Bernard Laporte était plutôt serein, hier, en débarquant en conférence de presse. Détendu même. Son équipe venait de faire le boulot en s’imposant largement devant Oyonnax (46-17), avec le bonus offensif. Oui, il avait tout pour être heureux, avec la qualification directe ainsi en poche et devant lui deux semaines pour préparer la demi-finale contre le Stade Français ou le Racing-Métro. Mais, soudain, au moment de parler des trois géants qui pour la dernière fois de leur carrière ont foulé la pelouse du stade Mayol – Carl Hayman, Bakkies Botha et Ali Williams –, le manager toulonnais s’est mis à vaciller. « Ce sont des pros, des grands hommes, a-t-il commencé. Avec eux, tout est droit. Bravo à eux. Ils ont aidé Toulon à devenir Toulon. » Puis son débit s’est ralenti, et les larmes lui sont montées aux yeux. « Peut-être que quand ils auront quitté Toulon, on ne se verra plus de notre vie.  Avec ces gars-là, jamais je n’ai senti que j’avais affaire à des mercenaires comme on les a souvent appelés. Oui, je suis ému. Ça fait quelque chose de les voir partir. » Avant Laporte, c’est Mayol qui avait salué, debout, deux de ses héros sortis en cours de match : d’abord Botha (57e), puis Hayman, sept minutes plus tard. « Cette standing-ovation, je vais m’en souvenir toute ma vie, avoua le capitaine du RCT. On a partagé tellement de choses en cinq ans. Ici, pour moi, c’est comme une deuxième famille. Quand je suis arrivé, ce n’était pas forcément facile. Si on m’avait dit que j’allais jouer autant de finales… » Cinq à ce jour pour Hayman. Avec quatre titres à la clé. Célébré par Laporte, l’ancien pilier all black (35 ans, 45 sél.) y est aussi allé de son hommage à son manager :« J’ai beaucoup de respect pour lui. Je n’avais jamais vu un entraîneur se mettre en colère comme lui. »

Il y avait donc hier, à Mayol, un parfum d’adieu. Il reste cependant au moins un match à jouer au RCT, premier de la phase régulière comme la saison dernière, et donc qualifié directement pour les demi-finales. « Il n’y a qu’en rugby où le premier n’est pas champion », regrettait à ce sujet Laporte, qui a couché dans son programme de candidat à la présidence de la FFR la suppression des phases finales du Top 14. Pour l’instant, les règles étant ce qu’elles sont, le leader du Top 14 a encore deux rencontres à gagner pour glaner un nouveau titre.

BOUDJELLAL : « À DEUX MATCHES D’UN TRUC  INCROYABLE »

Et les retraites programmées d’Hayman, Botha et Williams vont encore servir de moteur à cette conquête, même si Juan Fernandez Lobbe veut laisser de côté les émotions. « Il ne faut plus trop parler de sentiment. J’espère qu’il reste deux matches à jouer pour les monstres qui vont nous quitter. Et qu’on pourra faire la fête à Paris après la finale du Top 14. Ces gars nous donnent de la force. On a deux semaines pour préparer une grosse demi-finale. »

L’Argentin parle comme s’il découvrait le monde merveilleux des demi-finales. Pourtant, il s’y retrouve pour la quatrième année d’affilée. Mais ni cette habitude, ni le titre européen décroché au début du mois face à Clermont (24-18), ne semblent avoir tari l’appétit des Toulonnais. « On est sur la route d’une huitième finale de suite. C’est excitant. Chaque début de saison, on a envie de tout gagner », explique le centre Maxime Mermoz.

Le même désir coule dans les veines de Mourad Boudjellal, le président varois. Hier, au micro sur la pelouse pour rendre hommage aux trois monstres, le président a lancé un message clair à tous les supporters du RCT : « On est à deux matches d’un truc incroyable. Et on va le faire. » Le « truc incroyable », c’est le doublé du doublé, gagner deux années de suite la Coupe d’Europe et le Top 14.

Source: lequipe.fr