«Indispensables. » « Exemplaires. » « Increvables. » Chez ceux qui côtoient quotidiennement le troisième ligne lyonnais George Smith et son homonyme toulonnais, Juanne, les épithètes varient mais pas le portrait brossé de ces deux monstres sacrés de notre sport. À leur âge bientôt canonique, (34 ans pour l’Australien et 33 ans pour le Sud- Africain), nos braves soldats de l’ombre pourraient pourtant être tentés de lever un peu le pied et profiter de la douceur de vivre offerte par notre pays. Mais ce n’est ni dans le caractère ni dans l’éducation reçue par ces deux immenses champions. Malgré leur palmarès éloquent, George et Juanne Smith ne sont toujours pas lassés de revêtir leur costume de guerrier et partir tous les week-ends au combat. S’ils ne seront pas directement opposés, ils frétillent à l’idée de croiser à nouveau le fer sur une pelouse. Ils ne se sont plus affrontés depuis septembre 2009. Lors du match aller le 22 décembre à Mayol, le Bok était sagement resté assis sur le banc.

Juanne et George Smith, c’est l’histoire d’une longue rivalité commencée le 7 mars 2003 en Super 12 et prolongée maintes fois à l’occasion des Tri-Nations et du championnat des provinces de l’hémisphère Sud. C’est aussi l’histoire d’un combat de lourds marqué du plus profond respect. Dans leurs confrontations directes, ils sont à égalité parfaite : 9 victoires partout. George mène les débats d’une courte tête en Super rugby (3 succès en 5 parties) mais est légèrement derrière avec l’équipe d’Australie (6 victoires en 13 matchs). Barrière de la langue oblige, ils ne sont pas capitaines de leur équipe respective. Mais cela ne les empêche pas d’être devenus des courroies de transmission essentielles au bon fonctionnement du Lou et du RCT.

DES CINQUANTENAIRES TOUJOURS AUSSI VERTS

Pour Juanne Smith, ce n’était pas forcément gagné. Après vingt-huit mois de doutes, de souffrance et d’inactivité mais aussi cinq opérations d’un tendon d’Achille, le champion du monde 2007 n’a pas laissé passer la chance inespérée offerte par le club de la rade. Le puissant flanker des Springboks que l’on donnait perdu pour le rugby a su progressivement retrouver ses repères et redevenir ce redoutable hachoir à découper en morceaux ses adversaires. Il a su monter en puissance et garder le meilleur pour la fin en inscrivant un superbe essai lors de la finale de Coupe d’Europe l’an dernier. La marque d’un champion d’exception à la force mentale exceptionnelle.

Depuis son rappel chez les Boks l’été dernier, après quatre ans d’absence, Juanne Smith n’en finit plus d’enchaîner les performances de très haut niveau. Cet excellent joueur de touche est très certainement l’avant le plus régulier du pack des Rouge et Noir. Même en plein coeur de la tempête comme lors du dernier déplacement à Bordeaux, il est souvent le seul à surnager. Voilà pourquoi Bernard Laporte ne peut véritablement plus s’en passer (21 matchs et 16 titularisations) et le club s’est empressé le mois dernier de prolonger son contrat jusqu’en 2017. Samedi soir, Juanne Smith fêtera son 50e match sous le maillot toulonnais. Pour le moment, sa feuille de stats est vierge de tout carton jaune Cela ne l’empêche pas de se montrer féroce au plaquage et saignant au niveau de l’engagement.

Pour son homonyme rhodanien, George, l’équation était complètement différente. Débarqué à Lyon, dans les valises de Tim Lane, l’ancien capitaine des Wallabies a prouvé qu’il n’avait rien perdu de son aura et de sa classe. Et pourtant, il ne joue pas à son poste de prédilection. Celui de flanker sur le côté ouvert. Sa constance impressionnante et ses 111 sélections glanées en équipe d’Australie lui ont valu de rentrer dans le cénacle très fermé des légendes de ce jeu. En déficit de puissance au niveau de son pack, le Lou préfère utiliser « Mister George » en numéro 8. Smith est avec Emmanuel Felsina l’un des seuls à dominer vraiment les impacts. Il n’a pas encore joué à la mêlée ou au centre comme il l’avait fait lors de son passage en 2010-2011 au RCT, mais ce surdoué du rugby a toujours cette capacité ô combien précieuse de faire jouer après lui.

Ce recentrage ne prive néanmoins pas George Smith de dessert. Même s’il laisse pas mal de jus dans le combat au corps à corps, il continue à prendre un malin plaisir à ralentir les sorties de balle adverses. Le tout sans s’attirer les foudres des arbitres français. Il n’a encore reçu aucun carton jaune à Toulon, Paris et Lyon. Le Matmut stadium devrait sans surprise lui réserver un tonnerre d’applaudissements lors de son entrée sur le terrain. Smith disputera son 50e match de Top 14, sa 355e rencontre depuis ses débuts chez les pros en l’an 2000. De quoi forcer le respect !

Source: Midi Olympique