Le Blog à la rencontre de Philip Fitzgerald
Le Blog à la rencontre de Philip Fitzgerald
Le mardi 14 mai 2013 à 13:56 par David Demri
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Le vendredi 10 mai dernier, l’équipe du Blog a eu l’honneur de s’entretenir avec l’ancien talonneur du RCT, Philip Fitzgerald. Le plus Toulonnais des Écossais a évolué sous le maillot Rouge et Noir pendant plus de dix ans avant de prendre sa retraite en 2010.
Lors de cet entretien, il revient sur divers sujets tels que ses années professionnelles en tant que joueur à Toulon avec quelques anecdotes, son quotidien après sa retraite sportive et il nous livre ses pronostics pour la saison actuelle du RCT.
Tu as pris ta retraite sportive en 2010 après avoir évolué pendant plus de dix saisons au Rugby Club Toulonnais. Peux-tu nous raconter ton quotidien depuis que tu as arrêté le rugby ?
J’ai fini le rugby en juin 2010 et à partir de là j’ai commencé la rédaction de ma thèse. Ça faisait six ans que je faisais des recherches et il ne restait plus qu’à l’écrire. Il m’a fallu quand même quatorze mois pour le faire, donc de juin 2010 jusqu’à la soutenance en novembre 2011. Je me suis ensuite inscrit à l’école des avocats de Marseille car le doctorat nous permet de rentrer à l’école. Actuellement je termine la formation qui dure deux ans. Il y a trois phases à faire : six mois en école avec des cours, six mois de stage souvent en entreprise et six mois de stage dans un cabinet d’avocat. Là je suis dans la dernière phase, le stage en cabinet d’avocat avec Maîtres Philippe Camps, Laurie Franchitto et Laurent Gavarri. Ce stage se terminera au mois d’août puis je vais devoir passer le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat) pour devenir avocat. Ce sera la dernière étape de ma vie étudiante après m’être inscrit à la fac en Ecosse en 1995 où j’ai fait quatre ans, puis avoir fait deux troisièmes cycles ici, puis la thèse et enfin l’école d’avocat.
Depuis ta retraite sportive, tu consacres donc tout ton temps à tes études ?
La rédaction de ma thèse a pris tout mon temps, oui. Mais j’ai pu, tout de même, donner un coup de main à l’école de rugby avec les minimes du RCT.
Pourquoi as-tu décidé de rester à Toulon et de ne pas rentrer en Ecosse auprès de tes proches ?
J’avais commencé quelque chose ici et je voulais aller au bout. Ça voulait donc dire : finir la thèse et faire l’école des avocats. C’était le défi que je m’étais lancé et je tenais vraiment à boucler la boucle car je suis venu en France pour les études en année Erasmus. Je ne voulais pas laisser l’histoire inachevée.
Avant de venir en France, tu jouais déjà au rugby ?
Oui, j’ai commencé le rugby à l’âge de 8 ans en Ecosse. Avant de venir jouer en France j’avais déjà joué pendant 12 ans, notamment en Australie, au club de Manly (Sydney) pendant trois mois. C’était la fin de la saison en Ecosse et c’était juste avant de venir en France en Erasmus. Donc pendant trois mois nous étions trois Écossais qui avaient fait partie de l’équipe d’Ecosse de – 21 ans à partir là-bas jouer pour acquérir de l’expérience et voir autre chose.
Fréquemment on peut te lire dans Var-matin avec la rédaction d’un billet. As-tu complètement coupé les ponts avec le rugby ? Tu n’as pas eu envie de te reconvertir dans le rugby en devenant entraîneur des avants par exemple ?
Oui, les billets dans Var-matin c’est une façon de rester en contact avec le rugby. Mais à moins de jouer ou de s’impliquer sur le terrain en tant qu’entraîneur, c’est à dire être présent et donner de son temps, c’est assez difficile de rester dans le milieu . Quand le rugby est terminé au niveau pro, c’est le contrat qui est terminé, donc il faut vite passer à autre chose. Pendant deux ans j’ai donné un coup de main à l’école de rugby, c’était intéressant. J’ai appris à voir le rugby autrement. Ça m’a permis de revenir en arrière et de me rappeler comment c’était lorsque j’avais 13 ou 14 ans, le bonheur que doit être le rugby à cet âge là et le plaisir que l’on doit prendre. Couper les ponts c’est un grand mot mais je pense que si tu as fini avec le rugby professionnel et que tu ne comptes pas faire d’autres saisons à un autre niveau ou devenir entraîneur, il faut vite passer à autre chose et s’occuper de ce que tu vas faire par la suite.
