrement un sujet. »
Après les commotions, la santé mentale devient un dossier prioritaire
Pour Bernard Dufour, qui a succédé à Max Lafargue à la commission médicale, un drame a tout accéléré :
« Le déclic avait été la mort de Kelly Meafua, joueur de Montauban (tué en mai 2022 après avoir sauté depuis un pont en sortie de boîte de nuit, en ayant consommé de la cocaïne et de l’alcool), retrace son successeur Bernard Dufour. On a alors voulu prendre les choses en main comme nous l’avions fait pour les commotions, car ce n’est pas un problème exclusif au rugby (la santé mentale fait figure de « Grande cause » du gouvernement Bayrou), mais on veut agir pour avoir une utilité en termes de santé publique. »
Un dépistage organisé va se généraliser
Dès la prochaine saison, tous les staffs médicaux des clubs pros recevront une formation pour conduire des entretiens ciblés. Et le questionnaire international SMHAT‑1 (outil CIO d’évaluation de la santé mentale des athlètes) sera administré chaque année.
Objectif, selon Dufour : « Le but est de détecter des personnes en souffrance pour les orienter vers des professionnels et, en parallèle, de faire un état des lieux pour se comparer aux autres sports, pour voir si le rugby est générateur de problèmes de santé mentale ».
Et maintenant ? NéoHéros s’agrandit
La tournée sera reconduite. Raphaël Poulain sera rejoint par d’autres anciens pros devenus ambassadeurs : Rodrigo Capo Ortega, Jean‑Marc Doussain… Et l’association regarde déjà plus loin que le rugby : multisports, entreprise, prévention grand public.
Poulain résume son ambition : « NéoHéros est à la santé mentale ce que les Restos du Coeur sont à la précarité ».
Publicité
0 Commentaire