Bernard Laporte: « Jonny nous a empêché de gagner quatre rencontres »

Bernard Laporte: « Jonny nous a empêché de gagner quatre rencontres »

Le mercredi 4 juin 2014 à 9:44 par David Demri

10 Commentaires

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victoire-toulon-bernard-laporte---jonny-wilkinson-18-05-2013-clermont-auvergne---toulon-finale-heineken-cup-2012-2013--aviva-stadium--dublin-20130521112857-5396Dans les colonnes du Midi Olympique, le manager Toulonnais Bernard Laporte est revenu sur la saison du RCT et les raisons de la réussite du club cette année. Extrait:

Après deux finales perdues, vous décrochez enfin le Bouclier de Brennus avec le RCT…

Et c’est pourtant l’une des saisons les plus difficiles que j’ai eue à gérer. Plus que les deux précédentes, avec une avalanche de blessés. Avec six avants champions d’Europe sur le carreau, il fallait reconstruire tout un paquet d’avants. J’ai dû lancer, contraint et forcé, pas mal de jeunes dans le grand bain. Certains sont passés devant les titulaires. Et finalement on s’en sort. Du coup au printemps, je retrouve un groupe au complet mis à part Chris Masoe, avec énormément de fraîcheur notamment au plan mental. C’est sans doute ce qui nous avait fait défaut les années précédentes. Aux entraînements, ces derniers temps, je n’avais pas eu l’impression d’être en fin de saison. Plutôt au mois d’août. Tout le monde cherchait à gagner sa place. Ce fut du pur bonheur d’entraîner dans ces conditions.

Avez-vous toujours cru que vous seriez capable de revenir en finale dans les deux compétitions, et cette fois faire le doublé ?

Franchement, non. Au soir de Grenoble, je pensais que c’était terminé. Surtout que trois semaines après, on perd lamentablement à Brive. Nous avons fait un mois de janvier catastrophique. Mais bon, une saison c’est long… Après, je le répète, certains jeunes ont pris leur destin en main, des joueurs que l’on n’attendait pas et qui ont porté littéralement l’équipe à bout de bras.

Qui ?

Virgile Bruni m’a surpris. Je me suis trompé sur lui au moment de son faux départ vers Perpignan. Il a grandi et progressé. Il a profité de la petite faille qu’il a sentie pour s’imposer. On l’a mis car on était presque obligé, il n’y avait plus personne. Et il a pris une autre dimension, comme Mikautadze. Ils ont su grappiller du temps de jeu. Sincèrement, ce groupe est extraordinaire. En quatre mois, il a su relever la tête pour se construire une belle histoire. Le match de Biarritz, à Mayol, est déterminant ainsi dans notre saison. On gagne dans les derniers instants, dans la douleur, sans véritable pilier droit, sans nos internationaux… Ce jour-là, nous avons fait preuve d’une grande solidarité. Cela a été le ciment de notre fin de saison. D’ailleurs depuis, nous n’avons perdu qu’une seule fois à Clermont, un match plutôt bon de notre part. À Clermont, c’est là aussi que Juan Smith a retrouvé littéralement son niveau de 2007.

Recruter Juan Smith était un sacré pari, non?

Quand quelqu’un comme Bakkies Botha te dit que tu peux prendre Juan Smith, qu’il va revenir à son plus haut niveau car il s’en donne les moyens, tu le crois. Bakkies a été déterminant dans ce pari. C’est aussi ça le rugby pro, tenter des paris. Juan est aujourd’hui monstrueux. Il est notre meilleur plaqueur. Drew Mitchell compte dans votre réussite, même s’il a mis quelques mois à trouver la bonne carburation..Vous oubliez qu’il sortait du Super 15, qui est une tout autre compétition. Regardez, dans tous les clubs, les recrues du Sud mettent toujours du temps à se formater aux exigences particulières du Top 14. Tous sans exception.

Quand le doublé n’est-il plus devenu impossible à réaliser ?

