Ne vous attendez pas à un stade Marcel-Michelin revanchard ce soir. Toulon a beau revenir sous leurs yeux deux semaines après avoir brisé leur rêve de titre européen à Twickenham (18-24), les supporters de Clermont – qui peut reprendre la tête du Top 14 en cas de victoire – ont fait la part des choses. Vis-à-vis des visiteurs : « On peut leur mettre cinquante billes, ça ne changera rien, le trophée, c’est eux qui l’ont gagné », tranche ainsi Thierry Fraisse, président de l’Interclub des supporters. Mais, une fois n’est pas coutume, c’est aussi à propos de leur propre équipe que les fans des Jaune et Bleu vont calmer le jeu :« On a vu une belle réaction à Grenoble la semaine dernière (37-17), je pense que tout le monde va faire bloc au moins jusqu’aux demi­-finales », prévoit Aurélien Dupuis, membre fondateur des Ultra-Vulcans.

Car, dans les heures qui ont suivi la désillusion en Coupe d’Europe, un phénomène rare en Auvergne s’est produit. Une coulée de colère. La montée d’un ras-le-bol. Ces sentiments se sont déversés d’abord sur les réseaux sociaux. « Le rugby est un sport qui se joue à 15 et à la fin, en finale, c’est l’ASM qui perd… Dépité. Vous tuez notre passion… », avait tweeté Aurélien depuis les tribunes de Twickenham. Quelques jours après, devant un afflux de courriers, c’est le médiateur de la Montagne, le quotidien régional, qui avait consacré une page au « grand blues des supporters de l’ASM ».

LA RÉACTION D’AZÉMA APPRÉCIÉE

Vous entendrez toujours le discours traditionnel qui sied au goût de la discrétion auvergnate et qui ressemble tant à la culture Michelin, sur le thème : « On a toujours le mérite d’arriver en finale, beaucoup d’équipes aimeraient être à notre place. » Mais la jeune génération réclame le droit à la critique. Plus fort que jamais. « Parce qu’on le voit à chaque déplacement, grogne Aurélien. On nous parle de deux choses quand on nous voit, la Yellow Army et les défaites en finale. On aimerait bien qu’on nous parle de titres gagnés, aussi ! »Un seul trône dans le palmarès de l’ASM, le Bouclier de Brennus de 2010, pour douze finales perdues en compétitions majeures, dix en Top 14, deux en Coupe d’Europe. La réputation commence à faire mal. Comme l’injonction habituelle, ensuite, d’encaisser en silence. Aurélien se souvient de s’être fait taper sur les doigts par le club pour quelques banderoles un peu véhémentes déployées à Michelin. Alors, pensez, être remonté publiquement contre les joueurs, après un match raté…

C’est là où beaucoup de supporters se sont sentis confortés par les paroles de Franck Azéma. « J’aurais préféré rentrer sous les sifflets plutôt que sous une haie d’honneur à l’aéroport de Londres. Il y a des moments où il faut dire les choses. On ne méritait pas de gagner cette finale, donc on ne méritait pas d’être applaudis », s’est insurgé l’entraîneur sur France 3 Auvergne, deux jours après le match.

« On était contents qu’Azéma rentre dans la gueule de ses joueurs, s’en réjouit Aurélien. On n’avait pas l’habitude ! Ça change du discours d’avant… » Les plus optimistes y décèlent un possible changement de culture. La possibilité de pouvoir titiller leurs idoles, autant que de leur manifester leur amour. Bousculer un certain confort. Insuffler une réaction. Pour leur inculquer peut-être, enfin, leur haine de la défaite ?

Source: lequipe.fr