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« Le Top 14 actuel n’est pas un bon signal pour les diffuseurs » (Boudjellal)

Trois matches en huit jours (du 31 août au 8 septembre), des clubs à petit budget contraints de remodeler leur équipes avec des doublures et même des Espoirs néophytes à ce niveau de la compétition, des confrontations complètement déséquilibrées et des scores fleuves (Clermont-Bayonne 55-0, RCT-Brive 62-12,…) : sans rien enlever au mérite des joueurs alignés, le Top 14 a sensiblement perdu en intérêt, cette semaine.

Interrogé à ce sujet par La Provence, le président toulonnais, Mourad Boudjellal le déplore.

L.P. : Le Top 14 ne vire-t-il pas au grotesque, cette semaine ?

M.B. : Ce qui est grotesque, c’est d’avoir dit qu’il n’y aura que trois doublons (championnat-matches du XV de France) cette saison et c’est de nous prendre pour des billes. Comment ça s’appelle ce qui s’est passé mercredi ? C’est un doublon (cette semaine, la Ligue a préconisé aux clubs de ne pas aligner un joueur sur l’ensemble des trois matches concernés, NDLR). Et comment s’appellera la semaine qui précédera le match France-Angleterre du Tournoi des six nations (1er février), période au cours de laquelle les internationaux n’ont pas le droit de jouer en club mais juste le droit d’être payés par leur club ? C’est aussi un doublon. Donc, au total, il y aura cinq doublons. Dès lors, ce qui est grotesque, c’est la façon dont on communique sur le calendrier. Cette saison, on a un championnat à cinq doublons et lors du prochain exercice, on aura un Top 14 à dix-neuf doublons, puisque les internationaux seront autorisés à disputer un maximum de 28 matches, dont 10 avec l’équipe de France et 6 en Coupe d’Europe.

L.P. : Les diffuseurs du Top 14 (Canal + et bientôt BEin Sport ?) vont commencer à s’interroger sur le bien-fondé d’une éventuelle réévaluation des droits télé réclamée par la Ligue nationale de rugby…

M.B. : On a la possibilité de les faire augmenter; j’espère que ce sera le cas. Mais l’organisation du championnat telle qu’elle est n’est pas un bon signal. Quoi qu’il en soit, je note avec amusement que beaucoup de gens s’excitent sur les droits télé, aujourd’hui. Or, cela aurait été bien qu’ils le fassent depuis quelques années afin de créer une économie, améliorer le spectacle et ainsi contribuer à augmenter les droits télé. Mais non, comme d’habitude, ils s’excitent uniquement pour les encaisser.

L.P. : Une semaine comme celle que nous vivons n’est donc pas un bon signal auprès des diffuseurs…

M.B. : Mercredi, on a assisté à une journée de dupes. Pour tout vous dire, depuis que Canal + détient les droits du championnat, c’est peut-être la première fois que le rugby était trop payé en droits télé.

L.P. : Les joueurs ne sont évidemment pas en cause…

M.B. : Ils se sont pleinement investis, comme toujours. Mais quand Brive vient jouer avec une équipe « B », c’est bien; c’est courageux. Ceci étant, on ne vend pas un Top 14 expérimental aux diffuseurs. Après, on nous parle des problèmes de l’équipe de France (la programmation de la 4e journée, ce mercredi, permet d’éviter un doublon, NDLR). Moi, je suis d’accord là-dessus. Mais lorsque j’ai repris le RCT, j’ai récupéré un club pour qu’il gagne le championnat de France et la Coupe d’Europe. Je n’ai pas racheté un club pour que la France remporte la Coupe du monde.

L.P. : Quelles sont donc les solutions pour améliorer la lisibilité et la crédibilité du Top 14 ?

M.B. : Il faut d’abord regarder les choses en face. Avec le XV de France, il y a des matches officiels et des matches amicaux. Concernant la seconde catégorie, il y en a une partie d’utiles et une autre qui l’est uniquement pour que la Fédération française puisse remplir ses caisses. Dès lors, aujourd’hui, le Top 14 souffre de doublons car il passe après les intérêts de l’équipe nationale et que cela permet à la Fédé de se renflouer financièrement à partir de test-matches. Au lieu de ça, pourquoi ne ferait-on pas un doublon avec le XV de France ? Ce serait beaucoup plus utile. Cela permettrait à Philippe Saint-André d’avoir beaucoup plus de joueurs sous la main et ainsi de programmer deux matches dans la même semaine, avec deux équipes remaniées. Les sélectionneurs auraient ainsi l’opportunité de superviser davantage de joueurs, parmi lesquels des talents en devenir. La sélection nationale aurait plus besoin de doublons que les clubs. Maintenant, c’est sûr, ce serait moins bon pour les recettes de la Fédération.

L.P. : Le recours pour améliorer la formule actuelle du championnat ne serait donc pas de réduire, par exemple, le nombre d’équipes et de passer d’un Top 14 à un Top 12…

M.B. : Si on devait passer à un Top 12 ou même à un Top 10 – comme beaucoup le veulent -, comment pourrait-on développer le rugby ? Aujourd’hui, les huit ou dix équipes installées dans le championnat sont toujours les mêmes. La logique qui doit prévaloir et qui servira l’équipe nationale consiste à développer le rugby sur toute la carte de France. Si on privilégie ce projet, il va donc falloir commencer à se serrer pour faire un peu de place pour Lille, Strasbourg, Nantes, Lyon, Marseille,… En fait, les dirigeants les plus inquiets pour le ‘rugby à papa’ sont ceux qui l’ont compris et ceux-là refusent juste de se serrer pour faire de la place.

Laurent BLANCHARD