Mourad Boudjellal évoque le monde de l’entrepreneuriat avec le RCT et Soleil

Mourad Boudjellal évoque le monde de l’entrepreneuriat avec le RCT et Soleil

9 avril 2014 - 14:25

10 Commentaires

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article_boudjellalokLors d’un long entretien accordé au magazine « Entreprendre », le président du Rugby Club Toulonnais, Mourad Boudjellal est revenu sur sa réussite au sein du RCT.

Il évoque ainsi la reprise du club, ses rêve de jeunesse, le monde de entrepreneuriat avec l’édition Soleil et ses futurs projets. Extrait:

Vous êtes l’homme qui a révolutionné le rugby pro. A Toulon, le RCT est devenu une entreprise à part entière…

« L’important était de réussir quelque chose d’incroyable et de construire à partir de ce qui existait. Réussir quelque chose d’incroyable consistait à faire venir les meilleurs joueurs du monde. Comment j’ai réussi à faire venir ces joueurs ? Je pense que j’ai eu de la chance, j’ai envoyé le bon mail au bon moment. Il y a toujours une part de chance, la chance vous sourit parfois sans réellement savoir pourquoi. Pour moi, le RCT est une marque qui correspond à une certaine logique, à une certain façon de voir les choses et de vivre. Lorsqu’on est éditeur, on fait des livres pour faire rêver les gens, quand on a une entreprise, on fait des produits qui font rêver pour créer un engouement auprès du public. »

C’était votre rêve de jeunesse ? 

« Quand j’étais gamin, je voulais être éditeur. Mais à l’école, on ne m’a pas appris ce qu’était une entreprise. On m’a enseigné pleins de trucs, notamment à tracer des fonctions, mais tout ceci ne me sert à rien aujourd’hui. Un jour, je me suis retrouvé à créer mon entreprise en ayant d’énormes lacunes car cela ne faisait pas partie de la culture scolaire que j’avais reçue. Pourtant, il me paraît important d’avoir des bases, et ces bases on ne me les a pas du tout données à l’école. Je n’ai pas fait de longues études, mais j’ai quand même fait un bac + 1, ce n’est pas énorme certes, mais j’estime qu’au niveau du bac, on devrait avoir quelques notions de l’entreprise. A mon époque, on n’en parlait pas du tout, cela ne faisait pas partie du cursus. J’ai donc monté une société sans même en connaître précisément les tenants et aboutissants. »

En 2006, vous déclariez à Libération ne vouloir rester qu’un ou deux ans dans le rugby. En 2014, vous êtes toujours là. Que s’est-il passé ? 

« Tout fonctionnait bien dans l’édition, j’avais réussi aux États-Unis et je me suis associé avec Gallimard, association qui me permettait une reconnaissance absolue dans le secteur de l’édition. J’avais réussi beaucoup de choses qui semblaient impossibles. Au départ, je pensais récupérer le RCT pour un an, je n’avais rien d’autre de programmé. J’ai donc décidé de quitter provisoirement le chemin de l’édition pour une autre destination. Reprendre le RCT était un challenge, je souhaitais voir comment j’allais m’en sortir. »

Vous êtes quand même précoce ! A 15 ans vous organisez un festival de la BD, à 20 ans vous ouvrez une librairie avant de devenir propriétaire des éditions Soleil à 30. D’où vient cette passion pour l’édition et plus particulièrement  pour la BD ? Pourquoi avoir cédé cette activité en 2011 ?

« Je ne m’en suis jamais vanté, je faisais toujours celui qui ne connaissait pas l’édition. A travers les discussions, les gens se rendaient compte que je connaissais mieux qu’eux le sujet. Il est inutile de se mettre en avant tout le temps et de prétendre que l’on a des valeurs, je trouve cela stupide. Brassens disait: « Je ne montre mon cul qu’à mes maîtresses et à mon médecin ». Quand on a un peu de pudeur, on ne parle pas de valeurs. Ce n’est pas quelque chose dont on parle, c’est quelque chose que l’on démontre au quotidien. En parler signifie que que l’on a besoin de se justifier et de prouver que l’on a des valeurs. »

Qu’est ce que pour vous la réussite ?

« On a réussi quand on a plus besoin de travailler, et que le travail devient un plaisir. Si vous êtes mis à l’abri et que vous n’avez donc plus besoin de travailler avec la possibilité de faire autre chose et que malgré le choix qui s’offre à vous, vous continuez quand même de travailler, cela signifie que vous travaillez pour le plaisir. C’est la réussite ultime. »

Quels entrepreneurs vous inspirent ?

