Mathieu Bastareaud: « Je ressemble plus à un pilier ou un talonneur »

Mathieu Bastareaud: « Je ressemble plus à un pilier ou un talonneur »

Le vendredi 20 juin 2014 à 10:21 par David Demri

7 Commentaires

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mathieu-bastareaud2Lors d’un entretien accordé au Midi Olympique de ce jour, le trois-quarts centre international Français Mathieu Bastareaud évoque le dernier test-match à venir contre l’Australie, programmé ce samedi.

Il espère ainsi que les Bleus seront à la hauteur pour le dernier match de la saison. Il explique également pourquoi il est si fort dans les grattages au sol. Extrait:

La France n’a plus battu l’Australie depuis vingt quatre ans. Que faire pour changer ?

Historiquement, une victoire serait gigantesque. J’avais deux ans la dernière fois que c’est arrivé. Vous vous rendez compte ?

Avez-vous pris du plaisir, à Melbourne, lors du deuxième test perdu 6-0 ?

Le plaisir, ça passe après le résultat… On sortait d’une très grosse défaite, à cinquante points. L’important était de se rassurer défensivement et, surtout, de laver notre honneur. Le plaisir, j’en ai aussi pris en grattant des ballons au sol et en mettant des plaquages.

Doit-on s’attendre à un tel scénario, samedi ?

Je ne sais pas. J’aimerais beaucoup que l’on se lâche davantage. C’est le dernier match de la saison… 

Philippe Saint-André disait que les Australiens avaient détaché deux joueurs pour vous contrer, lors du deuxième test. Vrai ?

Oui. Fardy et Hooper étaient mes gardes du corps désignés à Melbourne. Ils ne m’ont pas lâché ! J’ai essayé de faire avec.

Comment prenez-vous le fait que le sélectionneur national mette en avant vos qualités de gratteur avant vos qualités d’attaquant ?

Gratter les ballons fait partie de mes points forts, tout le monde le sait. J’ai le gabarit pour ça et, quand je me mets au-dessus du porteur de balle, il devient alors difficile de m’éjecter. Si cela profite à l’équipe, c’est tant mieux. Vous savez, Philippe (Saint-André, N.D.L.R.) a dit ça comme ça. Ce n’est pas la révélation de l’année, non plus. 

Il n’a pourtant cité que deux joueurs : vous et Thierry Dusautoir…

Ah bon ? À côté de « Titi », c’est déjà beaucoup plus classe ! 

Quelle est votre technique au grattage ?

Je le fais au feeling. Je trie. Si je vois qu’il y a le temps de récupérer un ballon, je fonce. Sinon, je m’écarte. Avant, quand je plaquais un adversaire, j’essayais systématiquement de gratter la balle. Or, il n’y a pas toujours la place pour le faire, on y laisse de l’énergie et, résultat, il y a un défenseur en moins dans la ligne ! Dans cette phase de jeu, c’est toujours à quitte ou double. Si tu perds l’équilibre, tu peux aussi coûter trois points à ton équipe.

Pourquoi lever les bras au ciel avant de plonger sur le porteur de balle, en arrivant au ruck ?

Les arbitres nous sensibilisent sur ça. Je dois donc montrer que je ne tiens plus l’attaquant. J’essaie d’être le plus clair possible, afin qu’il n’y ait la moindre confusion entre le plaqueur et le gratteur. […] L’Australie nous avait battus sur le rythme, au premier match. Si on perdait la bataille des rucks, on était morts. On m’avait donc demandé de mettre les mains sur le ballon pour le ralentir lors du second test. C’est la raison pour laquelle ils ont fait entrer Kurtley Beale à l’ouverture, en deuxième mi-temps. On a vu la différence. On était dans le dur et le mec faisait des zigzags à 10 000 à l’heure partout ! En deux accélérations, il m’a fait tirer la langue…

Les Australiens ont promis de montrer un tout autre visage, à Sydney. Craignez-vous une réaction d’orgueil ?

Oui et non. Si on arrive à gagner nos duels en attaque et en défense, ils auront beau faire trois mètres de haut et cinq de large, on remportera ce dernier test.

Avez-vous joué deuxième centre à Melbourne pour cibler Matt Toomua, réputé moins solide en défense que Tevita Kuridrani ?

Non. Le numéro 13 est juste celui que je porte depuis tout môme. C’est devenu un numéro fétiche, au fil du temps. Les Australiens sont fascinés par votre morphologie. 

Cela vous surprend-il ?

Non, plus maintenant. J’ai un gabarit atypique. Je ressemble plus à un pilier ou un talonneur qu’à un trois-quarts centre. J’ai toujours été comme ça. Faut demander à ma mère pourquoi ! (rires) Ce gabarit est un atout pour moi et l’équipe. Il suffit de bien savoir l’utiliser.

Le week-end dernier, Manu Tuilagi est passé à l’aile contre la Nouvelle-Zélande. Une telle reconversion pourrait-elle vous tenter ?

Il faudrait que je travaille mon jeu au pied…

Mais vous le travaillez, même en finale de Coupe d’Europe

(rires) Ce drop raté, c’était l’inspiration du moment. J’ai entendu une voix. Mais c’était visiblement la mauvaise. […] Il y a quelques
années, je n’aurais jamais tenté ce genre de choses. Aujourd’hui, je suis épanoui, en confiance. Je me permets donc certaines libertés. Il serait passé, je serais un dieu vivant ! Là, j’ai juste failli tuer une taupe et l’arbitre…

Et jouer d’autres postes ?

