L’image renvoyée par Provale est catastrophique : Explications !

L’image renvoyée par Provale est catastrophique : Explications !

9 mai 2024 - 17:44

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A quelques jours de l’élection qui marquera le départ du président Robins Tchale Watchou, à qui son homme de confiance et actuel vice-président Malik Hamadache succèdera après dix ans de règne, le syndicat des joueurs de rugby semble en lambeaux: mois après mois, les départs des salariés de Provale se sont multipliés dans une ambiance de terreur et de procédures juridiques.

Provale est le syndicat des joueurs de rugby. Créé sous le nom du SNJR, le syndicat national des joueurs de rugby en 1998, il a adopté cette appellation trois ans plus tard. Plusieurs anciens joueurs, Serge Simon, Sylvain Deroeux, Mathieu Blin, se sont succédés à sa tête. D’autres grands noms, Lhermet, Belot, Cazalbou, ont œuvré à sa construction. Aujourd’hui, et depuis 2014, c’est l’ancien deuxième ligne Robins Tchale Watchou qui préside le syndicat qui se targue récemment de rassembler 964 adhérents cette saison. Impossible pour autant de connaître le nombre exact d’adhérents en Top 14. Et si vous vous rendez sur le site internet de Provale, une devise vous accueille: « Ensemble, on va plus loin ». Enfin pas tous ensemble, en ce qui concerne ses salariés. Aux côtés d’Actu Rugby et de L’Equipe, RMC Sport a enquêté.

Depuis 2016, ce ne sont pas moins d’une vingtaine d’employés qui ont quitté l’institution, chiffre éloquent quand on observe qu’elle abrite actuellement à peine huit personnes à plein temps. Des gens à qui on a indiqué la porte de sortie, de gré ou de force, avec des départs qui se sont soit transformés en rupture conventionnelle (pour beaucoup par crainte du conflit), soit en procédures prud’hommales. En 2017, Christophe Gaubert était un des premiers de cette liste. Directeur général de « L’Agence XV » depuis 2004, structure juridiquement rattachée à Provale et devenu aujourd’hui « Provale Formation », qui s’occupait de le formation et de la reconversion des joueurs, il avait eu l’ambition de vouloir remplacer Gaël Arrandiga, le directeur général sur le départ.

Aussi surprenant que cela puisse paraitre et alors qu’il était reçu à un entretien à ce sujet, Tchale Watchou lui a non seulement signifié qu’il ne serait pas nommé à ce poste, mais qu’il était au contraire rétrogradé… en tant que simple chargé de mission. Un déclassement illégal, en dehors de toute procédure. En effet, à l’époque, le président ne pouvait pas agir de la sorte, sans passer par le comité directeur. Gaubert ne s’est pas laissé faire. « Je lui ai dit que déclasser de la sorte un salarié était interdit par le code du travail, explique-t-il. Et que je n’hésiterai pas à faire valoir mes droits. » Ce qui déclencha la colère de son interlocuteur.

« Tchale Watchou s’est levé, a fait le tour du bureau, a mis sa tête à trente centimètres de la mienne et m’a hurlé : tu ne m’as jamais vu en mode tueur, tu vas comprendre quand je me mets en mode tueur! » Ce qui, devant le gabarit de l’ancien deuxième ligne, a de quoi marquer. Présent dans la pièce, Gaël Arrandiga avait tenté de calmer la situation. « J’ai été mis à pied, convoqué à un entretien préalable à un licenciement, poursuit Gaubert. Je visitais le centre de formation de La Rochelle le week-end et j’avais un accord tacite avec les dirigeants précédents concernant mes frais puisque j’y allais avec ma femme. Mais je ne faisais pas de dépenses particulières. On m’a reproché mon honnêteté financière. Ils m’ont fait passer pour quelqu’un de malhonnête, ce qui m’était insupportable. »

Après sept années de procédure, il obtient gain de cause

Autre grief des dirigeants, le fait qu’il se rende aux obsèques de Marcel Martin, l’ancien président de Biarritz, avec qui il avait longuement collaboré sur les reconversions de joueurs, sans prendre un jour de congé dédié. « Pour moi il était logique que je représente l’Agence XV à ses funérailles. J’y suis même allé avec des gens de Tech XV, le syndicat des entraîneurs et de la Ligue Nationale de Rugby« . Christophe Gaubert attaque Provale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il perd en première instance, « un déni de justice » selon lui, mais gagne en appel. Le syndicat se pourvoit en cassation.

