La déclaration choc de Damian de Allende : « Je n’ai pas de compassion pour le XV de France »

La déclaration choc de Damian de Allende : « Je n’ai pas de compassion pour le XV de France »

Le jeudi 6 juin 2024 à 17:51 par David Demri

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Dans le dernier épisode de Walk the Talk – diffusé en exclusivité sur RugbyPass TV – le trois-quarts centre des Springboks Damian de Allende (78 sélections) évoque avec Jim Hamilton un certain nombre de sujets : pourquoi il préfère rester discret au Japon, pourquoi il n’a jamais regardé le documentaire Chasing the Sun sur le parcours de l’Afrique du Sud à la Coupe du Monde de Rugby 2019 (trop d’émotion pour lui), il parle de ses partenaires Handre Pollard, Siya Kolisi, Duane Vermeulen, Pieter-Steph du Toit…

Mais un passage du long entretien retient toute l’attention. Le moment où il avoue que le fameux quart de finale contre la France à la Coupe du Monde de Rugby 2023 – qui a brisé les rêves de la France et fait perdre ses nerfs à Antoine Dupont – a été pour lui « le plus difficile ».

Mais aussi, qu’il ne ressent aucune « compassion » pour la défaite infligée aux Bleus et aux français. Pire, cette correction trouve son origine dans l’amertume et le ressentiment, la déception et la colère de tout un pays. Celle d’avoir perdu les droits d’organiser le Mondial 2023…

Petit retour en arrière pour bien comprendre l’origine de l’extrême motivation des Sud-Africains pour ce match du 15 octobre 2023 à 21 h au Stade de France.

On est en 2017, dix ans après le premier sacre des Springboks en France. Au mois de mai de cette année-là, l’Afrique du Sud dépose finalement son dossier de candidature auprès de World Rugby. Un changement de stratégie alors qu’un an auparavant le gouvernement avait gelé toute candidature à l’organisation de compétitions internationales pour inciter les fédérations à intégrer plus de joueurs de couleur dans les équipes nationales. Les Springboks s’étaient conformés à cette nouvelle volonté, ce qui avait débloqué la candidature.

De son côté, la France se prépare depuis déjà deux ans, dès le lancement du processus de candidature, tablant sur son expérience de l’édition 2007, mais aussi ses participations en 1991 et 1999. Emmené par Claude Atcher, véritable gourou de la candidature, et Bernard Laporte, le comité d’organisation France 2023 est prêt à tout pour rafler les votes.

L’Irlande, troisième candidat (l’Italie a alors renoncé), est invitée à présenter son dossier à Londres avec ses deux autres concurrents le 25 septembre 2017.

Plus d’un mois plus tard, le 31 octobre, se basant sur un rapport de 139 pages produit par une vingtaine d’experts indépendants (The Sport Consultancy, Dow Jones Sports Intelligence, International management Group, Marsh Insurance, Clifford Chance et Ernst & Young) qui ont étudié en profondeur les trois candidatures pour déterminer le meilleur dossier, la décision tombe.

« Le conseil d’administration de la Rugby World Cup Limited (RWCL) a recommandé à l’unanimité au Conseil de World Rugby la sélection de l’Afrique du Sud en tant que pays d’accueil de la Coupe du Monde de Rugby 2023 », est-il indiqué dans le communiqué officiel.

« L’évaluation complète et indépendante a réaffirmé que nous avions trois offres exceptionnelles, mais elle a également identifié l’Afrique du Sud comme étant clairement en avance sur plusieurs critères importants, ce qui est soutenu par le conseil d’administration dans sa recommandation », proclame Bill Beaumont, déjà président de World rugby à ce moment-là.

« Je tiens à féliciter l’Afrique du Sud pour sa superbe candidature et toutes les équipes candidates pour leur dévouement et leur professionnalisme tout au long du processus jusqu’à présent. Nos collègues du Conseil de World Rugby se réuniront à Londres le 15 novembre pour examiner la recommandation du conseil d’administration et voter pour désigner l’hôte de la Coupe du monde de rugby 2023. »

Le rapport d’experts a établi une grille de différents critères : 10% de la note de satisfaction sur la vision et les stratégies d’accueil (préférence à la France) / 5% de la note sur la planification, la gestion et le calendrier du tournoi (préférence à l’Afrique du Sud) / 30% de la note sur les sites et villes d’accueil (préférence à l’Afrique du Sud) / 20% de la note sur les infrastructures du tournoi (préférence à l’Afrique du Sud) / 35% de la note sur les aspects financiers, commerciaux et les engagements (préférence à la France).

Au bout du compte, l’Afrique du Sud affiche une note de satisfaction de 78,97% devant la France (75,88%) et l’Irlande (72,25%). D’où la recommandation soumise par le conseil d’administration de la Rugby World Cup Limited.

Un coup dur pour la France qui croyait en ses chances plus que tout. Or, pour le camp français rien n’est joué. Après tout, il ne s’agit que d’une « recommandation ». Le Conseil de World Rugby sera déterminant dans son vote.

Bernard Laporte, alors président de la Fédération Française de Rugby depuis moins d’un an (le dossier avait été préparé par l’ancienne équipe dirigeante menée par Pierre Camou) voit se profiler « une finale entre la France et l’Afrique du Sud. C’est un nouveau match qui commence jusqu’au vote souverain du 15 novembre ». Jamais il n’aurait pensé que cette phrase aurait autant de résonnance jusque six ans plus tard…

S’ensuivent deux semaines de lobbying intense où France 2023 fera tout pour inverser la tendance des votes. En premier lieu, tenter de faire oublier l’affaire dite « Altrad/Laporte » portant sur des soupçons de favoritisme qui vient de naître à la faveur d’un article du JDD de la grande époque. Ensuite, rassurer sur les stades et les infrastructures.

