Après trois mois et demi d’absence, Bakkies Botha a repris sa distribution de tampons et de baisers. Le Toulonnais, qui sera une des pièces maîtresses du RCT en finale de Coupe d’Europe samedi contre les Saracens, aime toujours autant le contact.

QUAND ON PORTE des initiales aussi glamours que BB, on est forcément un peu porté sur les gestes tendres. Même lorsqu’on culmine à 2,02 m et qu’on pèse près de 120 kg. Prenez Bakkies Botha. À Toulon depuis trois saisons, le deuxième-ligne international sud-africain (34 ans, 78 sélections) a pris l’habitude d’envoyer des baisers à ses adversaires juste avant ou juste après leur avoir cassé les reins dans un ruck. Il est comme ça, BB, toujours prompt à recouvrir d’un peu de miel et de sucre ses marrons chauds. Bien sûr, il y a ce sourire en coin, volontiers goguenard, qui accompagne chacun de ses bisous. Il ferait presque croire, allez savoir pourquoi, que ce grand gaillard se fout un peu de la gueule du monde. « Bah, c’est juste mon tempérament,explique-t-il avec le même sourire. J’aime bien parler aux joueurs adverses pendant la partie. Tout le monde essaie de me brancher, de m’énerver, alors je m’efforce de prendre ça avec un peu d’humour et je leur envoie un bisou. Avant de leur répondre plus virilement dans le ruck qui suit… »

Au RCT, question charisme, l’ancien joueur des Bulls de Pretoria est ce qui se fait de mieux derrière le futur retraité Jonny Wilkinson. Il en impose. Les supporters varois le vénèrent car ils retrouvent en lui les gènes du traditionnel avant toulonnais, dur au mal et à l’impact. Un type capable de pratiquer le lancer d’adversaires pour déblayer dans un ruck et de sortir d’une main un ballon enterré sous une pile de joueurs, forcément, ça ne court pas les champs. « Mon métier, c’est de marquer les mecs d’en face », a-t-il coutume de dire. Il paraît qu’à ses heures perdues le champion du monde springbok 2007 chasse aussi le sanglier dans les forêts des alentours de Carqueiranne (voir par ailleurs), où il réside. Avec ou sans carabine ? Avec cet Obélix-là, on peut légitimement se poser la question.

ORIOLI : « IL VAUT MIEUX L’AVOIR AVEC QUE CONTRE SOI » 

En tout cas, Bernard Laporte, le manager toulonnais, l’adore. Au point de l’avoir aligné d’entrée face au Racing-Métro (16-6), en demi-finales du Top 14, vendredi dernier, alors qu’il n’avait plus joué depuis le 25 janvier. Trois mois et demi d’infirmerie. À cause d’une fracture du radius du bras droit contractée contre Brive. Ce jour-là, plus attristé par la perte de sa poutre du pack que par la défaite de son équipe, Laporte avait fait sortir Botha du stade par une porte dérobée pour lui éviter d’aggraver sa blessure au contact de la foule de fans qui l’attendaient pour un autographe. Sans doute a-t-il bien fait. Face au Racing, pour son retour, BB a largement rivalisé avec ses vis-à-vis Van Der Merwe et Kruger. « Mon bras est désormais réparé à 100 %, dit-il. Je me sens bien, à nouveau prêt au combat. » Une aubaine pour Toulon, qui a perdu Danie Rossouw (blessé à la hanche) et Kostantine Mikautadze (suspendu jusqu’au 31 mai) et ne compte donc plus, avec Botha, qu’Ali Williams, qui revient lui aussi de blessure (déchirure à une épaule) et Jocelino Suta pour finir la saison en deuxième ligne. « Bakkies nous apporte un peu plus d’agressivité dans les phases de contact, témoigne le talonneur Jean-Charles Orioli. C’est quelqu’un qu’il vaut mieux avoir avec que contre soi. »

Botha rassure. Sa force brute donne à ses partenaires le sentiment qu’ils les protège, qu’ils n’ont rien à craindre. Le plus fort, aussi, c’est qu’il ne se fait presque jamais sanctionner par les arbitres(voir par ailleurs). Il sait jouer à la limite des règles. Comme Richie McCaw. « Bakkies, il ne vieillit pas, observe Laporte. En même temps, ça fait un moment qu’il n’a pas joué. Il est frais et ça se sent. » Botha sera forcément reconduit en finale de la Coupe d’Europe face aux Saracens, samedi, à Cardiff. En face, il y aura une grosse colonie de Sud-Africains. « Ça ne m’étonne pas,s’amuse-t-il. Parce qu’en ayant de nombreux Sudafs dans votre équipe vous avez environ 90 % de chances d’aller en finale ! »(Rires.) A-t-il déjà choisi la cible de son futur bisou ? « Non », répond-il. Question câlin, BB préfère improviser.

LA CHASSE, TOUJOURS