« J’aime la réussite des gens qui sur une idée, sans grands moyens, vont faire beaucoup de mal à de grandes industries. Un jour quelqu’un s’est dit: « Pourquoi ne pas faire des rasoirs jetables ? », et son idée a causé beaucoup de tort au marché du rasoir électrique alors très florissant. Je pars toujours du principe que les idées sont plus fortes que les industries ou les empires. Trouver une idée à partir de laquelle on construit un empire: je suis toujours fasciné par ce genre de réussite. J’admire l’oeuvre de Steve Jobs, même si on peut le critiquer et qu’il existe différentes versions au sujet de sa réussite. Son idée de départ était magique. »

Comment dirigez-vous ?

« J’ai toujours pratiqué les 35 heures dans mon entreprise depuis 1990 avant même la loi Aubry. Je pars du principe que travailler 9h – 12h et de 14h à 18h suffit. Avec « ma garde rapprochée », les personnes avec qui je travaille étroitement, je n’achète pas du temps mais de la compétence et de la confiance. Quelqu’un peut travailler 12 heures sur une journée et ne pas venir travailler le lendemain, je m’en moque. Ce qui compte, c’est le résultat. On n’est jamais déçu. Au contraire, souvent on vous donne plus que ce que vous avez demandé. Je suis interventionniste, j’aime diriger et tout savoir. Je suis le chef d’orchestre et je ne veux pas qu’il y ait un refrain qui parte alors que je ne l’ai pas prévu. Je sais où je veux aller. Ma façon de gérer, c’est un ensemble de pièces d’un puzzle à plusieurs personnes dont j’ai en tête le dessin global. »

Quels sont vos projets d’avenir ? Vous parlez de nouvelles aventures… êtes-vous partant pour récréer quelque chose de zéro ?

« Je vais repartir dans l’édition mais pas dans le secteur de la BD. J’ai une grande idée, mais je ne souhaite pas en parler pour le moment. Je pense avoir trouvé une solution au problème actuel rencontré par le secteur du livre. Je peux me tromper, mais je pense avoir trouvé une idée qui va ringardiser le numérique. Le projet sera lancé aux alentours de 2015. Les gens vivent comme s’ils étaient immortels. Moi, je suis mortel et j’agis avec une logique de mortel. Je calcule donc le temps qu’il me reste à vivre avant de disparaître éternellement. Le temps me contraint donc de faire des choix par rapport aux projets que je mènerai. Ce sont des choix importants, même si dans l’absolu, cela ne représente rien. Il faut être prétentieux pour penser représenter quelque chose par rapport aux milliards de vies qui sont apparues sur terre depuis que le monde est monde. On vit tous grâce à l’illusion du présent. Ces réflexions peuvent me conduire à décider de faire le tour du monde, ou à mener des projets humanitaires pendant un ou deux ans de ma vie. »

Imaginez-vous entreprendre en dehors de la France ?

« J’y ai pensé car j’étais amoureux de Miami, je me sens bien dans cette ville. J’y ai séjourné deux ou trois fois par an et cela me faisait du bien. J’avais donc envisagé de faire quelque chose là-bas mais je me suis attaché à la France. Quelqu’un qui est entrepreneur en France peut l’être partout dans le monde aujourd’hui. Je suis un grand défenseur de la France et je pense que depuis que le monde est monde la majorité des grandes pensées, des grands penseurs, des grands philosophes et des grands écrivains ont écrit et ont pensé en Français. Dans les gênes d’un pays, c’est quelque chose d’important. Intellectuellement et culturellement, la France a une histoire très forte. »

La France est-elle un pays favorable pour entreprendre ?