Celui qui dit que c’est impossible est un con ! La preuve… Rien n’est impossible à partir du moment où c’est faisable. Que ce soit dur, très dur, oui. Mais vous ne pouvez pas dire impossible. Derrière nous, quelqu’un le refera, dans un an, dix ou cent ans, je ne sais pas mais quelqu’un le fera. Nous, au départ, nous ne pensions ni au Top 14, ni à la Coupe d’Europe. Mais en février, il y a eu une vraie montée en puissance. La peur de tout perdre et ma suspension nous ont fait un bien énorme. Les joueurs se sont aussi sentis attaqués. Cela a participé à souder le groupe ; et dans mon management, avec le staff, nous avons trouvé la bonne formule.

Est-ce la plus belle équipe que vous avez entraînée ?

Sur le papier, incontestablement même si je n’aime pas les comparaisons. Ce que j’aime dans ce groupe c’est la simplicité qui se dégage de son fonctionnement et des rapports que nous avons. Pourtant Botha, Fernandez Lobbe, Wilkison, Hayman ou même Michalak ont des pedigrees hors du commun. Cette équipe est excitante, et c’est d’abord parce que les mecs sont bons rugbystiquement. 

Vous avez personnellement évolué, en procédant à plus de roulements. En changeant les compositions même quand ça gagnait.

Parce que les jeunes nous ont amené une profondeur de banc. Cette année, les postes étaient réellement doublés. Prenons la première ligne : Chiocci – Menini cela se vaut, tout comme Burden-Orioli ou encore Hayman – Castrogiovanni. « Castro » n’était pas là l’an dernier et s’il n’a pas fait que des grands matchs, il en a réussi quelques-uns. Du coup, le groupe a tourné jusqu’aux phases finales où l’on a pu faire du coaching tactique. En deuxième ligne, en fonction de nos adversaires, nous avons aligné une fois Suta, une fois Rossouw et une fois Williams. Suta, il a tenu la baraque durant six mois et, aujourd’hui, il est titulaire au même titre que Botha ou Williams.

Pourquoi vous priver de la polyvalence de Michalak sur le banc ?

Mais c’est logique ! D’abord parce que je ne me voyais pas me priver de Jonny Wilkinson pour ces rencontres. Et ensuite parce que, pour moi, Frédéric n’est plus polyvalent. Nous nous en sommes d’ailleurs expliqués. Il est ouvreur 10 et seulement ouvreur au RCT. La polyvalence le dessert et il en souffre. Lui, il est tout et rien. Mais je conçois que ces dernières semaines ont été difficiles à vivre pour lui… Il a pourtant été exemplaire. 

Sauf que le RCT a semblé mieux jouer avec Michalak ou Giteau à l’ouverture qu’avec Wilkinson cette saison ?

Et je rajouterai que Jonny nous a empêché de gagner quatre rencontres. À Toulouse, à Castres, à Oyonnax et à Grenoble. C’est qu’il est comme tout le monde : il fait aussi des matchs moyens, parfois. 

Pendant les phases finales, il a été royal… 

(il s’emporte, N.D.L.R.). Parlons-en de ces phases finales. Je suis foncièrement contre ! Supprimons-les, elles ne servent à rien et sont dépassées. Le rugby est devenu un spectacle et il faut qu’à chaque rencontre, les clubs puissent être à 100 %. Quand tu luttes pendant dix mois de compétition, rajouter des dates est surhumain. Allez, évoluons avec notre époque… Quand je jouais, huit équipes sur les dix de la poule étaient qualifiées. La défaite n’était pas importante et il fallait être en forme pour les 16es de finale, c’est là que tout commençait. Maintenant, le championnat se joue dès la première journée. Le rugby a besoin de sang neuf.

Ce sera un de vos chantiers de la campagne pour la présidence FFR, si vous maintenez votre désir d’être candidat…

Je suis déterminé à me présenter, réellement !

Qu’est-ce qui vous motive ?

