Dans la galaxie d’étoiles qui composent le RCT, l’Australien n’est pas la star la plus connue. Mais le trois-quarts centre est sans doute le joueur le plus brillant et le plus drôle.

Matt Giteau a depuis dix-huit mois passé le cap de la trentaine mais le temps ne semble pas avoir de prise sur le trois-quarts centre australien. À Canberra, les inconditionnels de « Git’s » estimeront sans doute qu’il s’est assagi depuis son arrivée à Toulon. Au moins dans le choix de ses coupes de cheveux. Pour le reste, il y a toujours dans l’œil de l’ancien Wallaby une lumière qui vient de l’enfance, une étincelle malicieuse qui, lorsqu’on croise son regard, donne le sentiment qu’il est sur le point de commettre une blague ou de sortir une énormité.

Lorsqu’on évoque Giteau, il est difficile de dissocier l’homme du rugbyman. Parce qu’il fait partie de ces joueurs dont le talent est le prolongement, l’expression d’une personnalité singulière. « C’est notre lutin, et notre ambianceur, un leader de jeu et de vestiaire avec un humour à la Blake Edwards », affirme Mourad Boudjellal, le président de Toulon. « Sur le terrain, c’est un joueur qui invente de la place quand il n’y en a plus. »

Samedi dernier à Cardiff, c’est lui qui a débloqué la finale de la Coupe d’Europe d’une inspiration, en décelant un espace dans le dos de la défense des Saracens. Passe de l’intérieur du pied gauche pour son pote Drew Mitchell, course immédiate de soutien, essai. Dans le jeu de ce centre de petit format (1,78 m – 85 kg), il y a toujours eu des fulgurances. Elles ont forgé à la légende de celui que la presse australienne avait surnommé le « One million dollars baby » après son transfert lucratif des Brumbies à la Western Force en 2007. Et puis, il y a le travail moins visible mais essentiel auquel Jonny Wilkinson a tenu à rendre hommage samedi soir. « Matt est exceptionnel. Il sait tout faire, a affirmé l’ouvreur anglais. Sans lui je ne pourrais pas survivre. Quand les plaquages volent, c’est lui qui en permanence m’apporte les informations et me guide. Je ne comprends pas que l’équipe d’Australie ait pu le laisser partir.»

Cette question, Eddie Jones se la pose aussi. L’ancien entraîneur des Wallabies est le premier à avoir lancé Giteau au niveau international à 20 ans. « Je l’avais vu dans un club de Canberra et la première fois que je l’ai fait venir au sein du squad, il n’était même pas professionnel », nous a rappelé Eddie Jones désormais sélectionneur du Japon. « Matt, je le mets dans le top 4 des joueurs les plus talentueux que j’ai pu diriger avec George Gregan, Joe Roff, et le Sud Africain Fourie du Preez. Si les Wallabies se décidaient à le rappeler pour 2015, son apport aurait une valeur inestimable. »

Pour l’heure, Giteau n’entre pas dans les plans d’Ewen McKenzie, l’actuel patron des Wallabies, et les Toulonnais peuvent s’en réjouir. Lui-même avouait dans une interview accordée au « Rugby paper » se sentir loin désormais du rugby international. « Je suis patriote mais je regarde les Wallabies en simple supporter, il faudrait que les Australiens soient stupides pour venir me chercher. Ils ont tellement de jeunes de talent. »

Ce qui est sûr, c’est que Giteau s’est épanoui dans le Var. « J’y suis merveilleusement heureux. » Et qu’il ne manque jamais de faire la promotion de Toulon et du RCT. Il y aime le style de vie sur les hauteurs de Carqueiranne, se réjouit de pouvoir nager chaque matin, même l’hiver, dans la Méditerranée. Il ne manque aussi jamais une occasion de tordre la mauvaise réputation du RCT à l’étranger. « La taille du carnet de chèques du président n’a qu’une influence relative sur le succès d’une équipe, affirme-t-il. Quand je suis dans le vestiaire de Toulon, je vois autour de moi beaucoup de grands noms excités comme s’ils avaient 18 ans par la passion que génèrent ce club et ces supporters, inspirés par le talent qu’il y a autour d’eux. »

Dans sa volonté de s’intégrer, Giteau a décidé de caler ses pas dans ceux de Wilkinson. « La façon dont Jonny m’a accueilli à Toulon en 2011 a été absolument fantastique, raconte-t-il. J’avais beau être un international expérimenté, j’étais assez nerveux. La manière dont il a été adopté par la ville m’a servi d’exemple. Depuis le premier jour, je me suis donné à 100 %. Cela a été l’une des expériences les plus gratifiantes de ma carrière. »

La saison prochaine Giteau va sans doute succéder à Wilkinson à l’ouverture. « Il sera notre numéro 10 en alternance avec Fred (Michalak), confirme Pierre Mignoni l’entraîneur des arrières toulonnais. Matt peut jouer partout, en 9, 10, 12, 13 ou 15. » Il peut même réussir d’hilarantes imitations de Bernard Laporte. « Mais il n’ose quand même pas les faire devant lui », s’amuse Boudjellal.

Source: sudouest.fr