« Aujourd’hui, pour être chef d’entreprise, il faut être un peu fêlé, il faut être un peu fou. Toute personne qui lit le Code du travail s’enfuit en courant. On stigmatise ceux qui créent. Nous sommes rentrés dans une logique où ceux qui parlent, ceux qui critiquent ont pris plus d’importance que ceux qui créent. On oublie tout simplement que s’il n’y a plus de créateurs, il n’y aura également plus personne pour les critiquer. S’il n’y a plus de créateurs, qui va produire des richesses et oser prendre des risques ? On parle de disproportions entre employeurs et salariés, mais il existe également une disproportion des responsabilités. On caricature ceux qui ont réussi mais parle-t-on des entrepreneurs qui ont eu leurs biens saisis, qui sont redevenus salariés et dont on a saisit une partie du salaire, de créateurs qui n’ont pas le droit au chômage ? Parle-t-on de temps de travail pour les entrepreneurs ? Lorsque l’on est entrepreneurs, les soucis sont omniprésents et ne laissent jamais de répit pour être en vacances. Quand n’y a-t-il plus d’échéances en fin de mois à satisfaire ? Quel mois dans l’année n’avez vous plus d’échéances à supporter pour pouvoir partir en vacances ? Il existe un très beau projet de loi pour que le salariés touchent un bonus sur les résultats de l’entreprise. Si l’entreprise obtient des résultats, c’est grâce aux salariés, je suis d’accord sur ce point. Mais a t-on dit un jour que si les résultats étaient atteints grâce aux salariés, ils étaient également responsables en cas de manque de résultat. A t-on déjà parlé de malus applicables aux salariés dans un tel cas ? On ne peut être responsable d’un côté et ne pas l’être de l’autre. On oublie les principes de bases, les gens demandent des garanties à vie, mais quel entrepreneur a une garantie du chiffre à vie ? Comment donner des garanties qu’on n’a pas ?  Même quand vous avez une entreprise qui marche, comment être sûr que cela va continuer à fonctionner dans le temps ? Ce n’est pas possible. Comment pouvez-vous être sûr que votre personnel va correspondre à l’évolution de la société et du marché ? Tout va si vite. »

Comment expliquez-vous votre réussite ? 

« J’ai su être discret sur mes échecs. Pas un jour ne se passe sans que je pense à mes origines modestes, c’est important pour réussir de ne jamais oublier d’où l’on vient et d’où on est parti. Je n’aime pas l’argent pour l’argent, mais pour ce qu’il permet de faire, pour les plaisirs que l’on peut se payer. Il est plus facile lorsque l’on a des soucis de les oublier le temps d’un instant en allant dîner dans un bon restaurant ou de pouvoir voyager. L’argent facilite la vie, c’est déjà énorme. »

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10 Commentaires

  1. Georges 9 avril 2014 at 14h- Répondre

    :-* :yes: .. » il est bon de parler de réformes,il est dangereux d’en faire « ..jactait ne savons plus qui ?:-) !!..nos cassandres Enarques politiques ne savent que les proposer depuis des décennies..mais les ENTREPRENDRE…plus personne !!..heureusement que quelques gars forgés à l’esprit de l’Entrepreneuriat sont là pour rappeler qu’il faille faire montre assurément de SAVOIR-FAIRE pour construire quelque chose dans la vie Sportive..ou autre…MOURAD est un de ceux là à l’entière satisfaction de notre Ovalie Ercétienne…épicétou…ALLEZ TOULON…

    • STEPHANE 9 avril 2014 at 16h- Répondre

      Salut @Georges… Remake à consommer sans modération du « Discours d’un Roi » et sans bégaiement. L’explication par le texte d’une vision politique, économique et sportive puis de la stratégie mise en place pour la réaliser. A diffuser dans toutes les écoles de commerce ou autres. Même de la seconde chance. Voire l’ENA. Mais là, je vous le concède, c’est plus gratiné !!… Aura sans doute éclairé la lanterne de beaucoup. Puis ça semble tellement simple maintenant que les résultats sont palpables. Mais ça n’était pas gagné d’avance, les amis…
      Pour les plus honnêtes et qui ont de la mémoire, le Président, sur la Rade, on l’appelait, souvenez-vous, « l’Arabe en Ferrari », avec cet accent bizarre, pas encore toulonnais mais celui, certainement, de la sincérité. Le surnom a fait long feu, un Umaga, un Gregan, un George Smith et un Botha plus tard… D’abord parce que Mourad Boudjellal sort sa Maserati au moins aussi souvent que sa Ferrari ; ensuite parce qu’un patron qui fait revivre le Rugby Club Toulonnais – je l’écris en toutes lettres pour les sponsors et les journaleux distraits – qui lui offre les meilleurs joueurs et veut en faire une référence en Top 14, même à Toulon, on dit « Respect » !…. On dit aussi « Bravo » et on lui donne du « Monsieur Boudjellal ». Mais attendez la suite avant de m’accuser de « Mouradophilie », je suis tout sauf naïf !…
      Puis il s’est trouvé un nouveau défi : propulser le RCT vers les sommets du rugby européen. Il est comme ça, Mourad… Homme de gros coups, de paris insensés et souvent réussis, d’excès, de bluff, de polémiques aussi stériles que jouissives ; du Guazzini pour le sens marketing et le show, du Aulas pour la mauvaise foi et l’exposition médiatique, du Qatari dans sa volonté de taper haut et fort à grands coups de chéquier. Le tout enveloppé dans une faconde narcissique, « tête à claque » et provocateur malin, faisant les délices des médias. Le personnage fascine, énerve ou exaspère. La vindicte alors se déchaîne sur les blogs et forums. Les fans toulonnais s’enflamment, la fierté chevillée au corps avec ce sentiment d’écorchés vifs pensant que la terre entière leur en veut !… ça vit, ça débat, ça castagne, ça remplit les stades et les colonnes des « canards »… ça fait parler du Rugby comme jamais auparavant et, surtout, ça détourne les « scuds » tirés sur le club. Pendant ce temps, Bernie et son staff travaille, l’équipe se soude, même dans la difficulté, tranquille et c’est souvent la marque des grandes équipes.
      Alors on peut être les censeurs des uns, avocats des autres mais cette humeur chafouine n’est que l’expression d’un moment donné, d’une incompréhension passagère, méridionale et foutrement humaine en sorte. Celle d’un peuple rêvant de «l’Inaccessible Bout de Bois»… Bref, celle d’un peuple qui à la trouille : la bonne, la seule, l’unique, celle de réussir. Mais il faut la surmonter. Et si l’évolution de ce sport peut effrayer, elle est toutefois nécessaire et régénératrice. Il est aussi vrai qu’elle ne procure pas de blanc-seing et personne ne connait les secrets des Dieux d’Ovalie.
      Alors, SVP, profitons de l’instant présent avec nos pépites, le temps des regrets arrivera suffisamment tôt, lorsque le soufflé médiatique sera retombé et que la guéguerre entre instances internationales, fédérales et clubs reviendra nous pourrir la vie. Mais pour la suite du Championnat et de la H-Cup, faites confiance au Prez car il ne mène pas si mal sa barque depuis 8 ans. Et, de grâce, ne doutez plus : la loi du sport décidera. Si elle est Toulonnaise, alors on bouffera du trophée à pleines dents…

