Dans son édition de lundi, le Midi Olympique revient longuement sur l’arrivée de Jonny Wilkinson au sein du Rugby Club Toulonnais, en 2009.

Il est rappelé qu’initialement, le président Varois Mourad Boudjellal avait misé sur l’ouvreur international Néo-Zélandais Dan Carter.

C’est à l’été 2008 que le patron du RCT pensait recruter la star des All-Blacks. Mais au dernier moment, les dirigeants de l’USAP ont surenchéri et ont obtenu l’accord du joueur. Une véritable claque pour Mourad Boudjellal qui pensait faire l’énorme coup.

Quelques mois plus tard, vient alors la piste menant à un certain Jonny Wilkinson. Mais le joueur Anglais était également en contact avec d’autres clubs dont notamment le Racing 92 et l’Aviron Bayonnais.

Pour éviter de revivre le gros raté avec Dan Carter, Mourad Boudjellal décidait de rester très silencieux sur ce dossier tout au long des négociations.

De nombreux consultants estimaient que l’éventuelle arrivée de Jonny Wilkinson à Toulon allait tourner en un véritable flop tant le joueur enchaînait les blessures depuis de nombreux mois.

C’est d’ailleurs pour cette raison que les dirigeants du Racing 92 ont préféré abandonner la piste. Ces-derniers ont craint de se retrouver avec un joueur cloué à l’infirmerie pendant la majeure partie de la saison. Pour sa part, Mourad Boudjellal était convaincu que la piste était bonne.

Du côté de Bayonne, le manager de l’époque – Richard Dourthe – était très emballé par l’idée de recruter Jonny Wilkinson. Mais son président Salagoïty n’était pas convaincu. Richard Dourthe s’en souvient. Extrait:

« Je pensais pouvoir le gérer. J’y croyais. Je pense que les gars qui se blessent beaucoup sont ceux qui ne s’entraînent pas assez ou ceux qui s’entraînent trop. Jonny appartenait à la deuxième catégorie, bien sûr. Il fallait savoir l’empêcher de s’entraîner, quitte à l’amener faire des matchs… Pour le laisser le banc. Philippe Saint-André l’a fait par la suite. J’ai reçu son père et son agent. Mais mes dirigeants n’y ont pas cru. Ils craignaient trop les blessures. Et Toulon, lui, a sorti le grand jeu. »

La voie était alors grande ouverte pour Toulon. Le RCT invitait ainsi l’agent français du joueur ainsi que le père de Jonny Wilkinson: direction Carqueiranne pour une mission séduction.

Dès son retour à Newcastle, le papa Wilkinson exprimait son enthousiasme à son fils et le convainc de venir visiter les installations du RCT.

Le vendredi 15 mars 2009, Jonny Wilkinson arrive à Nice en compagnie de son épouse. Le samedi matin, direction le Lido sur la plage du Mourillon pour un repas en toute discrétion. Mais Mourad Boudjellal était conscient que l’information avait fuité dans la presse.

Et c’est seulement au dernier moment que Jonny Wilkinson rejoint le Stade Mayol pour assister au match contre Perpignan. Rapidement reconnu par les journalistes et quelques supporters, l’ouvreur Anglais s’est fait fusiller par les photographes tout au long de la rencontre.

Jonny Wilkinson décide d’ailleurs de quitter le Stade Mayol bien avant le coup de sifflet final pour éviter de se faire coincer. Mourad Boudjellal s’en souvient très bien. Extrait:

« Les caméras et les photographes étaient tournés plus vers la tribune que vers la pelouse. Jonny a pris peur et il s’est éclipsé avant la fin de la rencontre. Il est allé se cacher sur le port, pas vraiment l’endroit le plus discret non plus. »

A l’issue de ce rendez-vous, Mourad Boudjellal était certain que Jonny Wilkinson allait rebondir au RCT. Extrait:

« J’ai eu le sentiment d’avoir un gars qui venait de terminer un mauvais cycle. J’ai senti qu’il était en train de vivre le premier jour du reste de sa vie. J’avais sans doute un bon karma ce jour-là, moi aussi. J’étais également proche de son agent. Pourtant, j’avais toujours eu le sentiment que Jonny était venu par politesse. Il s’est accordé un long moment de réflexion, pas anormal pour un joueur de sa dimension. Mais il n’a fait aucune surenchère financière, ce n’est pas son style. »

Et c’est au mois d’avril 2009 que le président du RCT apprend que Jonny Wilkinson a répondu favorablement à son offre. Il revient sur ce merveilleux moment, lors d’un déplacement de Toulon à Dax. Extrait:

« Je l’ai appris dans un hôtel de Dax. Le RCT venait d’assurer son maintien et j’ai reçu un e-mail avec le contrat de Jonny signé. Mais je n’ai pas pu l’annoncer. J’ai fait une déclaration du genre : « Je viens d’assurer un destin fabuleux pour le club », comme s’il s’agissait du seul maintien. Je pensais à Jonnny, en fait. Mais je voulais l’annoncer plus tard, comme la tête de pont de ma vague de recrutements. Je voulais garder l’exclusivité pour le lundi soir suivant au palais des congrès Neptune, avec l’image de son drop vainqueur de 2003 et la présentation de toutes nos recrues. Mais la presse anglaise a vite commencé à en parler.  Je venais de faire le plus beau coup du Top 14 mais le jour même, un magazine titrait : « Peut-il encore jouer au rugby ? Ses histoires de blessures, ça me frustrait. »

Mourad Boudjellal précise que même Philippe Saint-André avait des doutes concernant Jonny Wilkinson. Il croyait davantage en Félipe Contepomi. Extrait:

« Même Philippe Saint-André croyait davantage en l’Argentin Felipe Contepomi, que nous venions aussi de recruter. Il l’a d’ailleurs reconnu très honnêtement, par la suite… Mais il m’avait quand même dit : « Si tu veux vraiment Wilkinson, on le prendra, bien sûr ! »

Dix ans plus tard, Jonny Wilkinson représente la tête d’affiche des trois titres Européens remportés par le XV de la Rade et du Bouclier de Brennus décroché en 2014. Merci Jonny !