En février dernier, après sept années de procédure, il a enfin eu gain de cause. Provale lui a versé la somme de 120 000 euros. Mais pas de quoi complètement effacer des mois et des mois de dépression à la suite deson départ. « On imagine pas être maltraité de la sorte au sein d’un syndicat ». Une traversée du désert de trois ans, durant laquelle il a fallu se remettre en question, reprendre des études pour changer de branche après 25 ans de travail dans le rugby. Il dirige aujourd’hui un établissement médico-social.

Laure Vitou est l’autre cas « marquant » de l’historique des salariés du syndicat. Elle vient de faire condamner Provale à lui verser la somme de 150 000 euros pour harcèlement moral et discrimination, jugement pour lequel le syndicat réfléchit à faire appel. Son histoire avait ému les acteurs du rugby, qui avaient suivi le sort que lui avaient réservé les dirigeants, dont le récit est disponible dans le compte rendu des Prud’hommes de Toulouse. Elle qui était tombée gravement malade en 2019, victime d’une leucémie.

Sous chimiothérapie, en arrêt maladie, elle avait tout de même continué d’exercer ses fonctions, parfois même de sa chambre de l’Oncopole de Toulouse, où elle s’était organisé un bureau (!) pour participer à des visioconférences et parfois recevoir la visite de collègues pour signer des factures. En mai et août 2019, elle avait même participé à des réunions au sein même de Provale. Seulement, lors de son retour, en septembre 2020, elle constata que son bureau était occupé par l’actuel directeur général, Mathieu Giudicelli (qu’elle avait contribué à recruter en tant que directeur adjoint), lequel signait déjà ses mails de cette façon. Renseignement pris, il s’était entre-temps mis d’accord avec Tchale Wtachou pour être promu à ce poste là et avait signé un avenant… or selon la juge des Prud’hommes, « la nature même d’un poste de DG induit qu’il ne peut s’agir que d’un poste unique, à fortiori dans une structure de la taille du syndicat ».

C’était le premier acte de ses déboires. Progressivement écartée de ses principales missions, elle déclencha ensuite les foudres du président Robins Tchale Watchou, après avoir prévenu les membres du comité directeur des détails du vote, qui étaient passés inaperçus, d’une assemblée générale à venir, mais qui avaient son importance : une modification des statuts qui permettait au président de se présenter autant de fois qu’il le voulait (deux mandats maximums précédemment) et sans opposition. « Un changement de statut pour une présidence plus puissante voire autocratique » selon les dires de la magistrate. L’ex-2e ligne lui reprocha dix jours après, à travers une lettre de licenciement et Laure Vitou fut mise à pied à titre conservatoire pour « insubordination ».

Sous chimiothérapie, sa mutuelle est résiliée

Mais elle n’était pas au bout de ses surprises. Alors qu’elle luttait toujours contre la maladie, en protocole de soins (elle avait subi une greffe de moelle osseuse), elle constata un jour au guichet de l’hôpital que sa mutuelle avait été résiliée et que sa ligne de téléphone, qui lui permettait au passage la confirmation préalable de ses rendez-vous pour ses chimiothérapies, avait été coupée. Elle a donc attaqué le syndicat (et obtenu gain de cause pour le moment, le jugement étant à exécution provisoire). Cette affaire engendra à l’époque une scission au sein-même de Provale. Des membres du comité directeur ont décidé de partir. C’était le cas de Rabah Slimani, Fanny Horta, Arthur Coville, et même l’actuel entraîneur des avants du quinze de France, Laurent Sempéré.

Également dans le wagon, l’ancien demi de mêlée du Stade Toulousain et du Stade Français Jérôme Fillol, qui avait témoigné de son désaccord dans sa lettre de démission : « J’ai constaté d’importants problèmes sociaux : cette façon de se séparer de salariés est très onéreuse pour la structure. De nombreux dégât humains également que je ne peux pas cautionner. Cela ne fait pas partie de mes valeurs pour un syndicat qui doit protéger les joueurs mais également ses salariés. Pour une structure de douze membres, treize départs sous la présidence actuelle, tous poussés vers la sortie, aucune démission. » Et cela ne s’est pas arrêté non plus sous la direction de Mathieu Giudicelli (14 départs)…

La saison 2023-2024 n’a pas dérogé à la règle : quatre nouvelles personnes ont été mis à la porte. Une rupture conventionnelle pour Juan Martin Berberian en octobre 2023, un licenciement pour faute lourde concernant Addison Lockley et deux licenciements pour cause réelle pour le couple Lacrouts. Yannick et Mathilde, dont l’histoire interpelle forcément: tous deux convoqués à un entretien préalable le même jour en janvier dernier et licenciés dans la foulée ! A noter qu’avec le départ de ces deux derniers, il ne reste plus à Provale qu’une salariée présente avant l’arrivée de Tchale Watchou.