      Allez Toulon.

      • Georges 9 avril 2014 at 17h- Répondre

        :yes: :yes: Salut @ STEPHANE..te verdis pour ton exposé..et pis…comme tu n’as pas exagéré en annihilant tes…points de suspension habituels.. :rotfl: et en oubliant d’en terminer par la poésie d’une citation..on ne pourra plus dire que nous postons sous PSEUDOS changeants…ce serait déjà pas mal..A plus l’Artiste…ALLEZ TOULON…

        • STEPHANE 9 avril 2014 at 18h- Répondre

          Je crois sincèrement que les blogueurs auront depuis longtemps fait le distingo… Seuls quelques nuisibles bordonneront encore à nos oreilles. Mais je fais confiance à notre modérateur pour pulvériser le « fleetox » salvateur et le « Morocon » anti-troll de rigueur… Sinon,Georges, le malfaisant qui oserait critiquer ma faculté de citer, selon mes humeurs ou mon bon gré et toujours dans un but pédagogique ou de marade, n’est pas encore né !!… « Eduquons », du moins dans ma bouche, n’est toujours pas un gros mot.

  2. INCREDIBLEBOY 9 avril 2014 at 15h- Répondre

    Pour suivre des études prolongées ou les chansons de Brassens il faut de la mémoire!Les paroles issues des Trompettes de la Renommée sont: »Je ne fais voir mes organes procréateurs à personne exceptés mes femmes et mes docteurs »ce qui est quand meme beaucoup plus poétique!

    • Georges 9 avril 2014 at 15h- Répondre

      :yes: 😎 ..et pis… »Si le public veut des honneurs,je les sors dare-dare–S’il n’en veut pas,je les remets dans ma guitare–Refusant d’acquitter la rançon de la gloire–Sur mon brin de laurier « Ercétien »..je m’endors comme un loir ! « …Trompettes de la Renommée…vous êtes mal embouchées….Allez TOULON…

  3. Valéria 9 avril 2014 at 16h- Répondre

    :kissing: ils sont bien ces Georges !!

  4. Georges 9 avril 2014 at 16h- Répondre

    :-* ..Salut..ma petite agreg de philo..t’as vu..Bac plus UN quand même MOUMOU..tu vas lui refiler qqs leçons de philo pour qu’il nous embellisse encore plus poétiquement nos soirées ovaliennes…épicétou…Allez TOULON…

  5. Sylius 9 avril 2014 at 16h- Répondre

    Article agréable à lire. J’apprécie tout particulièrement sa dernière réponse. Contrairement à d’habitude il n’en fait pas trop sur ses origines et Ô miracle il ne nous sort pas l’éternel refrain du FN aux commandes de la ville.
    Bref, il est intéressant dans ce rôle. Mais pourquoi n’y reste t-il pas plus souvent ?

  6. MaestriPasUnMaestro 9 avril 2014 at 20h- Répondre

    Mourad t’es juste une référence exceptionnelle et unique… j’t’admire!!