Nicolas Sarkozy a été le premier à me le dire. « Bernard, il faut que tu prennes ta Fédération. Tu aimes trop ça, tu pourrais apporter
quelque chose à ton sport. » L’idée germait petit à petit mais je n’osais pas me déclarer, et puis quand j’ai été suspendu par la commission d’appel de la FFR, qui a alourdi la sanction prononcée en première instance, je me suis décidé. Moi, je suis un enfant de la maison FFR. J’ai entraîné pendant huit ans le XV de France, gagné un Tournoi des 6 Nations sur deux, remporté deux grands chelems. J’aurai aimé un peu plus de reconnaissance. Pas que l’on m’accueille pour mon retour à Marcoussis comme un condamné !

Pensez-vous pouvoir gagner ?

Je pars dans l’idée d’y arriver. Je suis déterminé et j’irai jusqu’au bout. Le combat s’annonce très dur mais je crois en mes idées.

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10 Commentaires

  1. JCL 4 juin 2014 at 09h- Répondre

    Bah les phases finales pourquoi pas, mais alors tout comme les 3è et 4è reçoivent leur quart, les 1er et second devraient recevoir les demies. Ca aiderait vachement et éviterait des demies débiles à l’autre bout de la France de surcroit. Les demies devraient se jouer chez les 1er et second, c’est clair. Ce serait le compromis si on garde ce système de Play off.

    Bon sinon Bernard, j’aurais aimé que le public t’ovationne un peu plus sur la place de la Liberté. Tu le mérite LARGEMENT. T’ES AU TOP. Et tu formes avec MB une paire extraordinaire.
    Bonne continuation !!!

    • eric.7283 4 juin 2014 at 10h- Répondre

      Pour moi je l avais déjà écrit a un moment…
      Mais si on veut conserver les phases finale alors le mieux est de qualifié direct en finale le 1er. Ce qui me semble d une évidence que le 1er puisse être certain de jouer le titre.
      Après alors il faut juste faire une 1/2 chez le second qui lui aussi doit avoir un avantage au mérite sur le 3e.
      Et donc une finale au SDF qui opposera 1er contre 2e/3e… Et au moins le classement donne une prime au mérite très importante.
      Et dans le pire des cas… Le champion aura quand fini 3e…. C est largement mieux que de voir un 6e champion.
      😉

      • Matt Gâteux 4 juin 2014 at 11h- Répondre

        Eric, on est d’accord, à défaut de sacrer le 1er de la régulière, protégeons-le.

        Pour en revenir à Laporte, sa gestion de l’effectif en phases finales – et même depuis le match à Bayonne – a été remarquable. Pourvu qu’il en tire des enseignements pour la saison prochaine, notamment les compos pour les déplacements traquenards (priorité aux sans grades et/ou crève la dalle, bien préparés, bien briefés).
        Il a très bien géré le volet affectif; départs des capitaines et de ce bon vieux Danie. Rien à redire.

        Sa remarque sur les ratés de Jonny me dérange – Dav a eu tort d’en faire son titre, la tentation du sensationnel sans doute – on ne stigmatise pas un buteur, jamais, Jonny encore moins.

        Dernière chose, le bémol de sa saison est incontestablement la perte de notre prépa’ en chef, Steve Walsh. Autant il a défendu, à juste titre, Delmas autant il a été odieux avec les préparateurs. Pourtant Tous les observateurs louent pourtant la condition physique de nos guerriers; l’excellent Murray Kinsella, journaliste rugby irlandais, avide de notre championnat, va jusqu’à dire que c’est l’équipe de clubs la plus puissante jamais vue ! Walshy y est probablement pour quelque chose. Certains joueurs (Carl pour ne citer que lui) l’ont d’ailleurs en travers de la gorge :-/

  2. JCL 4 juin 2014 at 10h- Répondre

    Et oui, le tournant, c’est à Mayol face au B.O

  3. vicenzo 4 juin 2014 at 10h- Répondre

    Le débat sur les phases finales est très complexe car d’un autre côté ça rapporte de l’argent au club, c’est une fête incroyable entre supporters où il y a une atmosphère nulle part ailleurs. Après, ça rajoute des matchs et le vainqueur de la Finale n’est pas forcement celui qui a dominé la saison (Co l’année dernière). Je préférerai que l’on supprime les tests de Juin qui ne passionnent personne. Si on supprime les phases finales, je veux bien a la limite que l’on fasse une coupe de France et qie l’on passe a un Top 12 mais sinon non.

