Lors d’une longue conférence de presse mercredi matin au centre d’entraînement de Berg, le président du Rugby Club Toulonnais, Mourad Boudjellal a présenté son programme de candidat à la présidence de la Ligue Nationale de Rugby.

Le Blog vous propose de découvrir l’ensemble des idées de Mourad Boudjellal qui pourraient permettre au rugby français d’évoluer. Le patron du RCT a précisé que l’intégralité de son programme était axé autour de la formation et de l’équipe de France.

1/ Transparence des comptes de la LNR et développement de la marque Top 14

« Je suis pour une transparence totale. On reçoit un bilan trois jours avant l’assemblée générale avec très peu de comptes détaillés. J’estime que les 30 actionnaires doivent recevoir les comptes détaillés de la Ligue sur tous les postes. Aujourd’hui, quand un partenaire signe à la Ligue, on a des obligations d’affichage, mais on ne sait jamais pour quelle somme. Il y a une grosse amélioration à avoir au sein des partenariats de la Ligue Nationale de Rugby puisque si on voit le pourcentage d’augmentation du partenariat dans les clubs et à la Ligue Nationale de Rugby, c’est un peu humiliant pour eux. Tous les clubs ont multiplié par deux, trois ou quatre leurs partenariats depuis quelques années alors qu’à la Ligue ça stagne. J’en conclu qu’ils vendent assez mal le produit rugby. Une de mes premières mesures sera d’ailleurs de développer cela. Il faudra également arrêter de faire exploiter la marque rugby et Top 14 par des tas de gens, soit des anciens joueurs, soit des gens en parallèle au rugby. La marque Top 14 est magnifique et je ne comprends pas pourquoi la Ligue ne l’a pas développée à travers des boutiques et des produits. Il y a une très belle marque à développer autour du Top 14 qui est synonyme de rugby, et qui permettrait d’aider quelques clubs en difficultés. Si je suis élu, je m’engage à envoyer aux clubs tous les comptes détaillés de la Ligue, même les notes de frais. »

2/ La création d’une Coupe de France avec des clubs de Top 14, Pro D2 et Fédérale 1

« Je veux également créer une Coupe de France sur cinq dates. Il y aura 32 équipes et les cinq dates sont identifiées dans le calendrier. Il n’y aura pas de joueurs étrangers et pas d’internationaux sur la liste des 30 joueurs par équipe. Il y aura uniquement des joueurs français. Il y a aura 14 équipes de Pro D2 qui reçoivent 14 clubs de Top 14 et deux équipes de Fédérale 1 qui reçoivent deux équipes de Pro D2. Il y aura donc les seizièmes, les huitièmes, les quarts, les demies et la finale. Les recettes seront mutualisées et il y aura une très forte valorisation des droits télé pour les demi-finalistes et les finalistes pour que cette Coupe ait un intérêt. Si cette Coupe a un intérêt pour tout le monde, chaque club aura l’obligation d’avoir des joueurs français à tous les postes. On nous dit qu’il manque des joueurs français à certains postes. Ça me semble donc être une bonne idée et ça fera un spectacle assez intéressant. Puis ce sera amusant de jouer uniquement avec des joueurs français, ça nous permettra de comparer la valeur de tous les clubs. »

3/ La création d’un groupement de formateurs étrangers pour aider les clubs français

« Je suis aussi pour l’apport d’intelligences extérieures. Sur la formation française, il y a une bagarre entre des tas de personnes et on s’est loupé. A l’instar du football Belge qui avait fait appel à beaucoup d’intelligences étrangères, je pense qu’aujourd’hui, on ne doit pas avoir honte de créer un groupement de formateurs étrangers qui vont aller de club en club. Ce pourrait être des Néo-Zélandais, des Sud-Africains  ou des Australiens. Ils distilleront leur savoir. La France arrive généralement à récupérer le meilleur et à le bonifier. Je pense que ça ne fera pas de mal à la formation française d’aller chercher des idées ailleurs et de faire appel à de l’aide extérieure pendant un temps donné. Je pense qu’on a pris beaucoup de retard. Quand je vois un joueur formé par les Néo-Zélandais, on voit rapidement via sa gestuelle et à sa technique que ce n’est pas du tout la même qualité de formation qu’un joueur français. Ça n’a vraiment rien à voir et j’ai donc envie que l’on s’inspire de cela. »

4/ Une association entre la France et l’Angleterre pour faire pression à la World Rugby

« Je veux créer un axe franco-anglais. Aujourd’hui, il y a seulement deux pays dans le monde qui ont des clubs: la France et l’Angleterre. Ce sont les deux puissances économiques du rugby et elles n’ont jamais été invitées à l’élaboration du calendrier international par la World Rugby. Je pense que ce serait important que la France et l’Angleterre s’associent avec un représentant chacun pour faire pression auprès des nations, de façon à pouvoir enfin exercer un pouvoir de pression sur l’élaboration du calendrier international, dont nous sommes totalement exclus. »