Au passage, critiquer le taux de criminalité élevé en Afrique du Sud (laissant craindre une Coupe du Monde dangereuse), promettre des retombées démentielles à la fédération internationale (300 millions d’euros) à redistribuer à toutes les fédérations, aux équipes participantes de rester tout frais payés jusqu’à la finale (ce qui sera abandonné)…

Bref, le 15 novembre, jour du vote, la France rafle la majorité des votes, 24 voix contre 15 face à une fédération sud-africaine incrédule. Son directeur général, Jurie Roux, dénonce dans la foulée un processus « totalement opaque au cours des deux dernières semaines ». Mark Alexander, le président de la fédération sud-africaine, accuse les membres du conseil de World Rugby d’avoir « enfreint les règles » et son code de conduite après une quinzaine de jours de lobbying intense et à la limite de la part de la France sur la validité du rapport d’évaluation.

« Il y avait un ensemble de règles et nous les avons respectées jusqu’à aujourd’hui », a déclaré Mark Alexander. « Plusieurs règles ont été enfreintes au cours de ce processus, ce qui nous contrarie. C’est la première fois que World Rugby reçoit une recommandation et qu’elle est rejetée. Le rugby sud-africain n’a attaqué aucun des autres candidats tout au long du processus. C’est décevant – nous avons un ensemble de règles et nous devons nous y tenir. »

Nous voilà donc six ans plus tard en France et le ressentiment est toujours là, profond, ancré. Il a même grandi et l’épilogue approche.

Le premier acte se déroule à Marseille où l’Afrique du Sud a installé son camp de base. Damian de Allende se souvient de la préparation du quart de finale contre la France.

« Pour moi, le match le plus difficile a été incontestablement celui contre la France », confie-t-il dans l’émission Walk the Talk – diffusé en exclusivité sur RugbyPass TV. « Je suis allé en Argentine à plusieurs reprises et l’ambiance est très intense, avec des supporters de football et des stades qui vibrent comme s’il y avait un tremblement de terre. C’est ainsi qu’on fait du bruit en Argentine.

Mais le niveau sonore que j’ai constaté à Marseille en 2022 lors de la série d’automne contre la France… Je n’avais jamais rien entendu de tel. »

C’est alors que le directeur du rugby de l’Afrique du Sud, Rassie Erasmus, a une idée de génie : s’entraîner avec des haut-parleurs poussés à fond.

« Comme d’habitude pour toutes nos séances d’entraînement en salle, nous avons maintenu cette approche avant le match contre la France », poursuit Damian de Allende. « Tout était fait à huis clos. Ils ont recouvert les caméras, dans les salles de réunion aussi, et tout ça. La nervosité était palpable. Chaque entraîneur a ses stratégies et ses tactiques. Ils sont prêts à tout pour remporter la victoire.

Je ne me rappelle pas avoir entendu l’hymne national français lors de ce match, sans doute parce que nous l’avions déjà entendu tant de fois avant ! L’idée était de nous préparer à toute éventualité, au cas où quelque chose d’extraordinaire se produirait et que le public réagirait fortement.

Pendant le match, lorsque des moments cruciaux se sont produits, comme des essais ou des changements au score, personne n’a perdu son calme. Personne n’a détourné le regard, tout le monde est resté mobilisé et ça a marché.

Je n’ai jamais rencontré un entraîneur qui ait autant réfléchi pour remporter un test-match. Il a une approche inédite et trouve toujours une solution. Il a toujours une astuce dans sa manche. On a l’impression qu’il est toujours en avance sur le jeu. »

Mais ce que retient le trois-quarts centre des Springboks, c’est le discours tenu par les dirigeants juste avant la rencontre pour raviver les fantômes du passé, rappeler dans quelles circonstances la France avait remporté le droit d’organiser la Coupe du Monde de Rugby 2023 sur son territoire. Et ça, même Damian de Allende ne l’a pas oublié et a même motivé sa soif de victoire contre les Bleus.

« Je n’éprouve aucune compassion pour eux, surtout après la façon dont la Coupe du monde a été gagnée et nous a été retirée en Afrique du Sud », révèle-t-il dans Walk the Talk.

« Pour moi, une fois que nous avons réellement compris ce qui s’était passé, la situation est devenue un peu plus personnelle. Une fois que tous les détails ont été révélés, cela nous a peut-être donné un avantage avant ce quart de finale.

Nous n’avons pas accueilli de Coupe du monde depuis 1995, et je ne me rappelle pas avoir perdu une autre Coupe du monde en Afrique du Sud depuis cette époque. Je crois que, en 2023, c’était peut-être notre meilleure opportunité depuis 1995. J’avais le sentiment que nous la tenions entre nos mains, puis qu’elle nous a été enlevée.

Oui, on en a discuté. Parfois, c’est difficile, car certains articles nous présentent toujours comme les méchants, et les gens semblent oublier tout ce que la France a fait pour ramener la Coupe du monde chez elle. »

Avec ça en tête, l’Afrique du Sud a mis fin au rêve de la France de remporter la Coupe du Monde chez elle, la battant 28-29 au terme d’une rencontre qui restera dans les mémoires pour de multiples raisons.

« Perdre d’un seul point, surtout dans un quart de finale de qualité, est toujours difficile à accepter. Mais c’est la réalité du sport. Pour ma part, je n’ai pas de compassion pour eux », conclut Damian de Allende.

Via Rugby Pass

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