Il m’arrive, après carton jaune, d’aller pousser quelques mêlées en troisième ligne. Non pas que ça me plaise, mais chaque fois
que quelqu’un doit y aller, tout le monde se tourne bizarrement vers moi… Cela devient une habitude. Les gens ont l’impression que Steffon (Armitage) a été cloné.

Vous êtes l’un des rares Tricolores à ne pas vous plaindre de la fatigue. Pourquoi ?

J’ai besoin d’enchaîner les matchs, c’est mon fonctionnement. Avoir du temps pour tergiverser, ce n’est pas mon truc. Si je pouvais enchaîner dix mois de compétition sans m’arrêter, ce serait l’idéal.

Bernard Laporte est-il pour beaucoup dans votre fraîcheur physique et mentale ?

Bernard (Laporte) est assez exigeant. Il a déteint sur moi. J’ai compris que, pour être au top, je devais bosser plus que pour les autres. Je n’ai pas les qualités physiques d’un Wesley (Fofana) ou la facilité technique d’un Matt (Giteau). Si je veux les tutoyer, il faut que je bosse tout le temps.

La dernière fois que vous êtes passé dans cet hôtel (l’Intercontinental de Sydney), c’était en 2009, au lendemain de l’histoire que vous connaissez. En quoi avez-vous changé, depuis ?

La meilleure décision que j’ai prise, ce fut de signer à Toulon. À Paris, je m’étais installé dans un confort. Je n’avais pas de quoi me remettre en question. Même mauvais, je jouais. Quand j’ai posé le pied à Toulon, j’ai dû lutter avec Matt Giteau, Geoffroy Messina, Gabi Lovobalavu ou Willie Mason… J’ai appris à souffrir pour gagner ma place.

Il ne vous a pas fait de cadeaux, à votre arrivée dans le Var…

C’était très chiant, au départ, on ne va pas se mentir. Puis, je me suis demandé : « Pourquoi ce mec est-il comme ça avec moi ? » S’il n’en avait rien à foutre, il ne m’adresserait pas la parole et j’aurais quitté Toulon. Bernard, il vaut mieux l’avoir sur le dos… Quand il commence à t’ignorer, ça sent le roussi. […] J’ai toujours eu besoin d’avoir un chaperon. Au Stade français, c’était Christophe Dominici. À Toulon, c’est le coach. Mais il y eut aussi une prise de conscience personnelle : quand je me lève à 6 h 30, ce n’est pas parce que Bernard est venu taper à ma porte. J’ai changé mes habitudes.

Comment ?

J’ai appris à me lever le matin pour aller faire du physique… (il marque une pause) Du physique, à sept plombes du matin ! Mais c’est de la folie, sans déconner ! Avant, tout ça n’était pas naturel, chez moi. Je passais toutes mes journées off à dormir. Aujourd’hui, je suis au club de façon quasi quotidienne. Le lundi et le mardi, j’essaie par exemple d’aller faire une séance supplémentaire avec le prépa physique du RCT. Pas grand-chose, juste vingt minutes. J’accorde aussi beaucoup plus de place à la récupération. Avant, les étirements, je ne savais même pas ce que c’était… J’ai mis du temps à comprendre que mon corps était mon outil de travail. Mais depuis, je ne suis quasiment plus blessé.

Matt Giteau vous a-t-il refilé des infos sur l’Australie ?

Non, la patrie avant tout !

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7 Commentaires

  1. Seb´ 20 juin 2014 at 10h- Répondre

    J’adore ce mec.
    Justement, son physique peut le faire devenir le meilleur au monde vu son « atipypicité » étant le seul au monde à avoir ce profil d’ultra puissance/gratteur. Comme on le dit depuis un moment, il faut juste qu’il bosse ses libérations de balle pour passer aprés contact, etc, même si on a déjâ vu de gros progrés.

    Sinon j’ai bien aimé sa phrase sur Kurtley Beale, aha.
    Sacré joueur ce Beale.. Comme toute cette génération Australienne avec des Genia, Cooper, Ashley-Cooper..

  2. la rafale 20 juin 2014 at 10h- Répondre

    tu devrais aussi travailler ta technique individuelle, tu te sentirais aussi beaucoup mieux.

  3. pascalou 20 juin 2014 at 10h- Répondre

    On vois là un garçon qui a su apprendre de ses erreurs de jeunesse. Ça aurait été dommage qu’un tel joueur se gâche.Au final il rend largement au club ce que le club lui a donné en lui faisant confiance.

  4. jocolombe 20 juin 2014 at 11h- Répondre

    Il a vachement d’humour le Basta :evilgrin:

    Entre sa petite histoire sur son drop raté et sa phrase sur les mêlées « …tout le monde se tourne bizarrement vers moi… » et celle sur Titi.
    On le sent bien dans sa tête. Bel hommage aussi à Laporte, qui a su le mettre au boulot.

    Blague à part s’il insuffle la moitié de son envie à tous les autres joueurs, ils vont le gagner ce dernier test :yes:

  5. tommi 20 juin 2014 at 11h- Répondre

    Avant d’apprécier les réponses,j’ai apprécié les questions ;c’est rare des questions intelligentes !

  6. Genty83 20 juin 2014 at 12h- Répondre

    J’ai adoré son commentaire sur le drop loupe :laugh:

  7. Henri Pantaloni 20 juin 2014 at 15h- Répondre

    Réponses pleines de fraicheur et de maturité.

    Respect Basta !

    Ca sent l’homme enfin bien dans son corp et dans sa tête.

    Ca change des réponses stéréotipées manipulées par les présidents.

    Bon dernier match et bonne vacances