Selon nos informations, la vingtaine de départs comptabilisés au moment d’écrire ces lignes ont coûté la bagatelle de plus de 500 000 euros au syndicat, sans compter les charges et les frais d’avocats. Ce qui correspond environ à la moitié d’un budget de fonctionnement actuel ! Provale étant subventionné à 80% par la Fédération Française de Rugby et la Ligue Nationale de Rugby, comment est-il possible que cet argent s’évapore de la sorte ? « Peut-être que ça arrange les instances que le seul syndicat qui existe ne soit pas trop puissant » nous glisse un dirigeant.

« Tu sais qui est ton président? Rappelle-toi bien »

Robins Tchale Watchou et Mathieu Giudicelli, le président et le directeur du syndicat cristallisent à eux deux la colère d’anciens salariés que nous avons rencontrés. « Depuis l’arrivée de Giudicelli, les choses n’ont fait que s’aggraver explique l’un d’eux. Il n’a aucune confiance en ses salariés. L’ambiance est délétère dans les bureaux. C’est très dur de vivre ça. » A l’évocation de nombreux moments de tensions, certains en ont encore les larmes aux yeux, signe des cicatrices laissées. « Tchale Watchou est capable de mettre la pression avoue l’une d’elles. En 2019, la tension était forte lors des dernières élections. Il interdisait aux salariés d’avoir des contacts avec l’autre liste, celle de Laurent Baluc-Rittener. Au point, un vendredi soir, d’appeler et de dire : Tu sais qui est ton président ? Rappelle-toi bien. C’est moi ton président, c’est moi qui t’ai embauché ».

D’autres n’hésitent pas à dénoncer ses dérives, notamment ses frais de fonctionnement. « Il fait voter au comité directeur le fait qu’il soit rémunéré, admettons, dit un ancien employé. Mais il n’a jamais précisé le montant de cette rémunération ! En ajoutant les frais exorbitants qu’il déclare, il représente à lui tout seul 10% du budget de fonctionnement de Provale« .

Selon nos informations, Provale a subi un contrôle URSAAF en fin d’année dernière. Le 30 mai prochain, Robins Tchale Watchou quittera la présidence à l’issue de ses deux mandats. Son successeur est d’ailleurs connu. C’est même l’actuel vice-président, Malik Hamadache, que Tchale Watchou soutient. Et son élection ne sera qu’une formalité puisque la liste de l’opposition, menée par le talonneur de l’Union Bordeaux-Bègles Clément Maynadier, a été invalidée, par l’actuel comité directeur. Un vice de forme car l’un de ses six colistiers ne présentait visiblement pas les quatre années d’adhésion consécutives requises (encore une modification statutaire voulue par le président).

Même si le flou règne concernant cette réglementation (quatre années ou quatre années consécutives?), la tête de liste de l’opposition ne voudrait pas se lancer dans d’interminables recours. On repassera pour le débat d’idées. Il faudra toutefois constater le nombre de voix exprimées lors de cette élection. Prévue à l’origine fin 2023, elle avait été finalement repoussée. Pour « coller à la saison rugbystique » avait argumenté le directeur général Mathieu Giudicelli, interrogé par nos confrères d’Actu Rugby. Avant d’ajouter : « Cela nous permettra d’ici là peut-être d’ajuster nos statuts avec potentiellement l’ajout d’un vote électronique qui permettra à l’ensemble des adhérents – à jour de leur cotisation – de pouvoir voter pour cette élection. L’idée, c’est de les faire voter à un moment où un maximum de personnes peut venir à l’AG à Paris. S’il n’y a personne, cela n’a pas la même saveur, même si le vote électronique est mis en place. »

Résultat, le vote aura lieu le jeudi 30 mai à Paris, finalement en présentiel. Le jour même d’une demi-finale de Pro D2, à la veille d’une autre et à deux jours de la 25e journée de Top 14. Avec quelle représentativité ? Difficilement compréhensible quand on veut rassembler le plus de monde pour une expression démocratique mais pas si étonnant quand on sait qu’en 2019, Tchale Watchou a battu Baluc-Rittener 35 voix contre 30. 65 votants seulement…

Contactés pour répondre à nos questions, le président et le directeur général ne sont pas revenus vers nous. En guise de retour, le même jour, une salve de tweets sur le réseaux social « X » pour se féliciter des chiffres du mandat. Ces derniers temps, la rumeur de la création d’un autre syndicat bruissait dans le monde du rugby. Reste à voir si un tel engagement est encore possible de nos jours.

Via RMC Sport

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