Lors d’un entretien accordé au Parisien, Mourad Boudjellal, le président du RCT se confie trois jours avant la demi-finale de son équipe contre le Racing-Métro 92. Il avoue d’ailleurs ne pas vouloir y penser trop à l’avance.

Mourad Boudjellal évoque le club Francilien, son équipe, ainsi que le rugby Français. Extrait:

Comment abordez-vous cette dernière ligne droite ?

Je ne suis pas encore entré dedans. J’ai juste regardé la victoire du Racing à Toulouse vendredi dernier. Je commence à être un vieux président et je retarde les moments où je vais devoir y penser. Je banalise les choses. Mon expérience me dit qu’il vaut mieux faire comme si c’était une semaine comme les autres. J’ai une certitude cependant, c’est que Toulon sera la seule équipe qui ne terminera pas sa saison ce week-end en cas de défaite. Et si on perd, ce sera peut-être bénéfique pour la H-Cup.

Votre équipe est-elle plus ou moins forte que l’année dernière ?

Devant, on est peut-être un peu moins performants à cause des absents sur blessures, mais derrière, on est un peu meilleurs. Mais je ne veux pas penser au doublé. La joie de se qualifier pour une finale n’est rien à côté de la peine d’être battu en finale. Nous en avons disputé cinq et perdues quatre depuis que je suis là.

Que pensez-vous du Racing-Métro ?

Je m’attendais plutôt à affronter Toulouse, mais je me méfie beaucoup du Racing. Ses deux entraîneurs sont deux petits lutins géniaux, très créatifs. Ils nous avaient fait des misères avec Castres en finale du Top 14 la saison passée. Au Racing, ils ont mis en place un rugby un peu minimaliste lequel ils vont se construire un gros palmarès.

Quels joueurs Franciliens craignez-vous en particulier ?

La charnière Machenaud – Sexto, c’est pas dég… Hernandez à l’arrière peut devenir à tout moment le Messi du rugby. Et la deuxième ligne pèse 300 kg !

Toulon reste tout de même le favori logique…

Mais on n’a rien dominé du tout cette saison ! Il y a deux demi-finalistes à Lille. Trois président s’y rendront à jet privé et un seul ira acheter son billet de train au guichet SNCF, c’est moi. Le seul luxe que je me paierai, c’est de voyager en première classe ! Je ne fais pas partie des 100 ou 200 plus grandes fortunes de France moi.

Les budgets de Toulon (23,6 M €) et du Racing (22,4 M €) sont comparables…

On parle de Toulon comme d’un club riche, mais c’est le monde à l’envers. Nous avons construit un modèle économique, c’est différent. Aujourd’hui, Toulon est une anomalie. Jacky Lorenzetti ou Mohed Altrad peuvent d’acheter l’équipe des All Blacks et celle des Springboks à la fois et partir en vacances sans se poser de question. Quand on a perdu chez nous contre Grenoble cet hiver, je me suis demandé si je n’allais pas être ruiné en cas de non-participation à la prochaine Coupe d’Europe. C’est la réalité. Mais attention, je ne suis pas jaloux. Je suis admiratif parce que ce sont de grands entrepreneurs.

Avez-vous peur que votre équipe soit dans le collimateur des arbitres après vos déclarations répétées et celles de votre entraîneur Bernard Laporte à leur encontre ?

Non. Mais c’est incroyable, car on fait comme s’il n’y avait pas de problème d’arbitrage en France. Je ne suis pas au comité directeur de la Ligue nationale car je suis moins intelligent que ces messieurs, mais j’ai une proposition: il faudrait que chaque club de Top 14 donne 100 000€ sur les droits télé qu’il reçoit et chaque club de Pro D2 50 000€. Ça ferait 2,2M € en tout pour recruter des arbitres et aider à leur formation. Quand on veut un cadre supérieur, on ne les paie pas au même salaire qu’une standardiste. Le problème existe, et un jour il y aura un coup de poing ou peut-être même plus. Les entraîneurs et les dirigeants ne sont pas dans un état normal pendant les matches.

Que pensez-vous de la volonté de votre manager Bernard Laporte de briguer la président de la Fédération française en décembre 2016 ?

D’abord, il reste avec nous encore deux saisons. La première est signée, et pour la suivante, et pour la suivante, nous nous sommes tapés dans les mains à 3 heures du matin, dernièrement, ce qui, dans le sud, vaut encore plus qu’une signature. Ensuite, je sais que tout est préparé et réfléchi chez lui. S’il a pris cette décision, c’est qu’il a consulté et qu’il a une chance. Et c’est un bien pour le rugby français.

C’est à dire ?

C’est quoi la Nouvelle-Zélande par rapport à la France ? Un village ! Et nous, on se bat contre un village et on se demande si on va arriver à être champions du monde un jour… Mais avec sa force, sa popularité et sa richesse, le rugby français devrait écraser la planète ! Il y a des tas de choses qui ne vont pas. La formation en est un exemple. Elle est catastrophique. Ce sport n’assume pas son rôle d’ascenseur social et on perd des gamins qui pourraient devenir de grands joueurs.

Quel est votre avenir dans le rugby ?

Tant que Bernard est là, je suis là. Après… Sur cette planète, je suis un passant appelé à mourir. Je vis le présent, c’est tout. Pour le moment, je prends mon pieds, c’est à dire que j’ai des émotions, des joies et des peines. Quand je n’en aurai plus, j’arrêterai. C’est ce que j’ai fait dans le monde de l’édition quand j’ai perdu la passion.