Tu n’as pas été intéressé par l’idée de devenir entraîneur ?
Non, pas plus que ça car j’avais en tête de terminer mes études. C’était vraiment la priorité.
As-tu eu des propositions d’autres clubs lorsque ton contrat est arrivé à terme avec le RCT ?
Oui, j’ai eu une proposition à Nice, et une proposition à la Seyne. La Seyne ça aurait pu être possible mais c’était quand même une implication importante avec au moins trois entraînements par semaine, des déplacements et des matches le week-end. Je ne voyais pas comment j’allais continuer. Tu ne peux pas faire les choses à moitié. Si tu veux être bon sur le terrain il faut faire tes séances d’entraînement, il faut faire la muscu à côté. Je n’avais pas le temps avec la thèse. Je voulais consacrer tout mon temps à la thèse.
Tu as joué pendant plus de dix ans à Toulon. Peux-tu nous donner tes meilleurs souvenirs avec le RCT ?
Les deux montées, mais surtout la première montée en 2005. En 2008 c’était super aussi mais c’était une montée programmée alors qu’en 2005 c’était une surprise. On ne s’attendait pas à ce que Toulon monte. On a été premier après deux ou trois mois et on est resté premier jusqu’à la fin avec un groupe très soudé, beaucoup de bons moments et surtout avec un dernier match à la maison contre Tarbes où on gagne. On est ensuite monté dans le camion, on a fait le stade à Mayol à la mairie en camion au milieu de la foule… c’était incroyable. A Oyonnax aussi, où Martin Pearson marque trois points de 60 mètres ou de 55 mètres pour gagner le match. Comme quoi la réussite ça tient à cela, car il nous fait gagner deux ou trois fois dans la saison à la fin du match. Je me rappelle aussi du premier match de la saison avec Tana Umaga en tant qu’entraîneur… je crois que c’était contre Béziers en Pro D2. On avait fait trois mois de préparation physique et on a fait un très gros match à la maison en mettant 40 points à Béziers. Et l’année d’après, lors du match contre Clermont en Top 14, où on perd 13 à 00 à la mi-temps, on croit que c’est cuit et il se passe quelque chose. C’est David Banquet qui marque un essai sur 22 mètres. Je croyais que Mayol allait exploser.
As-tu gardé contact avec des joueurs de l’époque ?
Disons qu’on se perd un peu de vue. On est ensemble pendant un, deux, trois ans voir plus, car avec Gia Labadze et Martin Jagr on a passé dix ans ensemble. Après, chacun a une nouvelle vie qui se créé et on ne se croise pas forcément, même si on essaye de prendre un peu des nouvelles. Ce sont des moments intenses, après il faut essayer de garder des contacts mais ce n’est pas toujours évident.
Quels étaient tes meilleurs potes lorsque tu évoluais au RCT ?
Martin Jagr et Gia Labadze ça reste particulier car on est resté dans les années où il n’y avait pas grand monde au stade avec des matches compliqués et où Toulon ne faisait pas rêver, faut l’avouer. On a connu des montées, on a connu le RCT qui jouait en bas du tableau, en Top 14. Ces années ensemble et ces périodes différentes ça soude vraiment. Avec Tom Whitford aussi puisqu’il a passé de nombreuses années au club en tant que joueur et depuis il est passé manager mais ça a créé beaucoup de liens aussi. Avec Camille Traversa également même si on jouait le même poste. On essayait de trouver les moyens d’être les meilleurs possibles.
Pendant tes années à Toulon, as-tu eu des propositions sérieuses venant d’autres clubs ?
Oui, en 2000 lorsque le club est descendu, j’ai eu deux ou trois propositions. En 2005 et 2006 ça aurait pu se faire avec Glasgow. La première année il y a eu un contact assez sérieux mais il n’y a pas eu de suite finalement. La deuxième année c’était encore sérieux mais la troisième province Écossaise a disparu de la carte donc les talons internationaux sont allés dans les autres clubs et c’était cuit.
On imagine que tu t’intéresses toujours aux résultats du RCT… Vas-tu encore au Stade Mayol pour voir les matches ?
