Il a illuminé Mayol une dernière fois. En inscrivant un essai d’anthologie contre Bordeaux-Bègles dimanche soir, Jiuta Wainiqolo a rappelé à tous pourquoi son départ du RC Toulon à la fin de la saison laisse un goût amer.

Slalomant entre six défenseurs comme un funambule sous pression, l’ailier fidjien a signé une action d’éclat, saluée par tout le stade.

Dans les tribunes, l’émotion est partagée. Sur le terrain, le talent brut s’exprime sans fioriture. À 26 ans, l’ancien champion olympique de rugby à 7 (Tokyo 2021) laissera derrière lui bien plus que ses 34 essais inscrits sous les couleurs varoises. Il laisse un vide, une aura, une énergie solaire qui débordait sur et en dehors du terrain.

Son compatriote et capitaine, Waisea Nayacalevu, ne tarit pas d’éloges.

Il s’est confié via L’équipe. Extrait:

« On est croyants, tout ce qu’on accomplit, notre pouvoir sur les choses on sait c’est à Dieu qu’on les doit. Plutôt que de se gonfler d’ego, on se doit d’être humbles et reconnaissants envers le créateur. Jiuta, lui, il se crée des opportunités à partir de rien grâce à sa capacité de réaliser des crochets sans décélérer. Il fait ça depuis tout petit aux Fidji, où il jouait au foot. Et puis il a cette faculté visuelle hors norme pour estimer la vitesse de ses opposants et adapter ses trajectoires en conséquence. Ça le rend létal dans les défenses. »

Pourtant, malgré ses exploits, Wainiqolo ne sera pas conservé. Il rejoindra Lyon dès le 1er juillet.

Une décision qui interroge jusque dans le vestiaire, où Marius Domon confie :

« Jiuta possède un instinct incroyable. Quand tu joues face à lui à l’entraînement, il faut être plusieurs pour le défendre. En un-contre-un, c’est tellement difficile, il arrive toujours à se sortir de situations compliquées. ça fait bizarre de le perdre à la fin de la saison. »

D’autant que l’homme a encore prouvé son importance dimanche en renversant la dynamique du match, ramenant Toulon au score à deux reprises grâce à ses fulgurances.

Si les supporters sont nombreux à regretter ce départ, la concurrence à son poste a souvent relégué Wainiqolo au second plan. Derrière les Gabin Villière, Gaël Dréan ou encore Setariki Tuicuvu, il a vu son temps de jeu s’effriter. Son implication, elle, n’a jamais faibli.

Interrogé en mars sur les raisons de son départ, il avait répondu d’un mot sur un groupe de supporters : « JIFF », laissant entendre que le règlement encadrant les joueurs non issus de la formation française y était pour beaucoup.

Au sein du groupe, Wainiqolo était un moteur de bonne humeur.

Waisea Nayacalevu se demande toujours pourquoi Toulon décidé de laisser filer son compatriote. Extrait:

« J’ignore pourquoi Toulon le laisse partir, mais je sais que Jiuta en a été très affecté, très triste. Il est attaché à Toulon, il est reconnaissant à ce club de lui avoir permis de révéler son talent. C’est là qu’il a démarré sa carrière pro. C’est un mec solaire qui diffuse de bonnes vibrations. Il met les gens à l’aise, s’intègre partout et avec tous. Il montre aussi la voie du travail car bien qu’il soit super talentueux il est très humble et c’est gros bosseur. Je sais qu’il apportera beaucoup de lumière à Lyon. »

Un proche du joueur confirme, via L’équipe, que Jiuta a été très affecté par son avenir. Extrait:

« Il était toujours aussi souriant devant les autres mais parfois lors des repas il avait des absences, on sentait que ça le minait. »

Sa trajectoire a aussi été marquée par des moments d’une grande pudeur. En février 2022, il apprend dans le bus vers Brive que son père est en train de mourir. Il cache ses larmes sous sa casquette, joue le match, marque un essai. Son père décède dans la nuit. « Le coach (Franck Azéma) a pleuré avec moi », avait-il confié.

Après deux jours de voyage pour l’enterrement aux Fidji, il revient dès le lundi suivant à l’entraînement. « Mon père était un travailleur et il m’a transmis ça », avait-il expliqué.

Cette fidélité, cette force intérieure, cette lumière, c’est tout ce que Wainiqolo laisse derrière lui. Et si Mayol a versé une larme dimanche soir, c’est parce qu’il sait qu’on ne remplace pas une âme aussi rare.