5/ Les supporters et la Fédérale 1 inclus dans l’assemblée des présidents

« Je souhaite que dans l’assemblée des présidents, on puisse intégrer deux présidents de clubs de Fédérale 1 et deux responsables d’associations de supporters qui pourraient changer tous les ans. On a eu trop tendance à traiter les supporters comme des clients depuis plusieurs années. Les supporters sont des acteurs majeurs du rugby. Il y a des sujets sur lesquels ils ont totalement été mis à l’écart comme par exemple les horaires des matches et les jours de matches. Il y a des sujets sur lesquels les supporters doivent être entendus et consultés. Lors des réunions de présidents, beaucoup de choses sont dites dans le monde professionnel et elles peuvent aussi bénéficier au monde amateur, donc ce serait bien d’avoir deux présidents de Fédérale 1 qui n’auront pas le droit de vote mais qui pourront participer au débat et informer chacun sur ce qui a été mis en place. »

6/ La mutualisation des charges des clubs du Top 14 et de la Pro D2

« Je souhaite que l’on mutualise les charges. Rendez-vous compte que tous les clubs de Top 14 et de Pro D2 achètent des hôtels, des avions et des hospitalités de manière séparée. On achète tous du champagne, des boissons, des repas et multipliés par 30 ça fait de belles sommes. Personne à la Ligue n’a jamais pensé à créer une centrale d’achat, ce qui favoriserait tout le monde puisque les prix baisseraient et ça pourrait permettre d’avoir de l’échange en offrant de la visibilité. Je ne sais pas pourquoi personne n’a encore pensé à mutualiser les charges des clubs. On pourrait avoir un transporteur officiel du Top 14 et de la Pro D2, un hébergeur officiel du Top 14 et de la Pro D2. Ça ferait immédiatement une économie importante dans le budget des clubs. »

7/ Le renforcement de l’arbitrage 

« Concernant l’arbitrage: je suis pour un renforcement de l’arbitrage. Je veux débloquer un million d’euros sur les droits télé pour les arbitres. A ceux qui disent que ce n’est pas parce qu’on est payé mieux qu’on arbitre mieux, je dis simplement que c’est quand on paie mieux qu’on a des gens plus compétents et de meilleur niveau qui viennent se présenter. En fonction du poste que l’on recrute et on fonction du CV, on n’a pas les mêmes salaires et les mêmes compétences. On pourra alors exiger plus des arbitres. A partir du moment où quelqu’un est très bien payé, vous pouvez augmenter votre niveau d’exigence. C’est parfois difficile avec certains arbitres sur lesquels on gueule et qui ne sont pas professionnels, que d’arbitrer des garçons qui gagnent 30 ou 40 000 euros par mois quand eux gagnent 700 euros. C’est difficile de leur en demander plus. Je pense que l’on doit travailler en équipe avec toujours les mêmes associations d’arbitres, comme pour les joueurs. Je suis aussi pour que l’arbitre vidéo puisse intervenir pendant le match, non pas pour demander la vidéo, mais il a un confort visuel que n’ont pas les juges de touche ou l’arbitre. Il peut par exemple voir un en-avant que parfois le stade voit mais que l’arbitre ne voit pas car il n’était pas bien placé. Il peut simplement dire à l’oreillette de l’arbitre qu’il y a un en-avant. Il n’y a pas besoin de demander la vidéo puisque lui a vu le jeu. Il a l’avantage d’avoir un confort visuel parfait. Enfin, je pense qu’un match ne peut pas être arbitré par deux arbitres différents comme c’est le cas aujourd’hui lorsqu’il y a une citation que l’arbitre de champ n’a pas vu. C’est à l’arbitre de se positionner et de dire à la Commission de discipline ce qu’il aurait pris comme décision s’il avait vu l’action en direct. Je donne un exemple: le plaquage de Bernard Le Roux en finale du Top 14, j’en ai discuté avec Monsieur Raynal qui m’a dit que s’il avait vu ce plaquage, il n’aurait pas mis de carton. C’est sa décision, donc je ne vois pas pourquoi on cite le joueur et pourquoi il est puni. Après, si l’arbitre dit qu’il aurait mis jaune ou rouge, alors c’est à la commission de discipline de décider de la sanction. »