  4. la rafale 4 juin 2014 at 10h- Répondre

    L’exploit de Laporte est de fédérer une équipe de Star, peu d’entraineurs sont capables de ça. Et ce sera dur de trouver un entraineur équivalent quand il arrêtera.
    Après sur les choix sportifs tout au long de la saison et le niveau de jeu jusqu’en février y a à dire.
    Bernie à du mal à intégrer des jeunes, il le fait quand il est contraint et forcé.
    Mourad l’abonnement il te le fait payer pour des matches d’Août à Mai, pas pour un championnat de février à Avril.

    • Matt Gâteux 4 juin 2014 at 11h- Répondre

      Eric, on est d’accord, à défaut de sacrer le 1er de la régulière, protégeons-le.

      Pour en revenir à Laporte, sa gestion de l’effectif en phases finales – et même depuis le match à Bayonne – a été remarquable. Pourvu qu’il en tire des enseignements pour la saison prochaine, notamment les compos pour les déplacements traquenards (priorité aux sans grades et/ou crève la dalle, bien préparés, bien briefés).
      Il a très bien géré le volet affectif; départs des capitaines et de ce bon vieux Danie. Rien à redire.

      Sa remarque sur les ratés de Jonny me dérange – Dav a eu tort d’en faire son titre, la tentation du sensationnel sans doute – on ne stigmatise pas un buteur, jamais, Jonny encore moins.

      Dernière chose, le bémol de sa saison est incontestablement la perte de notre prépa’ en chef, Steve Walsh. Autant il a défendu, à juste titre, Delmas autant il a été odieux avec les préparateurs. Pourtant Tous les observateurs louent pourtant la condition physique de nos guerriers; l’excellent Murray Kinsella, journaliste rugby irlandais, avide de notre championnat, va jusqu’à dire que c’est l’équipe de clubs la plus puissante jamais vue ! Walshy y est probablement pour quelque chose. Certains joueurs (Carl pour ne citer que lui) l’ont d’ailleurs en travers de la gorge :-/

  5. chepa 4 juin 2014 at 12h- Répondre

    Et oui mais Wilko fait gagner toutes les finales. Wilko n’est pas qu’un buteur et c’est bien qu’il soit humain. Au fait Michalak nous a pas fait perdre contre le stade français Laporte? et Giteau a dit lui même que l’interception est de sa faute contre Grenoble; c’est lui qui a appelé le ballon, alors on se calme. Un butteur ne fait jamais perdre une équipe et un butteur ne peut pas être toujours à 100%. Quand à la défaite contre Toulouse, M. Bernard LAPORTE, on ne titularise pas quelqu’un qui se marie le lendemain et qui ne devait pas être sur la feuille de match (Mermoz malade) et Michalak on ne sort pas au milieu du match en prétextant un mal d’épaule qui s’est révélé bénin. Ce jour là vous avez fait beaucoup de mal à Jonny l’homme et sans doute à sa femme dont vous avez dû gâcher au moins la soirée avant mariage. Perso, qu’il est craqué ce jour là est un plus du personnage et de son humanité mais son déplacement qui plus est en tant que remplaçant est pour moi un manque d’humanité; Jonny devait rester à Toulon ce jour là si B.L l’avait considéré en tant qu’être humain.

    • Matt Gâteux 4 juin 2014 at 12h- Répondre

      juste pour dire que personne n’a passé de pénalité contre la Tramontane ce jour-là, pas même les Toulousains qui jouaient dans leur antre.

  6. San Nari 4 juin 2014 at 22h- Répondre

    On a quand même évité de peu la mascarade avec un 6ème du championnat qui finissait champion de France… Arrêtons ces phases finales ou revenons au moins à une formule moins « bizness » avec le 1er contre le 2ème, une finale et point final…