Les révélations choc de Carl Hayman : « Je suis devenu violent, j’ai détruit mon mariage, sans comprendre pourquoi »
Les révélations choc de Carl Hayman : « Je suis devenu violent, j’ai détruit mon mariage, sans comprendre pourquoi »
Le mercredi 23 novembre 2022 à 15:32 par David Demri
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Atteint de démence précoce, l’ancien pilier des All-Blacks et du Rugby Club Toulonnais s’est longuement confié dans les colonnes du journal L’équipe pour évoquer les galères qu’il a traversées ces dernières années.
Il indique avoir ressenti les premiers effets de sa démence précoce lors de sa dernière saison disputée en 2015. Extrait:
« Au cours de ma dernière saison, en 2015. Je devenais de plus en plus fragile émotionnellement, j’avais des hauts et des bas, la tête comme prise dans un étau ; une pression terrible qui durait parfois toute la journée. Peu à peu, je me suis mis à souffrir d’anxiété, de dépression ; j’avais des idées suicidaires. Pour oublier, je m’abrutissais en buvant beaucoup et j’ai développé une addiction à l’alcool. C’était de pire en pire, je suis devenu violent… »
Violent, il a finalement divorcé. Extrait:
« Oui, j’ai détruit mon mariage, sans comprendre pourquoi ; je n’ai pas pu continuer à être entraîneur (à Pau, 2016-2018) alors que je pense que j’avais beaucoup à offrir dans ce rôle. Mais voilà, je luttais tous les jours contre les migraines, mon humeur changeante, mes pertes de mémoire. Je ne me souvenais plus de l’équipe qu’on avait sélectionnée si elle n’était pas sous mes yeux, j’oubliais tout le temps du matériel et je finissais mes journées en me disant que j’étais en train de devenir, aux yeux des autres, une sorte de taré malfaisant. C’était très, très dur parce que je ne savais pas ce qui m’arrivait. Cela m’a amené à perdre mon épouse puis mon boulot, après une bagarre avec des joueurs. Pourtant, tous ceux qui m’ont connu sur un terrain savent que je n’étais pas agressif. »
Il avoue avoir été soulagé en apprenant être atteint de démence précoce. Il pouvait enfin poser un nom sur les raisons de ses symptômes. Extrait:
« Le diagnostic a été un soulagement. Au moins, je peux avancer, essayer d’accepter que je ne peux plus faire ce que je faisais auparavant. Mon ex-femme, Natalie, a été et est toujours très solidaire. Elle fait tout ce qu’elle peut pour que je passe du temps avec nos trois enfants (il a également une petite fille avec Kiko Matthews), tout en sachant que ça peut devenir très dur pour moi de m’occuper d’eux en termes de bruit, d’agitation. Tout le monde m’aide. »
Désormais, Carl Hayman s’est lancée dans une toute autre activité, bien loin du monde du rugby. Extrait:
« Avec Kiko, on a monté une petite affaire de sorties en mer. J’emmène les gens en bateau sur les îles autour de New Plymouth (au nord de la Nouvelle-Zélande) pour observer les phoques. Mais je ne peux pas travailler une journée entière ; je me contente de demi-journées. Je dois me reposer, prendre du temps pendant la journée pour mettre mon cerveau sur pause. Ma compagne le compare à un réservoir d’énergie à moitié plein, avec des trous en plus, et je dois empêcher les fuites. »
Il regrette que le monde du rugby ne prenne pas les commotions cérébrales assez au sérieux. Extrait:
« Le rugby n’a pas pris la mesure des dégâts que des chocs constamment répétés à la tête peuvent causer et je sens qu’il n’y aura pas de changements significatifs tant que les gens comme moi ne se dresseront pas contre les institutions, ne parleront pas de ce qu’ils traversent personnellement. Après les conférences sur le sujet, tous les quatre ou cinq ans, World Rugby se contente souvent de dire : « Nous avons besoin de nouvelles études » et d’agir a minima. »
Il explique pourquoi de nombreux joueurs refusent de s’associer à cette action menée face à LNR et la FFR. Extrait:
« Beaucoup ne parlent pas sous prétexte qu’ils ont signé pour faire un sport de combat et accepté les risques. Mais moi, je n’ai pas signé pour être atteint de démence à 43 ans ; pour voir ma vie bousillée, sans savoir pendant des mois ce qui n’allait pas. Grâce à ces actions en justice au Royaume-Uni, en France, on espère que cette forme d’omerta va tomber, que les joueurs vont commencer à penser à leur santé ; à se dire que partir à la retraite sportive à 26 ou 27 ans, le cerveau fracassé, ce n’est pas normal. En France, le Championnat est connu pour sa rudesse et à Toulon, après une défaite, le staff (dirigé à l’époque par Bernard Laporte) répétait qu’on n’avait pas été présent mentalement et physiquement. La réponse à ça, c’était des séances d’entraînement encore plus physiques, comme pour faire pénitence. Aujourd’hui, on sait que c’est dévastateur. »
Pour conclure, il affirme espérer que les mentalités puissent changer sur le sujet. Extrait:
« Je veux que mon exemple, celui des autres, leur montre que ce n’est pas du cinéma. C’est réel, et c’est une réalité de tous les jours. Par exemple, ma relation avec Kiko est une lutte quotidienne, je suis un poids pour elle. Elle m’aide énormément mais quand c’est à ce point – « As-tu pris tes médicaments ? As-tu fait tes exercices de relaxation ? » -, cela devient un rapport qui n’est plus simplement une vie entre amoureux ; c’est un soignant et son patient… Parfois, on en a marre, on voudrait sortir de ça. Mais on ne peut pas. Ce n’est tout simplement pas possible. »
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