8/ Le rugby à VII et le rugby féminin

« Je ne suis pas contre le rugby à VII et le rugby féminin. Mais il faut d’abord établir le financement car c’est bien beau de dire que vous allez faire du rugby à VII et du rugby féminin, mais avec quel argent ? Il faut créer un business plan. Concernant le rugby à VII, je ne suis pas sûr que le tennis finance le ping-pong pour se développer. Ce sont deux sports différents, comme le rugby à VII et le rugby à XV. Je ne suis pas convaincu par le rugby à VII et par les charges que ça peut générer et les produits que ça peut générer dans un club. Je suis davantage convaincu par le rugby féminin. »

9/ Renégocier les droits télé de la Coupe d’Europe

« Je veux également renégocier les droits télé de la Coupe d’Europe qui ont été suicidaires. Aujourd’hui, on a des audiences qui sont faméliques. C’est juste une honte pour la Coupe d’Europe. Je ne comprends pas que l’on n’ai pas pensé quand on a négocié avec BeIn Sports, de se battre pour qu’un match lors de chaque journée soit diffusé en clair. Ça aurait permis de récupérer un peu d’audience. Je ne comprends pas pourquoi on n’y a pas pensé. C’est une faute professionnelle. Aujourd’hui, on a des audiences faméliques. A part le match de France 2, les audiences sont catastrophiques et ça ne peut pas durer comme cela pour la Coupe d’Europe. »

10/ Les clubs visiteurs toucheront 10% de la billetterie

« Je veux aussi intéresser les clubs visiteurs aux recettes notamment lors des délocalisations et lorsqu’une équipe fait tourner. J’estime que le club qui est reçu doit percevoir 10% de la recette. Ça ne pénalise personne puisqu’il les reversera aussi. Ça me semble normal qu’il y ait un peu de méritocratie à ce sujet. Peut-être qu’il y aura également moins d’impasses puisque les clubs qui se déplaceront lors des délocalisations auront envie que la recette soit la plus importante possible pour toucher un bon 10%. On a vu quelques fois des présidents qui s’amusaient à annoncer très vite lors d’un match important délocalisé, qu’ils allaient faire méchamment tourner. Généralement, quand on fait cela, c’est pour abîmer la recette billetterie. »

11/ Révision de l’attribution des droits télé

« Concernant les droits télé, les clubs qui sont à l’origine de l’augmentation des droits télé sont actuellement les plus pénalisés à cause des nouveaux horaires. Aujourd’hui, si vous êtes leader du Top 14, vous touchez 20% de droit de plus que le dernier club de la Pro D2, qui n’est jamais diffusé sur Canal +, au passage. Par contre, ces 20% sont rapidement absorbés par le fait que vous allez jouer le dimanche, le jour où vous devez payer double tout le monde. La Ligue n’a pas tenu compte de cela. Le dimanche vous avez également très peu d’hospitalités et les boutiques sont généralement fermées. Quand vous jouez le dimanche à 21h00, je ne vous en parle même pas. »

12/ Revaloriser les performances sportives en Top 14 et Pro D2

« Je veux revaloriser la performance sportive. Il faut savoir que si vous êtes champion de France, vous êtes moins rémunérés que si vous descendez en Pro D2. Un champion de France sur l’année dernière va toucher 280 000 euros alors qu’un club relégué en Pro D2 va toucher 500 000 euros. Il faut rappeler que dans les 280 000 euros du champion de France, il y a tous les frais d’organisation de la demie et de la finale à payer, c’est à dire les voyages, les avions, les hôtels, ainsi que les primes des joueurs, alors que je ne suis pas certain qu’il y ait des primes pour descendre en Pro D2. Au moins que le champion de France ait la même valorisation que le club qui descend en Pro D2. Aujourd’hui, le club le mieux géré financièrement est celui qui va descendre en Pro D2, qui va être diffusé sur Rugby + le samedi car il pourra faire de bonnes hospitalités, il ne paiera pas son personnel le double et ses boutiques seront ouvertes, et il touchera 500 000 euros en fin d’année suite à sa relégation. S’il est un peu malin, il remonte l’année d’après et il reprend 500 000 euros. Il fait le yo-yo et c’est le meilleur bilan du club. J’ai déjà eu ce paradoxe: l’année où on a fait le doublé, si on était descendu en Pro D2, on aurait eu un meilleur bilan. Il faut mettre un peu de la méritocratie si on veut que les choses avancent. »

13/ Modifier le CDD sportif du rugbyman

« Je veux parler du CDD sportif, un sujet sur lequel la Ligue ne travaille pas. Le CDD sportif est un problème pour tous les clubs. Dans le monde normal, vous pouvez faire un CDD de 18 mois avec une période d’essai. Dans le monde sportif, vous pouvez faire des CDD de cinq ans sans période d’essai. Ce qui veut dire qu’une fois qu’un joueur a signé un CDD, tous les clubs sont condamnés à le rémunérer jusqu’à la fin de son CDD même s’il s’assoie sur une chaise car il n’a plus envie de jouer. La Ligue n’est pas force de loi, mais elle peut être force de proposition et force d’adaptation. Dans l’intérêt de tous les clubs, on doit pouvoir trouver un compromis pour éviter certaines situations qui sont compliquées entre les joueurs et les clubs. Il faut adapter le CDD sportif au monde du rugby. »

