Le centre est plus efficace avec Toulon qu’en équipe de France. Et cela dépend beaucoup de la manière dont il est utilisé.

Mathieu Bastareaud est double champion d’Europe en titre avec le RC Toulon. Et champion de France. Lors de ces trois conquêtes, il était titulaire au centre de l’attaque varoise. Et jamais contesté. En équipe de France, il honorera cet après-midi sa 30e sélection. Et ce n’est pas demain la veille qu’il fera l’unanimité. Son match contre l’Écosse, samedi dernier, a hérissé le poil de certains qui le trouvent trop fruste, trop systématique, trop lourd. Pourquoi le « Basta » de Toulon séduit quand celui des Bleus peut agacer ? Et si le RCT utilisait mieux l’homme aux 126 kg que le quinze de France ? C’est avec cette interrogation que nous avons analysé ses statistiques et revu deux de ses matches avec chacune de ces équipes  : France-Écosse 2015 (15-8 et France-Irlande 2014, 20-22 ainsi que les derniers ­Toulon-Clermont (27-19, le 29 novembre) et Toulon­Montpellier (12-16, le 3 janvier).

MOINS EFFICACE EN BLEU

Les stats (*) sur les performances de Bastareaud, depuis le 1er janvier 2014, ne laissent pas de doute : en club, il est plus rayonnant qu’avec les Bleus. Il marque et fait marquer davantage, franchit plus souvent le premier rideau adverse, gagne plus de mètres sur chaque possession, et perd moins de ballons. Évidemment, c’est à pondérer. L’adversité est supérieure lors des tests internationaux, et le quinze de France ne domine pas collectivement comme Toulon. Mais les stats de Basta sont excellentes en Coupe d’Europe, dont le niveau se rapproche de celui des tests…

MIEUX ENTOURÉ à TOULON

Les images expliquent en partie cette différence statistique. En bleu, sur les lancements de jeu, il est souvent envoyé au « front » seul, de manière simpliste, ce qui concentre les adversaires sur lui, l’empêche d’avancer, retarde les libérations de balle (deux fois cinq secondes contre l’Écosse) et facilite, au final, le replacement défensif. Avec Toulon, au contraire, des partenaires font des appels autour de lui. L’incertitude ainsi créée change tout : soit Basta n’a plus qu’un adversaire à battre, il peut plus facilement avancer, et quand il est plaqué, les libérations sont plus rapides (maximum trois secondes contre Clermont) ; soit il fixe plusieurs défenseurs et peut donner le ballon à un partenaire libre avant le contact. Imparable. Signe que le staff tricolore sait que Bastareaud n’est pas utilisé de manière assez variée, il avait dégainé, l’an dernier, contre l’Irlande une combinaison inattendue, où le joueur était servi dans la zone extérieure. Résultat : 40 mètres d’avancée.

DE VRAIS LEURRES AVEC LE RCT

Bastareaud occupe tellement l’esprit des défenseurs qu’il peut ouvrir des espaces sans toucher le ballon, juste par la course. Là aussi, c’est beaucoup plus prégnant avec Toulon qu’en équipe de France. Exemples : sur deux actions extraites de RCT-Clermont, le centre se lance, ­arrête deux défenseurs, et le porteur de balle en profite pour adresser une passe dans son dos à un partenaire démarqué. Effectué près de la défense, dans le bon timing, le « leurre » est parfait. A contrario, contre l’Écosse, les passages à vide de Basta ont été effectués tellement en profondeur, et ses coéquipiers servis étaient si en retrait eux aussi, qu’ils n’ont trompé aucun défenseur. C’est peut-être une question de réglage. Ou de consignes… Mais qu’on aime ou pas son style, il y a mieux à faire avec Mathieu Bastareaud.

Source: lequipe.fr – ALEX BARDOT