Toulon, à 80 minutes d’entrer dans la légende
Toulon, à 80 minutes d’entrer dans la légende
Le vendredi 1 mai 2015 à 14:12 par David Demri
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On aime ou on déteste, après tout. Mais force est de reconnaître que le personnage de Mourad Boudjellal
est hautement fascinant, de par sa faconde, sa versatilité, sa culture, ses contradictions. Capable en pleine
conférence de presse d’oser une référence à Brassens (« qu’on se pende ici, qu’on se pende ailleurs, s’il faut se pendre… ») puis de prôner le contraire en vitupérant face au choix de Twickenham pour héberger la finale. De se muer en pornographe du phonographe (« ma libido va bien, merci Jacquie et Michel ») pour le plaisir d’une provocation. De chanter pour l’Auvergnat plus fort que Tonton Georges lui-même, en désignant « l’armée auvergnate » comme le grandissime favori pour le gain d’une Coupe que son équipe vient de remporter par deux fois.
Du show ? Peut-être. Mais à la vérité, c’est surtout de par sa sincérité que le président varois s’en trouve désarmant, en particulier lorsque ce dernier évoque son angoisse de « perdre quelque chose qu’on avait gagné, un sentiment qu’on ne connaît pas. Je me prépare à cela pour samedi, à ne plus être champion d’Europe. À ne plus être qualifié dans les médias de ce terme qui flatte l’ego et la libido ». On est bien loin, ici, des Trompettes de la renommée chères à Brassens, de cette rançon de la gloire que le poète Sétois refusait d’acquitter en s’endormant comme un loir sur son brin de laurier. N’empêche que l’aveu est touchant. Et masque bien mal l’objectif ultime de Mourad Boudjellal, celui d’entrer dans la légende… « On a cette possibilité de faire quelque chose qui semblait impensable il y a neuf ans et demi, soufflait le président face aux micros. À l’époque, j’avais ma maison d’édition et on m’a proposé de reprendre un club de rugby en Pro D2, avec une histoire mais plus d’avenir. J’avais dit, pour faire une belle formule, que j’allais tout faire pour en changer le destin. En gagnant samedi, on pourra dire qu’on a réussi. Car même si l’on a gagné des titres, réaliser le triplé que personne n’a jamais réussi serait gravé à tout jamais. » Ou comment passer de Brassens à Brel : rêver un impossible rêve…
LE PIÈGE DE L’ÉMOTION
Alors, inaccessible, cette troisième étoile, quand bien même le RCT porte en lui le chagrin des futurs départs des Hayman, Botha, Williams, Masoe et consorts ? Boudjellal ayant choisi à ce sujet la voie de la provocation, il convient alors ici de se retourner en direction de Bernard Laporte, le manager qui a placé la dernière saison de ses vieux soldats au coeur de sa préparation mentale. « Il y a toujours une part d’émotion avant une finale. L’an dernier, Jonny Wilkinson est sorti par la grande porte. Ceux qui vont partirne sont pas des gens qui extériorisent beaucoup,
même si Carl Hayman est capitaine. Les Ali Williams, Bakkies Botha, Chris Masoe, ne sont pas des personnes
qui parlent. Ils dégagent de la force. C’est moi qui aimerais qu’ils sortent par la grande porte. Ce sera probablement à moi de le dire… »
Autant dire que le discours de Laporte est d’ores et déjà trouvé, quand bien même il s’agira d’éviter de surjouer dans l’émotion, ainsi que cela sembla être le cas en demi-finale à Marseille, où les vieux grognards allèrent jusqu’à commettre des fautes de cadets. « Peut-être y avait-il en effet un peu trop d’émotion mal canalisée, convenait le talonneur Guilhem Guirado. Nous avons commis pas mal de petites fautes qui peuvent paraître anodines en championnat mais qui ne le sont plus dans les grands rendez-vous. Heureusement, cela s’est bien terminé pour nous. Comme c’est passé contre le Leinster, on se dit qu’il valait mieux que cela arrive en demie qu’en finale… »
GITEAU : « LA LÉGENDE, ON L’ÉVOQUERA À 60 ANS… »
Une finale avant laquelle les Toulonnais ont pour eux l’avantage de l’habitude. Une donnée forcément non négligeable, dont Laporte avouait tout de même avoir du mal à quantifier la portée. « On peut dire que les joueurs ont l’habitude de ce genre de match, bien sûr. Mais chaque match, chaque finale est une nouvelle histoire. La seule chose dont je suis sûr, c’est que les joueurs ont démontré en demi-finale qu’ils avaient encore faim. Alors que je pensais le match perdu au moment du carton jaune d’Ali Williams, la bête blessée s’est rebiffée pour vaincre le Leinster. »
Au point de trouver les ultimes ressources dans sa quête de l’impossible ? « Je l’ignore, souriait Matt Giteau. La légende, c’est surtout un truc qu’on évoquera à 60 ans, lorsqu’on se retournera sur notre carrière. Déjà l’an dernier, on n’évoquait jamais vraiment le doublé entre nous. De toute façon, si on perd, plus rien ne restera. »
Alors, à quitte ou triple, cette rencontre ? Dans sa légendaire mesure, Mourad Boudjellal ne semblait mardi pas loin de le penser. Alors, la musique adoucissant les moeurs, on tentera là encore de rassurer le président avec Brassens : « Muguet, sois pas chicaneur, Car tu donnes du bonheur pas cher à tout un chacun ; brin de muguet, tu es quelqu’un. » D’ores et déjà. Et plus si affinités…
Source: Midi Olympique
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