14/ Modifier le système de prêt des joueurs

« Je veux repenser le système de prêt. Je ne comprends pas que l’on ne puisse pas prêter des joueurs sélectionnables et les faire revenir. La seule importance c’est qu’il faut que ces joueurs jouent. Souvent, si on ne les prête pas, c’est qu’on a peur d’en avoir besoin. Si on en a besoin, comment on fait ? Et bien on les rappelle. Ce qui est important c’est que les joueurs jouent. »

15/ Vulgariser les règles du rugby avant chaque rencontre

« Je pense que beaucoup de gens ne viennent pas au rugby car les règles sont compliquées. Je suis pour l’obligation, avant chaque match, d’un clip de 45 secondes ou une minute qui explique qu’avec cinq ou six règles, tout le monde peut suivre un match de rugby. Il y a trop de gens aujourd’hui qui pensent que c’est compliqué, et que le rugby c’est le jeu d’échec à côté du jeu de dames alors que ce n’est pas vrai. Je pense qu’on peut banaliser la compréhension du rugby. »

16/ Pour que les deux premiers du Top 14 accueillent les demi-finales

« Je veux modifier le lieu d’accueil des demi-finales du Top 14 car je trouve anormal que le premier et le deuxième ne puissent pas recevoir. Et je dis cela d’autant plus que je ne suis pas certain que le RCT termine premier ou deuxième cette année. Mais c’est anormal qu’il n’y ait pas de méritocratie dans le Top 14 et qu’il n’y ait pas de prime à terminer premier. L’an passé, Clermont a terminé premier et ils n’ont pas eu un seul avantage à terminer premier, même si je ne dénigre pas le lieu unique pour les demi-finales, surtout que c’est à Marseille cette année. Mais je pense qu’il faut qu’il y ait une véritable bagarre pour éviter de faire tourner, pour que la première et la deuxième place soient une réelle valeur ajoutée pour les clubs qui vont aller se la chercher. »

17/ Modifier le Salary Cap

« Le sujet le plus compliqué, je l’ai gardé pour la fin: c’est le salary cap. Je ne suis pas forcément contre le salary cap, mais je dis qu’économiquement parlant, c’est une farce. Qu’est ce qui est responsable de la hausse des salaires des joueurs ? Ce sont les déficits d’exploitation de certains clubs. On a aujourd’hui quelques clubs qui n’obéissent absolument pas aux règles comptables de l’entreprise. C’est à dire qu’ils peuvent s’offrir des charges sans avoir de produits en face car ça ne les dérange pas. Ils sont capables de perdre plusieurs millions par an. Il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a quelques-uns et il y en aura d’autres. Ces clubs font une course au salaire sans aucune logique économique. Ce sont eux qui sont responsables de la hausse des salaires. Le salary cap ne peut rien endiguer car le salary cap est incontrôlable. Ce que je propose c’est de contrôler les déficits d’exploitation. Le salary cap peut-être conservé, ça ne me dérange pas. Mais ce qui me dérange, c’est que les joueurs formés par un club soient comptabilisés dans le salary cap. Je pense simplement que si les joueurs formés dans un club et sélectionnables en équipe de France qui ne sont pas comptabilisés de l’effectif, ne sont pas comptabilisés dans le salary cap, la seule différence entre tous les clubs qui sont à 10 millions d’euros de masse salariale, la seule différence pourra se faire par la qualité de leur formation. Ce sera donc une raison d’investissement supplémentaire de leur part dans la formation française. Ils pourront se retrouver avec une masse salariale de 15 millions qui sera tout a fait légal car ils ont 5 millions de joueurs sélectionnables avec l’équipe de France qu’ils ont formé dans leur club et qu’ils ne comptent pas dans l’effectif. L’écart se fera donc uniquement sur la formation. Aujourd’hui, l’écart entre les gros se fait uniquement sur la façon de détourner le salary cap. Quand on peut se créer des charges sans avoir de produit, c’est clairement que l’on n’a pas besoin de public et donc pas besoin d’audience. A terme, on pourrait avoir quatorze clubs qui pourraient avoir toutes les charges du monde sans aucun produit, donc sans public et sans audience. On aura donc un Top 14 sans public et sans audience. On ne peut pas faire n’importe quoi. »