Je ne vais pas trop au stade, je regarde souvent à la télévision. Le Top, 14 j’adore.Je trouve que c’est le meilleur championnat. Les autres championnats je ne regarde presque jamais, tout ce qui est Super 15 et même le championnat Anglais, je ne regarde pas. Il y a vraiment quelque chose en plus dans le Top 14 : de la qualité et de l’engagement. Toulon je regarde dès que possible. Je trouve que le RCT fait une saison extraordinaire avec beaucoup de victoires à l’extérieur dans la première partie de la saison. Après ils connaissent un mois de janvier difficile… Je pense qu’à l’intérieur du groupe ils doivent savoir pourquoi ça c’est passé comme ça. Dans une saison c’est difficile d’être toujours au même niveau. Ensuite ils ont eu cette façon de planter souvent des essais en fin de match. C’était un peu la formule pendant de nombreux mois. C’est une saison magnifique mais avec le titre ça reste à jamais. Sans le titre, c’est vrai que tu peux faire de belles saisons, mais du deuxième ou troisième on s’en fout. C’est ce qui est inscrit sous le bouclier qui compte.
Toulon joue sa finale Européenne contre Clermont samedi… tu peux nous donner ton pronostic ?
Je vais regarder le match en rediffusion car je serai ce jour là en séminaire à Malte pour donner une conférence sur le sujet de ma thèse dans le cadre d’un congrès de l’Académie de droit européen. Clermont est une très belle équipe mais c’est une finale et je crois que Toulon a tout pour gagner sur 80 minutes, même avec les prolongations… ils ont les individualités, ils ont l’esprit collectif, ils ont le staff, ils ont les pièces maîtresses, ils ont tout. L’équipe en face est aussi très très bonne et c’est sûrement l’équipe la plus constante depuis le début de la saison.
Trouves-tu que le rugby a changé par rapport aux années où tu étais encore joueur ?
Dans le fond je pense que ça reste pareil. Au niveau humain et au niveau des ingrédients ça reste la même chose. Maintenant les joueurs sont de plus en plus professionnels… est-ce qu’ils affinent un peu la préparation des joueurs pour qu’ils puissent donner le meilleur… oui c’est possible. Quand le rugby est devenu professionnel, les joueurs sont devenus plus costauds car ils se préparaient comme de vrais athlètes avec la musculation. En 1997 / 1998, j’étais avec les juniors et on s’entraînait trois fois par semaine le soir et on faisait quelques séances de musculation à côté. Ma première année en équipe une, c’était en 1999 et on s’entraînait encore le soir avec des séances de physique et de muscu la matinée. Pour ceux qui bossaient, ils faisaient ça entre midi et deux. En 2004 et 2005 c’était entraînement l’après-midi pour tout le monde, c’était devenu professionnel. Lors de ma dernière année de rugby en 2010, la préparation physique était vraiment pointue avec des installations à Berg et un beau centre de musculation.
Quels ont été les entraîneurs qui t’ont marqué et ceux avec qui tu as eu le plus de complicité ?
J’ai vraiment eu la chance d’avoir des entraîneurs qui jouaient au même poste que moi, en première ligne. Il y a eu Serge Luca que j’ai eu en junior en 1998, Manu Diaz, Eric Dasalmartini. Ils connaissaient mon poste donc ils me donnaient des conseils spécifiques. Ça sentait le vécu et ça compte toujours. Je me rappelle également de Jean-Jacques Crenca. Après… avoir eu Tana Umaga comme entraîneur c’est un rêve. C’était une présence, un charisme, une approche du rugby qui apportait tout son vécu.
On a parlé du dopage dans le rugby récemment. Tu peux nous donner ton avis sur le sujet et nous dire si tu as déjà assisté à des pratiques douteuses dans les années 2000 à 2010 ?
J’ai fais 10 années ou 11 années en tant que professionnel et je n’ai jamais assisté à quoi que ce soit. Je n’ai jamais eu de proposition et je n’ai jamais senti d’organisation collective au niveau du dopage. Je pense que le but est de mettre tous les moyens en oeuvre pour éviter que ça arrive. Maintenant, ce que j’ai vu, ce n’était que du propre. J’ai vu des joueurs s’entraîner, manger correctement en faisant très attention à leur hygiène de vie. Après, ce qu’ils faisaient chez eux, je n’ai pas de soupçons. Après on cherche parfois la polémique et ça donne lieu au débat forcément. Mais il faut en parler et en débattre parce que dans d’autres sports aussi on a la preuve qu’il se passe des choses. Après je ne suis pas choqué par les propos de qui que ce soit, c’est le débat et il faut débattre de tout. J’ai d’ailleurs réalisé mon mémoire de DEA sur la lutte contre le dopage dans le droit communautaire. Si j’avais assisté à quelque chose et si quelque chose m’avait marqué, je pense que je n’aurai pas eu du mal à en parler aujourd’hui.
Que vas-tu faire après ton école d’avocat et après avoir prêté serment ?
