Quand Big Ben a sonné 20 heures en Angleterre l’affrontement attendu n’a pas mis quinze secondes à s’embraser. Avec une pluie qui s’est invitée quelques minutes avant le coup d’envoi, ce ciel menaçant sur Londres, le scénario du jeu a été conforté dans les lignes du synopsis annoncé : deux grosses défenses opposées, hermétiques, des chandelles, et des buteurs d’excellence prompts à bonifier chaque pénalité. « On attend les grands joueurs dans les grandes occasions » avait souligné Mourad Boudjellal. Et hier les buteurs mondialistes que sont Dimitri Yachvili et Jonny Wilkinson ont répondu présents. Et se sont rendus la politesse, point par point. Dimitri Yachvili se montrant même un cran au dessus que son homologue dans le jeu au pied d’occupation, variant à merveille les déplacements. Le Yach a brillé sur la pelouse du Stoop. Notamment quand le BO, face au rideau de fer varois, n’arrivait pas à passer la muraille.

Harinordoquy impérial

En fait, avec un vent favorable aux Biarrots en première mi-temps, le jeu s’est plutôt situé sur les 40 mètres toulonnais. L’ailier australien Dane Haylett-Petty (dès la 1re minute) et Julien Peyrelongue (14e) se sont mis au diapason et ont trouvé des touches aux petits oignons. Dans les airs, et notamment sur les touches, Imanol Harinordoquy s’est montré impérial. Mais, las, quelques pénalités concédées en phase offensive ont coûté un meilleur ratio occupation/points. Les Toulonnais, redoutables sur la moindre brèche dans ce premier acte, ont réussi à engranger 9 points grâce à un 3/4 de Jonny Wilkinson (4/4 pour Yachvili à la 36e). Les hommes du président Boudjellal ont résumé leur engagement sur une action dans ce premier acte. Dans cette terrible bataille du milieu de terrain, ils réussissent un déblayage impressionnant (40e), montrant ici leur puissance et toute leur volonté de rapporter un titre à Toulon, 20 ans après. Toulon confirme sa réputation ès ruck.

Deux cartons jaunes

La 46e minute semble être un premier tournant. Alors qu’en première période, l’arbitre Wayne Barnes avait été conciliant avec Palisson pour un plaquage dangereux, le référé anglais va se montrer plus intransigeant avec Carl Hayman pour un placage cathédrale sur Takudwza Ngwneya. Le RCT joue à 14 et le BO reprend les devants (15-12, 47e). Le match reste crispant, haché par les coups de sifflet de l’homme en jaune. Mais le BO semble avoir puisé sa rage dans la douleur d’une saison contrariée. Et à force d’insister, les Toulonnais sont mis à la faute une seconde fois. Armitage est lui aussi écarté 10 minutes pour une faute technique au sol. 18-12, 54e. Pour la première fois de la partie, le BO a six points d’avance. La banda basque résonne. Les « BO, BO » descendent des travées. Marconnet touche un des derniers ballons de sa carrière en bout de ligne d’une touche toulonnaise. Le BO semble avoir le gain à portée. Mais une nouvelle fois sanctionné en mêlée, le BO se fait peur (18-15, 60e). La double supériorité numérique n’a pas été exploitée.

Traille 12 ans après

Dans cette bataille d’Angleterre qui s’est gagnée par le passé dans les airs, Imanol Harinordoquy est une vigie décisive (62e sous une chandelle, 63e en touche). Mais à Toulon, il y a aussi un grand monsieur qui plane : Jonny Wilkinson passe le drop de l’égalisation (18-18, 66e).

La peur de l’emporter semble avoir gagné les deux équipes. Mais la vieille garde biarrote s’engage. Les dernières forces. Il y a d’abord les plaquages coup sur coup de Yachvili sur Wilkinson puis Lapeyre (72e). Puis un geste qu’on appellera d’expérience du demi de mêlée biarrot. Il retient la cheville de Tillous-Borde l’action juste avant celle qui va mener l’énorme Damien Traille à obtenir la pénalité de l’avantage (74e) et la septième réussie par Yachvili. Traille, qui, 12 ans après un premier Challenge gagné avec Pau, peut au bout d’un suspense terrible et d’une dernière séquence toulonnaise lever les bras au ciel.

En s’imposant hier soir, le BO a donc soulagé sa conscience et expié ses péchés, ceux d’une saison qui aurait pu être catastrophique transformée au final en un exercice bénéfique. Biarritz s’est maintenu en Top 14. Biarritz s’est qualifié pour la H Cup. Biarritz a décroché un titre européen. Les Biarrots pourront repartir les compteurs à zéro et entamer alors une treizième campagne européenne en H Cup.

Sud Ouest