Il faut d’abord passer le CAPA car les dernières épreuves sont très dures. Pour le moment je suis en stage avec Maîtres Philippe Camps, Laurie Franchitto et Laurent Gavarri, ça se passe très bien, je suis très bien reçu et j’apprends beaucoup. Maintenant, il reste environ quatre mois, c’est l’apprentissage qui continue et il faudra voir plus loin et mettre en avant les compétences que j’ai acquis avec ces années d’étude.
Nous tenons à remercier Philip Fitzgerald pour sa disponibilité et sa gentillesse.
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14 Commentaires
Très intéressant cet article. En tant que supporteur je trouve important d’avoir des nouvelles des anciens joueurs, merci.
Des noms qui font bcp bien à lire… Manque peut-être Alazet & Orsoni l’attelage de la fameuse année 2005, Chacha Conzett dans le genre essai de 20m autobus à la Banquet, Jason Madz notre Giteau de l’époque
N’empêche c’était bon, on jouait peut-être Tyrosse Tours ou Bourg-en-Bresse mais l’amour de mon club que j’ai forgé durant ces 7 années est – je pense – bien différent de celui que ressentent les nouveaux jeunes supporters devants nos stars actuelles. Pas de critique hein, je dis juste que Labadze Jagr Fitzy donc etc etc… c’était bon!
Et ce parcours sportif + pro est pour l’instant tout simplement un parcours de rêve, le 2èùe plus beau qu’il m’ait été donné de voir après celui de Contepomi. Il faut réaliser que les mecs réalisent en 1 vie ce qu’on n’arriverait pas à faire en 2
J’ai longtemps rêvé d’un Flower of Scotland à Mayol pour sa dernière, mais la Bonnus B et le reste du stade avait déjà changé…
😳 🙄 😉 💡 ….. » men sana in corpore sano… »…un esprit sain dans un corps sain…c’était déjà la fin d’une autre époque sans doute…billant esprit que FITZY…lorsqu’on songe aux débordements » footeux » de cette bande de voyous et racailles qui garnissent aujourd’hui leurs après matchs…l’Ovalie n’en est pas encore là…heureusement…encore que sur certains blogs et forums on est pas encore très loin de les rejoindre…et pendant ce temps là un certain Ministre de l’Intérieur parle de… » simple bousculade « …sic..sic..sic…prions qu’un jour les gens de la FFR ne soient pas obligés de payer la police pour en faire régner un semblant d’ordre……et pis c’est tout…ALLEZ TOULON…et inspirons nous de l’exemplarité de notre ancien talon….grandiose son parcours…..
Fitzy est un grand monsieur, un véritable guerrier qui ne se cache jamais…. Lui, labadze, jarg etc étaient des vrais lions…. Je me souviens de ce match » engagé » ou Labadze c’est « illustre » grâce auquel il a été engagé Au RCT…. Je pense que Georges pourra donner plus de détail que moi 😉
Je ne crois pas que Gia ait joué contre Toulon dans sa carrière
Par contre lors d’un Toulon – Tarbes un match légèrement musclé les multiples accrochages entre Gia et Soane Toevalu avaient en effet eu pour conséquence le recrutement de ce dernier l’année suivante!
@jeremie exact, tu as raison
😉 Le plus Toulonnais de tous les Écossais.
« Fitzy de Toulon »
Philip Fitzgerald, Martin Jagr, Gia Labadze, Jay Bronson, Besiki Kamashuridze l’antilope, Jason Madz, Chacha Conzett, Martin Pearson, Seb Bégnis, Manu Prospero, Frank Chouquet, Botha Rossouw, Maya Koita, Steph Guyot, Rudy Cheron, Christophe Rivier, Mimi Périé, Stephane Franchini, Marc De Rougemont, Jean Luc Aqua, Laurent Guétard, Pierre Negre-Gauthier, Cyril Schuwer, Gregory Tutard, Guy Jeannard et … Jean Passe…
C’est autant grâce à eux, qui comme Philip étaient là quand ça allait mal, que le RCT en est-là aujourd’hui, qu’à Boudjellal…
C’était une belle époque, plus saine pour sur
Merci pour cet article, ça fait plaisir d’avoir des nouvelles de Fitzy.
Excellent Jeremie ton 1er commentaire, pas mieux.
Douy, Curnier, Nicky Smit, Toevalu, Traversa… on peut tous les faire… même les jeunes de l’époque, Buchet, Arniaud, Grimaud, Tallec… tiens tout ces noms ça me rappelle le jeu Pro Rugby Manager de Cyanide en 2004… où on arrivait à finir premier de Top14 en partant de la Prod2…